Depuis le mois de Juin, le micro­cosme de la poésie, je veux dire ce que la poésie , qui ne saurait être réduite à cela, compte d’auteurs plus ou moins recon­nus, d’éditeurs, d’organisateurs d’évènements, d’institutions , a été agité , par divers mou­ve­ments et réac­tions. Ce fut d’abord , en début d’été une péti­tion , lancée par cer­tains, que Jean-Luc Godard appelait les « pro­fes­sion­nels de la pro­fes­sion » , con­tre une réforme souhaitée par la direc­tion du Cen­tre Nation­al du Livre ; réforme dont, au demeu­rant,  nul ne sait ce qu’elle recou­vrait , sinon que le bud­get de sub­ven­tions alloué à la poésie n’était pas remis en cause , puisqu’elle n’a pas eu le temps d’être présen­tée avant qu’elle ne soit rangée dans les car­tons … Et l’été pas­sa et la vaine polémique s’éteint  quand l’automne vint . C’est alors que le ciel s’assombrit et que la foudre tom­ba .Dans un appel « au sec­ours » , à la fois dés­espéré et pathé­tique , Jean-Pierre Siméon , le directeur artis­tique du « Print­emps des poètes » appre­nait à la planète « poésie » , deux choses :d’une part  que le Min­istère de l’Education Nationale  amputait la sub­ven­tion qu’il accorde depuis des années de soix­ante-mille euros, d’autre part  que ce manque de soix­ante-mille euros remet­tait en cause l’existence même du prochain «  Print­emps des poètes » ;  De plus , il  invi­tait  tous celles et ceux qui aiment la poésie à écrire à Mon­sieur le Min­istre de l’Education Nationale pour qu’il rétab­lisse sa part de sub­ven­tion. Depuis, des mil­liers et des mil­liers de per­son­nes ont envoyé cette let­tre à M. Le Min­istre de l’Education Nationale. J’espère que les sig­nataires, prompts à péti­tion­ner en Juin, ont tous répon­du à cet appel … Depuis, de nom­breuses «  per­son­nal­ités » du monde poé­tique ont écrit. Depuis,  les réseaux soci­aux se sont mobil­isés et ont recueil­li, eux aus­si, des mil­liers de sig­na­tures. Pour l’instant, en vain. Le Min­istère de l’Education Nationale fait la sourde oreille…D’aucuns, rêvant sans doute d’un « grand soir » de la poésie en sont à envis­ager de défil­er der­rière des ban­deroles. D’autres encore s’apprêtent à créer un « syn­di­cat des poètes » …Et l’hiver arrive, temps de la réflex­ion, avant que les forces de la vie ne ger­ment à nou­veau et qu’éclose le Printemps.

Que penser de tous ces évènements ?

Tout d’abord que le Con­seiller de Mon­sieur le Min­istre de l’Education Nationale a fait faire à Vin­cent Peil­lon, émi­nent philosophe qui con­nait la fonc­tion pri­mor­diale de la poésie , qui est de con­tribuer à « ré-enchanter le monde » , de redonner du sens et de l’espérance, de réveiller le rêve ( Qui a dit qu’il voulait « réveiller le rêve français » ?) et dont l’engagement en faveur de la poésie ne saurait être , à pri­ori, remis en cause , plus qu’une erreur compt­able . Il lui a fait faire une vraie « Faute » poli­tique . Con­nait-il, celui-là, la petite école de Lou­is­fert , où pen­dant des années, le « hus­sard noir de la République » qu’était l’instituteur René-Guy Cadou , après avoir « enseigné » toute la journée à des enfants de paysans à lire, écrire et compter, repous­sait ces cahiers d’écoliers qu’il venait de cor­riger , pour écrire une des plus grande œuvre de la poésie française du vingtième siè­cle , œuvre d’ailleurs apprise dans les écoles ? Sait-il, celui-là , que l’association «  Le print­emps des poètes » a implan­té , avec le sou­tien de la Fédéra­tion Nationale des Col­lec­tiv­ités pour la Cul­ture , la poésie au cœur de la vie citoyenne, dans trente villes  et vil­lages français, en leur accor­dant le label, inven­té en 2011, «  Villes et vil­lages en poésie » ? Ignore-il que cette même asso­ci­a­tion, ses respon­s­ables et son per­son­nel , com­pé­tent, créatif et entière­ment dévoué à la pro­mo­tion de la poésie, organ­ise , chaque année , avec l’Office cen­tral de la coopéra­tion à l’école , des stages des­tinés aux enseignants , et décerne le label «  Ecole en poésie » . Més­es­time-il le rôle de recon­struc­tion du lien social , qu’à tra­vers les mil­liers d’évènements , organ­isés chaque année dans le cadre du «  Print­emps des poètes » , celui-ci joue ?

