DÉSERT


À leurs visages
à leurs voix révoquées

À leurs mains vides
à leurs corps évadés

Qu’opposer
que répon­dre qu’élever

Sinon l’étoile
acharnée de la marche

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Nous n’avons pas vu
sous la men­ace des saules

Dans le repli des fougères
ni même aux jonctions

Des ter­res ocres et brunes
qu’au pre­mier olivier

Qu’à la pre­mière dune
nous nous enfon­cions dans le désert

D’autres sont parties
vingt peut-être trente

Elles ont lais­sé vides
leurs foulards leurs tentes

Leurs habits nus
alignés sous l’auvent

Nous ne les avons pas suivies
nous ne les avons pas cherchées

Le mou­ve­ment des sables
recou­vrait leur trace

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Com­bi­en étions-nous
soli­tudes brûlées

Pein­tures sèches
racines orpail­lées de soif

Éten­dues dans l’ombre
des cartes oubliées

Nous l’appelions
nous l’appelions encore

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La main chaude
de l’absence

M’appela au rebord
des plaintes des falaises

J’ai jeté au vent
les car­nets de la marche

Sans la nommer

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On l’ouvrait pour sentir
le bruit de la nuit

On lui volait
son silence

Elle le reprit
et finit d’exister

Tout ce temps passé
à ne regarder que l’aube

Temps d’érosions sourdes
et de colères entredites

Orages adossés à nos
arbres éven­trés de prières

Nous nous retrouverons
au banc des insoumises

Dans le refrain des mers
à l’avenir du monde

°°°

 

 

MER


Des mois entiers de marche
à dis­siper le printemps

Les cam­pagnes fleurissaient
du marais de nos deuils

Nous nous arrêterons disions-nous
nous nous arrêterons

Aux dernières pierres
du dernier sommet

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La val­lée disparaissait
dans les nuages en contrebas

Il ne res­ta bien­tôt à gravir
qu’une roche humide et grise

L’air se chargeait d’embruns
ceux pensions-nous

Des soirs de renoncement

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Au som­met  
l’horizon

Et dans nos gorges
et dans nos larmes

La mer le bleu
le bleu immense

Nous détachâmes nos cheveux

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Elle par­don­na l’hiver
elle par­don­na les morts

Leurs noms solitaires
abîmés de néant

Elle par­don­na la colère
étouf­fée de nos pleurs

L’écume sur ses mains
for­mait un banc de cyprès

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La mer prit nos corps
jusqu’au soir

L’été flot­tait
dans nos têtes

Nous l’accrochions
pour goûter

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Ici l’eau s’arrête
lorsque les pier­res crient

Elles claque­nt dans
un lit d’orage

Pour ces jours d’avant
qu’on ne rever­ra plus

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L’as-tu jamais entendue
la voix de cette mer qui danse

L’as-tu jamais écoutée
sous mes mains de corail

Sur ce corps salé sur ce nu
que j’arrache aux grands fonds

Il faudrait s’asseoir là seuls
pen­dant que le mau­vais bruit s’éloigne

Cette marée que l’on connait
n’est pas ce que tu crois

Le rivage s’habille
d’une nou­velle couleur

À chaque lever de mer

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