Il y a dans chaque enfant

Il y a dans chaque enfant comme une trêve avec la nuit,
Un monde nou­veau qui dit non à l’autre.
Une fêlure où tombe le néant.
Et le chemin recommence
Avec l’eau vive qui ser­pente et l’or des sentiers.
Le pas­sage peut être bref, quelque­fois on s’attarde.
Le poète pro­longe et veut oubli­er l’heure,
En lui demeure l’aube qui aime les enfants.
Le coeur dardé d’épines, de la rose, il garde la fraîcheur
Et ce sourire qui voit le ciel.
Alors, c’est Marie qui se penche et l’emmène
Dans les plis de sa traîne où restent les brins de paille,
Les étoiles, et quelques anges des plus taquins et sans raisons.
Quand les poètes sont au ciel, il pleut des rêves
Pour tous les hommes, les ânes et les lions.
Il arrive qu’une femme leur accorde une place
Qu’il en naisse un poète qui crie dans son sommeil
Parce que la porte est si lourde
Ou le vent si pressé qu’on ne la retient pas.

 

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                                    Portée disparue

Portée dis­parue,
Ma soeur des longs roseaux
Ma soeur des flûtes d’eau.
Large est le tamaris
Les algues allongées
Le cyste et la langueur
De ton ombre démesurée
Qui donne à voir la flêche
Du temps, la grotte où parle
Le râle des soirs de danse.
Et le ressac à ton épaule
D’une main dévoyée,
Loin dans les hivers de brume
Loin et qui n’en dort plus.
Il faudrait pou­voir les prendre
Tous comme on effeuille un annuaire.
Et quand tu t’inclines,
Je vois une couronne qui brille sur ton front.
On m’a dit que tu n’as plus de larmes
Ma soeur, et ton nom même a disparu
Quand on a arraché le lierre.

 

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                                 Les branch­es se saluent

Les branch­es se saluent
Les branch­es ont des ver­tus de chiens.
Les branch­es se saluent
Et bavar­dent de leurs liens.
Les branch­es ont des plumages
Ronds qui saut­ent dans les branches.
Les branch­es ont des plumages
Comme des fruits qui chantent
Et la sai­son s’en va où tu me pris la main.

 

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                            Il fut un temps de soleil gris

Il fut un temps de soleil gris
D’e­space sans raison
De grif­fures à la fenêtre
Et je n’ai sou­venir que d’un oiseau.
Main­tenant, elle va droit
Dans cette vaste allée sans impatience
Où dire le vide deman­dera tant de poussière.

 

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                                                                       Le vent vient de la mer

 

Le vent vient de la mer mais qui nous est hostile.
Un tri­dent déchire la nuit et puis comme un éclair
Une bouf­fée d’au­rore qui dit le mal de vivre
La néces­sité de fuir
Un spec­ta­cle de boue, une lap­pée de miel
Et quelques détri­tus en par­tance vers la mer.
La trace d’un souf­fle qu’on ne retien­dra plus.
Je te hais d’être à ce point vivant par­mi les morts
Toi qui ne sait plus dire ce matin le nom des miens.
Et c’est incli­nai­son de silences aux qua­tre méridiens.
Pour ceux que le sort con­duit sur la route
Qui ne peu­vent plus ni mon­ter, ni descendre
La seule lib­erté est de vivre.
L’au­rore est un par­cours plus som­bre que nos rêves
Et tu chantes.

 

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                                  Des routes estivales

 

Des routes esti­vales, des matins vieux, des ombres souveraines
Et voilà que les mots s’en sont allés comme tourterelles
Enfants sauvages, car­cass­es de silence sous leurs peaux brunes.
Silence de la mer déjà ren­trée là-bas au creux de la colline
Dans l’au-delà des prés comme blessure.
Et pour­tant, elle sait qu’il était ques­tion de dire le délice
Dans ces mots.
Délices à flanc de coteaux, d’escapades,
De sueur et de châteaux. Instants d’un monde tiède
Où cour­rait quelque chose qui sub­sis­terait de la vague
Avec plusieurs cor­beaux opiniâtres qui interpelleraient
Comme grives, mais tout gris dans les buis­sons nap­pés de givre.
Les mots sont par­tis et l’aïeule pour les dire.
Délices des matins de plume, des silences intrépides
Et des envolées sous l’é­dredon aux yeux gris.
Ardoise des jours.
Partout ces dames qui ser­rent leur gilet.
Délices tardif des pétales de rose que ta présence honore
Que ta présence adore et j’ose quelques mots que tu ne diras plus.
Fête incer­taine d’être là, le jardin se repose
D’une vie de plus qui a fer­mé sa grille.
Dans le jardin, moins de pléni­tude qu’au cimetière
Ce matin, seule dans le brouillard.

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