La poésie ou le voyage de l’âme

 

 

Qui, par­mi nos lecteurs, ne con­naît le nom de Matthieu Bau­mi­er ? Aus­si bien par­mi les ama­teurs de romans, que par­mi ceux de nou­velles, ou ceux qui s’intéressent à la spir­i­tu­al­ité française du XVII° siècle…

Mais pou­vait-on devin­er qu’il était un tel poète, habité par tous les ter­ri­toires de l’au-delà et par les moyens d’y parvenir ?

Bien sûr, on savait son pas­sage par ce que l’on appelle couram­ment le « post-sur­réal­isme ». Et si l’on se sou­vient des intérêts les plus réels de Bre­ton, ou des « curiosités » de Ben­jamin Péret, on ne peut que com­pren­dre un tel par­cours… Après tout, je me le demande ouverte­ment, qu’est-ce que Matthieu Bau­mi­er a trou­vé aux pieds de la tour Saint-Jacques à Paris, et serait-ce tout à fait pour rien qu’il a élu domi­cile dans l’un des lieux les plus chargés spir­ituelle­ment de toute l’histoire de France ?

(Car André Bre­ton n’était pas tout à fait l’ « athée mil­i­tant » que l’on croit d’habitude, et, quoi qu’il en eût par ailleurs, sa poésie touche sou­vent à une appréhen­sion « mys­tique » des choses : il n’est que de relire les pre­miers para­graphes de « L’Amour fou » pour s’en ren­dre compte.. .).

Tou­jours est-il que, à l’évidence, Matthieu Bau­mi­er est habité jusqu’au plus pro­fond de lui-même par la présence de dieux qui ne sauraient le laiss­er en paix. Et que sa réflex­ion sur le « silence des pier­res », nous fait aller d’un silence inau­gur­al au silence auquel nous serons acculés lorsque nous décou­vrirons le principe de toutes choses.

Du coup, je me pose la ques­tion : et si la poésie était un essai (mal­ha­bile ? Pas tou­jours.. .), de cern­er ce silence qui nous dépasse de partout et – suprême ruse ? – d’y amen­er peu à peu en essayant de le « dire » ?

Ce que con­fie l’auteur à la presque fin de ses pages :

 

« Je rédi­ge le monde

Et de mes ratures émerge le secret de l’oeuvre » -

 

Et :

 

« Je retiens ceci :

Le Poème est rouge du sang de la neige

 

Il est encore temps de proclamer

La solu­tion finale du prob­lème de la prose »

 

Pour se ter­min­er sur l’évocation de l’horreur de la « solu­tion finale » — évo­ca­tion mar­quée comme écrite dans un cimetière juif, à Berlin…

Alors, je ne peux m’empêcher de me deman­der : et si le silence des pier­res était cette mutité à laque­lle nous pour­rions un jour par­venir lorsque nous aurons réal­isé notre pierre intérieure, cette lapis philosophale que nous cher­chons tous peu ou prou et qui donne sens à notre vie en la réin­scrivant dans le grand jeu de la Vie ?

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