Michel Dunand ou la poésie discrète
C’est l’éditeur de Nantes Le Petit Véhicule qui a publié, en 1989, son premier titre « Dernières nouvelles de la nuit ». Il est, à ce jour, l’auteur de six recueils de poèmes de belle facture, rigoureux, précis comme une flèche qui atteint en plein centre la cible du cœur. Il s’appelle Michel Dunand. Il est né à Annecy, en 1951. Il y dirige la « Maison de Poésie » et, avant tout, il anime et réussit à faire vivre la revue COUP DE SOLEIL depuis 1984 déjà. Je ne sais pas vraiment si Jean Joubert avait raison de prétendre il y a quelques années que Dunand est l’un des rares hommes « capables d’allier l’action culturelle et l’écriture », mais je constate, à la lecture de son dernier recueil « Sacre » (Jacques André éditeur) qu’il vient de m’adresser que son talent original est réel, un art à portée du plus grand nombre, subtil, désabusé, resserré comme :
Rue du Petit Canal.
Un goût d’égout
On dort aussi sous le ciel étoilé
Parce que l’on n’a pas le choix
En 2009, nous avions choisi, Patrice Delbourg, Pierre Maubé et moi, pour « L’Année poétique 2009 » (Seghers éditeur) un poème de Michel Dunand qui n’hésitait pas à exprimer en peu de mots un élan libérateur exceptionnel :
Il a scié tant de barreaux.
On aimerait pouvoir les compter, mais le nombre est trop grand, trop élevé.
Des milliers,
Des millions…
Au fond, le poète Michel Dunand prend parti pour tout ce qui aide l’homme à sortir de ses prisons et, en cela, il me semble une sentinelle fervente et utile dans notre microcosme souvent plus soucieux de son nombril à faire miroiter que de la ferveur libératrice du Sacré. De plus, on me dit que Dunand est un passionné et un amoureux d’art et de musique… On évoque aussi à son sujet un « pointillisme lyrique », et on n’hésite pas à le repérer « dans la lignée des essentialistes qui vont des grands poètes chinois anciens à Dupin ». Bon ? Je veux bien. Mais ce que je retiens en priorité quant à moi, c’est son humour philosophique et désenchanté qui lui fait écrire :
Tout est prétexte
à prendre un bain
mais ce n’est pas
toujours celui
que l’on souhaite
Reprenant en guise de conclusion une autre affirmation de Michel Dunand, je dirai que « l’enfer n’est pas gratuit. / Le paradis non plus, d’ailleurs. Mais on paye après » ! Mais attention : derrière le sourire, le clin d’œil, cette manière de parler d’amour ou de désir qui est unique, il faut savoir reconnaître que ce poète brûle pour la bonne cause, celle d’une reconnaissance d’un « petit supplément de corps », si ça n’est d’un supplément d’âme ! Parce qu’il est capable d’affirmer « Un amour / véritable / est toujours / hors-la-loi », le credo de Michel Dunand participe non seulement au présent mais aussi à l’éternité. D’ailleurs, dans cette lignée royale, je ne suis point étonné de découvrir son opuscule bilingue (traduction d’Azouz Jemli) « Tunis ou Tunis »… d’évidence, tout, ici aussi, est un « rendez-vous, jour après jour, avec la vie ».
« Le meilleur de la joie », en effet ! Tout, sous la plume aiguisée de Michel Dunand, avec ou sans parfum de jasmin pour le dire, chante un certain bonheur intérieur qui prouve que cet errant-là est de nos amis.