Le génie, quand il s’y ren­con­tre, n’est que le don d’exprimer la réal­ité en traits plus saisissants.

 

Jamais le but de la poésie n’a été d’in­ven­ter quelque chose de nou­veau, mais d’ex­primer, d’une façon forte et per­son­nelle, des vérités pro­fondes, des sen­ti­ments sin­guliers qui ten­dent naturelle­ment vers un devenir pure­ment humain. De là, vient cette force d’exprimer le monde loin de tout dog­ma­tisme ou raideur de l’esprit qui sont autant d’obstacles aux besoins de la connaissance.

La poésie, qu’elle chante la puis­sance du monde ou qu’elle se révolte con­tre la vie est libéra­trice et n’a de valeur que par ses appli­ca­tions, car elle s’adresse par nature à toutes les puis­sances de l’âme des hum­bles, à la grande lumière de la vie, à la pro­fondeur du com­plexe mou­vant de la société.

S’agissant de Geneviève Clan­cy, c’est d’une parole poé­tique enten­du ici comme parole de pré­mo­ni­tion de la réal­ité vivante, comme seule con­di­tion d’une cohérence ultime, absolue où ce qui domine l’être c’est d’abord l’amour de l’hu­man­ité des pro­scrits qui pré­domine sur la haine de l’in­hu­man­ité des pro­scrip­teurs dont il est question.

Cet amour des pro­scrits est une réin­car­na­tion de la vie, il est ce qui résiste à la mort, la mort de l’homme et de son his­toire que la poète et philosophe Geneviève Clan­cy évac­ue ou exalte dans ses poèmes, ses apho­rismes ou ses maximes où s’expriment dans le libre dia­logue, l’action et le rêve.

Œuvre immen­sé­ment poé­tique et éminem­ment poli­tique, le pro­pos de la poésie et de la philoso­phie de Geneviève Clan­cy est d’impulser un « devenir poé­tique de l’homme » à tra­vers l’intuition mys­tique et l’ardeur du rêve éveil­lé qui perçoit l’émotion et les vibra­tions secrètes du poème qui se situe au-delà de la seule expli­ca­tion cohérente ou inco­hérente du réel[1].

La poète adepte de la pen­sée trans­dis­ci­plinaire de Jalal-Edine Rûmi, d’Al Hal­laj, d’Ibn Ara­bi et Sohravar­di, se fond dans cette présence appelée le «Baqa», cette «per­ma­nence» en l’ab­solue vérité dépas­sant toutes les formes de la rel­a­tiv­ité et atteint le dépasse­ment de soi, pour arriv­er au chemin du cœur, chemin de l’amour, du savoir et de la con­nais­sance qui est à l’opposé de toutes les formes de spécu­la­tion intellectuelle :

 

« Sen­tir le devenir, c’est moisson­ner les yeux brûlés
de cimes un incendie passé par le présage poétique.

La vio­lence des œuvres libres porte l’apparition des ban­nis, des échoués, comme un brasi­er d’eau dans la fièvre — la lumière sur la lumière -[2].

 

Il est ques­tion d’une écri­t­ure poé-éthique qui dépasse les procédés ordi­naires de la trans­po­si­tion. La poète et philosophe fait corps avec l’histoire et elle est le témoin direct de ses engrenages, en fait sa voca­tion pre­mière et se présente naturelle­ment dans ses dires comme inter­cesseur et entend la délivr­er de ses adjec­tifs et de ses addi­tifs invraisemblables.

Dans ses poèmes, elle nous accule à nos respon­s­abil­ités indi­vidu­elles et col­lec­tives et oppose une objec­tion assez forte à nos cer­ti­tudes aléatoires :

 

« Si l’Être voit ce que nous voyons de lui,
il décou­vre la parole muette de l’inaperçu des choses qui l’énonce.
Il assiste à la nais­sance de cette fresque où il s’apparaît selon un don­né où sa présence l’empêche de touch­er au sens de ces images où nous nais­sons comme monde.
Elles sont libres par la vue qu’elles lui offrent de son invisibilité.
 

