L’opposition des poètes aux guerres coloniales est une page méconnue de l’histoire littéraire. Or il y eut, dès les années cinquante, des poètes français pour dénoncer la violence de la colonisation et le recours à la torture, ou pour soutenir l’indépendance algérienne. Et, de l’autre côté de la Méditerranée, de grandes voix pour dire l’aspiration à la liberté, la douleur, l’espérance et aussi la fraternité humaine. Jean Sénac ne fut pas le seul poète à dénoncer la torture ; d’autres le firent, aussi pour l’avoir endurée. Ce n’est pas par hasard, qu’Espoir et Parole, poèmes algériens, l’anthologie de Denise Barrat (éd. Seghers, 1963), comporte un chapitre intitulé : « Torture ». Il y a aussi, moins connu, malheureusement, La Villa des Roses (éd. Librairie-Galerie Racine, 1999), de Jacques Simonomis.
Il n’est pas inopportun de nous arrêter sur l’« expérience algérienne» de Jacques Simonomis, nous plaçant ainsi sous le regard d’un jeune poète français, enrôlé dans une sale guerre. En 1960, Jacques Simon (né le 28 mai 1940, à Paris) n’est pas encore Jacques Simonomis ; il ne le deviendra qu’à compter de la parution de son premier livre de poèmes : Les Sirènes avec nous, en 1975. Il ne dirige pas la revue Le Cri d’os (40 numéros de 1993 à 2003). Il n’a encore rien publié : son œuvre est devant lui, avec ses trois grands axes de création : le Réalisme, l’Humour et l’Imaginaire), ses images ou son vocabulaire. Evidemment, certains ne manqueront pas de déceler un « manque d’unité » au sein de cette œuvre. À ceux-là, Jacques Simonomis a déjà répondu : « Je suis fidèle à l’infidélité. Je suis comme ça, c’est naturel. La diversité des registres ? C’est mon côté « il peut le faire ». Cette poésie est avant tout taillée d’un seul bloc dans les méandres de sa vie, avec son ton, son style, ses différents registres, ses images ou son vocabulaire. Jacques Simonomis à écrit : « N’étant pas de la race des veaux aphasiques, j’ai crié. » Jacques Simonomis possède un Regard et une Voix, c’est incontournable, et c’est malgré tout l’essentiel. Et comme cela se ressent à la lecture de Matricule à zéro (1976), Mon siècle en deux (1993), Les Couseuses (1997), Sa Majesté auriculaire (1998), La Villa des Roses, guerre d’Algérie 1954–1962, (1999), Le Calfat des étoiles (2002), Un singulier grand ordinaire (2003) ou Claudication du monde (2004).
Jacques Simon est un jeune homme qui, comme bien d’autres de sa génération (« Pour la plupart, nous n’étions pas politisés. Du reste, en France, les gens qui n’avaient personne en Algérie se moquaient du problème »), ne comprend pas très bien les enjeux de cette guerre qui divise la France en deux, et met l’Algérie à feu et à sang ; une guerre à laquelle il est « convié » pour vingt-huit mois de service militaire : Où donc en étions-nous quant à la politique- untel est un menteur l’autre ne vaut pas cher – je ne suis rien du tout – Si ce n’est rien qu’un homme au regard triste. Nous sommes en 1960. Le poète est âgé de vingt ans. Il ne tardera pas à trouver les réponses aux questions qu’il se pose sur les origines de cette guerre, sur le colonialisme, comme sur la nature humaine : Voici les larmes – la robe du silence se déchire – les souliers cognent les pavés – les volcans grondent — les derniers poings tendus – sont broyés par nos chars. En mai 1952, soit deux ans avant le déclenchement de la Guerre d’Indépendance Jean Sénac, s’était, pour sa part, déclaré ouvertement, nous le savons : « Citoyen d’une terre où l’homme est chaque jour muré à la face de l’homme, frappé dans son corps, marqué au bleu dans l’âme, humilié jusqu’au sang. »
Rappelons tout de même que la Guerre d’Algérie s’inscrit dans le cadre du processus de décolonisation (à la veille de la Première Guerre mondiale (durant laquelle la France mobilisera par la force 17.000 ouvriers et 173.000 soldats algériens, dont 25.000 seront tués), la France dispose du deuxième empire colonial du monde, après la Grande-Bretagne, peuplé d’environ soixante millions d’habitants et vaste de douze millions de km2), qui se déroule après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les prémices de la guerre d’Algérie, sont les massacres de Sétif et Guelma, le 8 mai 1945, alors qu’est fêtée en Europe la victoire des Alliés contre le nazisme, soit entre 10.000 et 20.000 morts selon les divers travaux historiques, à la suite de manifestations. L’Armée française rétablit l’ordre sans ménagement pour la population civile. Dans son rapport, le général Duval, maître d’œuvre de la répression, se montre cynique et prophétique : « Je vous donne la paix pour dix ans, à vous de vous en servir pour réconcilier les deux communautés ». Le jour où la Seconde Guerre mondiale se termine, en voyant les chapelets de bombes lancées par l’armée française sur la Petite Kabylie ; en entendant les bruits sourds des canons de marine, on comprend en Algérie que toutes les illusions sont perdues. Neuf ans plus tard, l’insurrection de la Toussaint 1954, dans les Aurès, marquera le début de la guerre d’Algérie, dont la principale cause du déclenchement, réside dans le blocage de toutes les réformes, dû au fragile équilibre du pouvoir sous la IVe République, et à l’opposition obstinée de la masse des Pieds-noirs et de leurs représentants, hostiles à toute réforme en faveur des musulmans, ce que décrit de manière explicite, entre autres, le livre de Pierre Nora : Les Français d’Algérie (éditions Julliard, 1961). Mais les Pieds-Noirs ne furent pas tous de riches colons racistes ; ils ne basculèrent pas tous dans le camp de L’Organisation Armée Secrète, ou dans celui de l’Algérie française. Contrairement à un cliché faisant une règle absolue du départ précipité en 1962, il y eut le choix et les Pieds-Noirs restés en Algérie faisaient masse : 200.000, d’après l’ambassade de France, à la fin de l’été 1962 et 100.000 encore, en 1963. Ces Pieds-Noirs connaissaient ce pays qu’ils considéraient comme le leur, aux côtés de leurs frères algériens.
