Indice de neige ou dan­ger, le titre se pro­longe dans le pre­mier poème du recueil où la neige noir­cie de la nuit le rappelle.

Tout débute confusément :

« Quelqu’un sec­oue des ombres à la fenêtre. »

Quel fan­tôme ? Quelle couleur trou­ver où tout sem­ble sombre ?

Quelqu’un ou per­son­ne, en ce début mur­muré en prose, tout incline vers l’absence ou ce qui s’altère : pous­sières dis­per­sées, « pages cornées », l’obscurité sourde et lourde de minu­it, l’hiver. En « éclaireurs », les « peurs et les mots », asso­ciés, sont gag­nés par la sai­son. Ici les pous­sières et la ville sont per­son­nifiées, placées au pre­mier plan, dev­enues matière de la nuit d’hiver alors que le poète hésite dans le « on » brumeux de l’indéfini.

La per­cep­tion est ori­en­tée vers ce qui est au dia­pa­son de ces pre­miers indices : glaçon, « l’horloge » qui « a bas­culé », « la roue tourne ». L’air lui-même ressen­ti comme « com­pact », les autres signes qui pour­raient percer « pour desceller les souch­es noires de la nuit » sont atténués. Sans vigueur suff­isante, ils ne peu­vent éclair­er ni le cli­mat ni la couleur. La neige noire est souil­lée d’empreintes. Impos­si­ble de les arrêter, les signes noirs gag­nent leur ter­ri­toire, la mai­son. Per­spec­tive frag­ile con­tre laque­lle appa­rais­sent des obsta­cles pour qui veut la retrou­ver, porte « gelée » qui néces­site d’attendre avant de rejoin­dre. C’est que l’immobilité gagne les lieux et ceux qui pour­raient les par­courir, l’être perçoit ce mor­celle­ment qui s’exprime aus­si dans la per­cep­tion de la neige. Elle n’est pas immac­ulée dans le recueil de Jean-Bap­tiste Pedi­ni, elle est noir­cie par la nuit et souil­lée par tout ce que l’hiver trans­porte, hiv­er à peine réchauf­fé par le choco­lat fumant qui rassem­ble autour d’une table. Les êtres ne sont pas nom­més, pas iden­ti­fiés, tou­jours ce « on » et la pri­va­tion : redon­dante et révéla­trice de l’hiver, la pré­po­si­tion « sans » est déclinée, col­lée aux groupes nom­inaux pour une énuméra­tion morcelée (elle revient par inter­valle) de tout ce qui manque.

Les infini­tifs com­plè­tent la toile d’un univers saisi dans ce qui échappe, le retour de l’hiver et l’arrêt de ce qui vit et vibre.

A plusieurs repris­es, en fin de poème, une ten­ta­tive, une amorce de vie : on est « attelé à la luge de l’aube » ou l’on veut « attis­er le feu du jour », ce com­mence­ment cepen­dant s’éteint dans le début du poème suivant :

« Rien ne va ce matin. »

Tout con­court, tout va vers la tristesse qu’exprime la neige mêlée de sel, con­fon­due aux larmes. Ce qui appa­raît : tout ce qui manque sans être pré­cisé­ment nom­mé (rien n’existe plus de cela qui éclairait).

A la fin, dernier écho à la neige, « l’angoisse » « [t]rop blanche » venue clore le livre pour atten­dre. Demain peut-être, la sai­son des possibles.

 

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