Cer­taine­ment ! Il faut donc con­clure que «  la poésie » n’est pas au pro­gramme de l’Ecole Nationale d’Administration, ce qui est dom­mage et dommageable.

Ensuite, que le «  Print­emps des poètes », « inven­tion » heureuse de quelques per­son­nal­ités du monde de la cul­ture , dont un poli­tique « éclairé » con­nais­sant , lui, la fonc­tion socié­tale des sym­bol­es et de la fête dans toute société , dont il ne vient à l’idée de per­son­ne qu’il dis­paraisse , ne saurait dépen­dre seule­ment des fluc­tu­a­tions budgé­taires de quelque min­istère que ce soit , ni des ori­en­ta­tions poli­tiques de tel ou tel gou­verne­ment . La poésie  appar­tient à tous : poètes, édi­teurs, comé­di­ens, organ­isa­teurs d’évènements poé­tiques le plus sou­vent bénév­oles , enseignants, libraires , lecteurs et surtout au pub­lic, ce pub­lic , issu de tous les milieux socio-cul­turels , qui se compte par cen­taines de mil­liers de per­son­nes ‚qui assis­tent et par­ticipent aux plus de dix-mille évène­ments organ­isés au print­emps mais , pré­parés et coor­don­nés toute l’année par l’association «  Le print­emps des poètes » . Certes, la poésie , dans son ensem­ble , est économique­ment très frag­ile et ne saurait se pass­er des sub­ven­tions publiques , que ce soit celles des col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales  ou celles, nationales , des dif­férents min­istères . C’est , effec­tive­ment, essen­tielle­ment grâce à deux événe­ments que la poésie a retrou­vé  droit de cité . L’un , précurseur , créé il y a trente ans , Le Marché de la poésie, qui a su fédér­er , à sa manière , tous ceux qui par­ticipent à la créa­tion , édi­tion  et dif­fu­sion de la poésie en France, l’autre, le «  Print­emps des poètes » qui a su rassem­bler sous sa mar­que, dev­enue elle-même un  «  label » , les mil­liers de bonnes volon­tés créant et ani­mant des événe­ments poé­tiques , en tran­scen­dant les cli­vages qui mar­quent ce milieu. Mais suf­fit-il que  toutes celles et ceux-là péti­tion­nent et man­i­fes­tent ? Certes, il faut le faire,  pour que les pou­voirs publics main­ti­en­nent et même aug­mentent leurs sou­tiens et leurs aides. Mais le monde poé­tique ne saurait se con­tenter d’un statut d’assistanat.  Sou­venons –nous de l’origine du mot poésie : « Poïe­sis » : Faire .

Enfin, qu’il faut «sauver le print­emps des poètes » en ne lais­sant pas l’association qui l’anime et le coor­donne dépen­dre du «  bon ou mau­vais vouloir des gou­ver­nants ». Si la poésie est, par excel­lence, acte de partage gra­tu­it, sa dif­fu­sion, sa pro­mo­tion, sa prop­a­ga­tion ne sauraient  més­es­timer le rôle de l’argent pour ce faire . Sauver «  Le print­emps des poètes »  c’est donc don­ner à l’association qui le gère et l’anime, des moyens financiers. C’est en mobil­isant tous celles et ceux qui, à quelque titre que ce soit, aiment la poésie, que cela peut se faire. L’association «  Le Print­emps des poètes » a besoin de mécènes !  Que tous ceux qui ont, un jour,  par­ticipé, à quelque titre que ce soit au « Print­emps des poètes » y ail­lent de leur obole, même mod­este, surtout si elle est mod­este. Que tous ceux qui ont béné­fi­cié de son sou­tien en voy­ant leur tra­vail «  label­lisé  »  aient quelque recon­nais­sance. Que tous ceux qui aiment la poésie fassent un geste de générosité, en faisant honte aux épiciers du cœur. L’association « Le Print­emps des poètes » n’a pas besoin de char­ité mais de sol­i­dar­ité, en actes, c’est-à-dire  en espèces « son­nantes et trébuchantes »

Revenons à l’essentiel : la poésie vous aide à vivre ? Aidez-le « Print­emps des poètes » à vivre..

Que la poésie vous garde…

 

 

 

 

 

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