On se rap­pelle peut-être ce mer­veilleux essai de Gas­ton Bachelard, qui s’intitulait « L’Eau et les rêves ». Et qui fut édité en son temps (ou était-ce la volon­té expresse de son auteur ?),  par José Cor­ti… Tou­jours est-il que ce furent ces réflex­ions qui changèrent à jamais ma façon de voir la poésie, tant, à la croisée de la rêver­ie la plus pro­fonde et de la médi­ta­tion (mais ne seraient-ce là deux noms pré­ten­du­ment dif­férents de la même expéri­ence ?), il en ressor­tait un regard neuf et totale­ment renou­velé sur les élé­ments de ce monde.

 

Aus­si, l’on com­pren­dra que je veuille à tout prix saluer la dernière paru­tion de Valère-Marie Marc­hand qui, dans ce qui me paraît la plus grande fidél­ité à celui qu’il faut bien nom­mer son « maître à penser », livre aujourd’hui au pub­lic les mytholo­gies que, apparem­ment, elle n’a pu s’empêcher de nour­rir au fil de l’eau !

Le « com­plexe d’Ophélie », m’a‑t-il ain­si paru, n’est jamais très loin, ni la fig­ure de ce Charon qui fai­sait se deman­der à Bachelard si la mort n’avait pas été le pre­mier nav­i­ga­teur – tout en se rap­pelant bien que c’était la tra­ver­sée de cette épreuve qui nous fai­sait éventuelle­ment débouch­er sur la renais­sance à d’autres cli­mats et à une autre vérité de notre âme.

C’est de la sorte qu’après avoir rêvé sur l’occident de l’Irlande et sur son Con­nemara de toutes parts aqua­tique, après s’être lais­sée fascin­er par les songes d’Athanasius Kircher (qui con­naît encore aujourd’hui les œuvres de ce père jésuite ?), l’auteure nous entraîne, à tra­vers l’évocation des larmes (« Lacrima »), à tra­vers celle de « La boue », à tra­vers celle des « eaux du Léthé », vers un « rêve au soleil » — ou tout comme ! —  qui nous  livre enfin les clefs de notre imag­i­na­tion sans fond, et nous ouvre les portes d’une réflex­ion sans fin…

Qu’on me per­me­tte ici de recopi­er les dernières lignes du recueil : « Elle s’était dit que l’eau nais­sait d’elle-même et que l’on ne con­nais­sait pas vrai­ment le tra­jet de la pluie. (…) Puis elle avait voulu voir les insectes qui som­meil­laient dans l’herbe, l’arrivée du soleil l’autre bout des collines. C’est à ce moment qu’elle s’était mise à sourire, à songer à une sec­onde vie, à une clef qui ouvri­rait tous ces instants frag­iles, libre d’elle-même et de ses inter­valles non dits… »

 

Comme si, en effet, « ce n’était pas bien com­pliqué à faire, à dire, à expli­quer peut-être. Ce n’était qu’un livre qu’elle avait ouvert et aus­sitôt refermé. »

A cela près que, une fois ce livre refer­mé, il nous pour­suit sans arrêt de toute sa charge imag­i­naire et, ce qui n’est en rien con­tra­dic­toire, des abîmes de médi­ta­tion qu’il aura révélés au plus pro­fond de nous.

image_pdfimage_print