Et le devenir est inter­valle entre mys­tère et secret, monde sculp­té des choses par le regard des mots sur l’indiscernable.[3] »

Dans cette poésie trans­fig­urée, L’esthétique du penser y déploie tout l’arsenal d’une thérapie philosophique, de la thérapie que seule la poé­tique du penser est apte à met­tre en œuvre en dévoilant la dra­ma­tique de la vio­lence  et en exposant ses effets les plus per­vers[4]

Un ouvrage col­lec­tif vient enfin de paraître, pour ren­dre un pre­mier hom­mage con­cret à Geneviève Clan­cy et où l’on peut lire des témoignages boulever­sants qui restau­rent et réha­bili­tent ses écrits : A la ren­con­tre de Geneviève Clan­cy, Poète-Philosophe où sont réu­nis des témoignages poignants (sen­si­bles) sur son œuvre poé­tique et philosophique, sur ses engage­ments, son éthique et sa fas­ci­na­tion pour la pen­sée Soufi avec la con­tri­bu­tion d’une poignée de philosophes, poètes et écrivains et où l’on peut lire : La parole de Geneviève est une parole qui par­le par éclats de voix-éclats coupants, tran­chants. Ses phras­es sont des atom­es, des unités indi­vis­i­bles chargées d’énergies[5] .

Ou encore : Le soleil noir de Geneviève Clan­cy n’est pas celui de la mélan­col­ie mais émerge du fond du gouf­fre, épiphanie d’une joie. Tout repose alors en elle seule, en son creux solaire. [6])

Un ouvrage où le philosophe Jaques Poulain résume la pen­sée poé­tique de Geneviève Clan­cy avec cette phrase per­ti­nente : L’esthétique du penser y déploie tout l’arsenal d’une thérapie philosophique, de la thérapie que seule la poé­tique du penser est apte à met­tre en œuvre en dévoilant la dra­ma­tique de la vio­lence  et en exposant ses effets les plus per­vers[7]

 

De philippe Tancelin, en présen­ta­tion de ses poèmes hom­mages, ci dessous :

Geneviève Clan­cy, poète et philosophe avec qui nous avons si haute­ment chem­iné de paroles en écri­t­ures, d’en­gage­ments en sol­i­dar­ités, d’e­spoirs en utopies, de regards en gestes d’ac­cueil. Du poème à la nou­velle, en pas­sant par l’apho­risme et la maxime, elle est au détour de ses poèmes, dans l’in­ter­stice du nom­mé et de l’in­nom­mé, au vol de la plus belle tra­ver­sée des fron­tières, dans cette urgence inces­sante de vivre le par­ti des résis­tances à l’impossible.

 


[1]Nass­er-Edine Boucheqif, La ques­tion de l’Immanence dans l’œuvre poé­tique de Geneviève Clan­cy, essai. A paraître dans Col­lec­tion Pen­sées en Mou­ve­ment, éd. Polyglotte‑C.i.c.c.a.t 2013.

[2] Geneviève Clan­cy, L’Esthétique du Devenir, éd. L’Harmattan.

[3] Ibid

[4] Jacques Poulain : A la Ren­con­tre de Geneviève Clan­cy, poète et philosophe, essai, col­lec­tif, éd. L’Harmattan 2013.

[5] Bruno Cany : A la Ren­con­tre de Geneviève Clan­cy, poète et philosophe, essai, col­lec­tif, éd. L’Harmattan 2013.

[6] Ibid. René Schér­er : A la Ren­con­tre de Geneviève Clan­cy, poète et philosophe, essai, col­lec­tif, éd. L’Harmattan 2013.

 

[7] Jacques Poulain : A la Ren­con­tre de Geneviève Clan­cy, poète et philosophe, essai, col­lec­tif, éd. L’Harmattan 2013.

 

image_pdfimage_print