Ne crois qu’en la lumière, celle qui t’oblige à ouvrir les lèvres.

 

Feuille pliée : principe établi des poèmes pub­liés par Lau­rent Albar­racin au Cad­ran ligné. Texte unique, d’une dizaine de lignes max­i­mum, ten­ant sur une page. Lau­rent Albar­racin explique : « Ce qui me plaît dans cette con­trainte en par­tie liée au choix de coûts réduits de fab­ri­ca­tion et de port, c’est bien sûr l’oblig­a­tion d’ex­cel­lence du poème, le fait qu’il devra tenir debout isolé­ment, faire livre si je puis dire à lui tout seul. Cela implique pour moi un fonc­tion­nement au coup de cœur absolu, chaque poème devant m’émer­veiller assez pour le pub­li­er tel quel et non pas j’al­lais dire mit­igé dans un ensem­ble. J’aime assez en poésie les notions de den­sité, d’év­i­dence pour penser qu’un poème seul, par l’é­clat qui peut être le sien, puisse mérit­er une édi­tion à l’u­nité. »1

La couleur ivoire porte un seul poème donc, celui de Pierre Dhain­aut, Lignes de faîtes. Quels faîtes, quels som­mets ? La vision quo­ti­di­enne de la ligne d’horizon se perdrait-elle par­fois dans le ciel de la mer du Nord ? Où lire les lignes du vol des « oiseaux de la mer » ?

Nous con­nais­sons la houle et le souf­fle que les poèmes de Pierre Dhain­aut parta­gent dans l’espace clos du texte. Or le pre­mier vers résonne dans les autres : même injonc­tion dont le verbe varie (de la restric­tion du vers 1, au con­seil puis à l’interdiction et à l’incitation dans les suiv­ants) pour enser­rer avant de la ren­dre à l’air la néces­saire ouver­ture. Rien n’est clos : cinq phras­es (apoph­tegmes ?) pour que les noms ne préex­is­tent pas à l’accueil, ils fix­eraient un seuil à la perception.

Ce qu’il faut dénouer, les let­tres, une à une entrées dans le poème, le révè­lent alors.

« [L]es ailes, les vagues », en deux extrêmes jux­ta­posés, sig­nent l’alliance. Vers ces deux pôles mène l’injonction déclinée dans le poème.

Rythmes, asso­nances et allitéra­tions les lie par l’écho sonore :

« Les ailes, les vagues avant de voir écoute le cœur est d’accord. » (Les con­sonnes par trois : l‑v-t.)

Les signes, inscrip­tions ouvertes au silence et au son élar­gis­sent l’espace. Somme de noms révélés dans le désor­dre d’une flo­rai­son secrète et nécessaire.

Pour l’exprimer – un élan. Ligne d’horizon ini­tiée par le poème dont l’accomplissement scelle la seule promesse.

 

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Les livres de la col­lec­tion « d’un seul poème » sont imprimés à cent cinquante exem­plaires sur papi­er vergé. Le Cad­ran ligné — Le Mayne – 19700 Saint-Clément

http://www.netvibes.com/albarracin#Ce_que_je_fais_parfois

laurent.albarracin@gmail.com

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