” Avant, quand mes mains n’ex­is­taient pas encore, ton corps était un men­songe. “, écrit Raúl Nieto de la Torre dans son pre­mier recueil de poèmes en 2006. La plu­part des chemins d’écri­t­ure de cet auteur espag­nol tien­nent en ce vers. Le temps avec ses cohort­es de mémoires et d’ou­b­lis, le corps dans tous ses états et notam­ment celui con­voité-repoussé de l’aimée, la vérité et le men­songe. Plus avant dans le livre, il note : ” Si mes vers pou­vaient par­ler /  ils diraient que les chem­inées mentent, / que la pluie t’écrit sur les toits /  de longues let­tres d’amour et de haine, /  que tes amants me ressem­blent, /  que sur chaque nuage voy­age un télé­gramme. ” Le quo­ti­di­en le plus ordi­naire, sans cesse à vis­iter, sans cesse à répar­er, entre en réson­nance avec une langue empêchée, qui ne peut pas parler.

Né en 1978, Raúl Nieto de la Torre a vécu les charmes trompeurs de la movi­da avant de subir, jeune adulte, le plomb de la crise économique et finan­cière. Dans la pré­face de Pas per­dus dans des rues vides, Elvire Gomez-Vidal observe qu’il est l’héri­ti­er du ” néoréal­isme sale ” de la poésie espag­nole des années 1990. Une poésie qui intro­duit dans ses vers ” les aspects les plus choquants, les plus triv­i­aux, les plus répug­nants même, de l’in­tim­ité, de la ville et de la mar­gin­al­ité “. Pour [ se venger de la réal­ité ] et de l’amour trahi, Raúl Nieto de la Torre n’hésite pas à con­fi­er en ter­mes rudes le mal qu’il souhaite faire à Celle qui est par­tie. Il revendique avec force son ” je ” souf­frant dans [ cette vie entre parenthèses ].

Tout révolté qu’il soit, il n’en oublie pas pour autant ce que sa poésie doit aux grands anciens. En exer­gue ou dans le corps même des poèmes, il leur donne la parole, et cette parole tisse sa pro­pre parole, liant ain­si l’u­ni­versel humain. Dans une note à la fin de Pas per­dus dans des rues vides, à pro­pos du poème La voix volée, Raúl Nieto de la Torre nomme un à un ses pres­tigieux inter­locu­teurs : Luis Cer­nu­da, Jorge Luis Borges, Blas de Otero, Pablo Neruda…

Désor­mais doc­teur en lit­téra­ture espag­nole et pro­fesseur, retiré dans un vil­lage près de Valence, Raúl Nieto de la Torre pour­suit avec obsti­na­tion son ouvrage de mots. Ses recueils sont disponibles aux édi­tions Vitruvio.

- Zap­atos de andar calles vacías / Pas per­dus dans des rues vides (tra­duc­tion par Dominique Boudou et Elvire Gomez-Vidal, édi­tions Pleine Page, 2006 et 2007). Le jour­nal d’in­for­ma­tion cul­turelle Rit­mos XXI a retenu cet ouvrage comme l’un des meilleurs parus ces quar­ante dernières années, aux côtés, notam­ment, de Juan Luis Panero, Anto­nio Gamone­da, José Agustín Goytisolo…

- Tríp­ti­co del día después (Pre­mier prix de poésie de la Fun­dación Siglo Futuro-Caja de Guadala­jara, 2008

- Salir ile­so (sélec­tion de poèmes édités et inédits de 1996 à 2010, avec des pho­tos de Rubén Nieto de la Torre, 2011)

- Los pozos del deseo ( avec de nom­breuses exer­gues de Melis­sa, la femme aimée, 2013)

Raúl Nieto de la Torre tient aus­si un blog de réflex­ions lit­téraires qui illus­trent au mieux son par­cours : Al pie de la montan͂a invisible.

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