Deux ans après la Toussaint rouge, Jean Sénac, qui garda l’Algérie au cœur jusqu’à son assassinat en 1973, écrit à nouveau (cf. Lettre à un jeune Français d’Algérie in Esprit, mars 1956), deux ans après le déclenchement de la Guerre d’Indépendance : « Ton cœur souffre de l’injustice quand elle brise un visage français, mais s’ouvrira-t-il à la peine de tous les hommes ? (..) Depuis plus d’un siècle l’Europe vit sur cette terre sans se soucier des neuf dixièmes de ses habitants. Il est juste que ceux-ci retrouvent enfin leurs droits… L’Algérie se fera avec nous ou sans nous, mais si elle devait se faire sans nous, je sens qu’il manquerait à la pâte qui lève une mesure de son levain… La réalité, c’est que ce pays est arabo-berbère et musulman et que nous sommes, avec les israélites entre autres, une minorité qui, comme elle, risque d’avoir une place minoritaire. La réalité, c’est que sur cette terre indépendante, un million d’Européens devra abandonner ses privilèges pour participer, dans la proportion de un pour neuf, à l’édification d’un ordre égalitaire. La réalité, c’est que nous perdrons un peu de notre confort de seigneurs et de nos immenses propriétés. La réalité, c’est que si nous le voulons, dans l’égalité des droits et des devoirs, et la justice retrouvée, après une période où l’esprit de revanche nous aura certainement fait souffrir, il sera possible, en prenant appui sur nos différences, de donner au monde un visage généreux de l’homme. Ce sera une expérience difficile et unique… Mais accepterez-vous de lâcher quelques préjugés pour le salut de tous ? » On le sait, nombreux sont ceux qui n’accepteront pas et n’acceptent toujours pas d’avoir dû lâcher leurs privilèges.
Jacques Simon est incorporé en 1960, dans le corps de la Poste aux Armées (B.P.M.) de Biskra : Biskra — la porte du désert — four ardent — bonté de l’oasis – Paysage dur — paysage fort — labours droits immenses — sillons roulés sur les collines — crêtes déchirées — étendues arides — pierrailles sans accueil – et l’ombre mince de l’alfa… « Là, pendant une année, témoigne le poète, j’ai aimé mon métier. Car j’ai compris l’importance du courrier pour tous ces hommes déracinés. J’ai vu des gars pleurer parce qu’ils n’avaient pas de lettre. Aussi, nous faisions le maximum, allongeant les horaires de service, prenant sur les repas ou sur la sieste obligatoire… J’ai travaillé par 42° à l’ombre, assurant, malgré l’insécurité, les liaisons routières avec le terrain d’aviation ou le bureau, plus important, de Batna, à 120 km. » Au B.P.M., Simon tient également le bar du foyer militaire : « Je m’occupais souvent du bar, jugeant le maniement du décapsuleur ou du doseur à apéritifs aussi important que celui des lettres, paquets, mandats ou télégrammes… Quand on saura que nous étions dans un fort occupé par l’Infanterie de Marine et proches d’un camp de la Légion Étrangère, on comprendra que les consommateurs ne sortaient pas du Couvent des oiseaux. » De sa position, aucune des conversations de la « clientèle » ne peut lui échapper. Entre eux, les soldats parlent de leurs opérations. Ils racontent : « Au bout de dix pastis, les mots saignaient : la guerre de 39–45, l’Indochine et, pour le présent, l’Algérie. Ils racontent, sans la moindre retenue : Quand un Vietnamien à béret noir m’a montré deux champignons rabougris dans son mouchoir, j’ai quitté le bar. C’était des oreilles de fell. Un grand pendard de caporal étalait complaisamment des photos prises en douce : cadavres alignés, gros plans de mutilations, militaires posant en souriant – comme des chasseurs – pour la postérité. Une tête coupée sur un piquet…», se souviendra le poète. Durant cette période, Jacques Simon écrit beaucoup : Marche rivée — le cercle noir de nos poings blancs — bronze du cœur restant aux images qui bougent – les fusils en faisceaux – prient sur notre misère. Une nouvelle fois, chez Simonomis, la poésie sera l’exutoire suprême. L’ennui, les tortures, les bordels, la peur, la mort, les coups de chaleur, la dysenterie, les suspects jetés des camions et des hélicoptères, pieds et mains liés, les insoumis et les déserteurs que l’on traque, tel fut le lot quotidien de cette période. De cette guerre qui a longtemps caché son nom, Simonomis est l’un des rares poètes français (étrangement) à en avoir restitué les faits : « J’écrivais ces poèmes sous le manteau. Je les lisais de même à trois ou quatre copains. En rentrant à Paris, je les envoyai à l’éditeur Maspéro, qui ne me répondit pas… j’ai mis plus de vingt-cinq ans à me décider à sortir ces poèmes sur la guerre d’Algérie, écoutant le conseil de Jean Cassou, qui me disait : « Publiez-les, c’est un témoignage ! » Bien qu’écrits à la même époque, je ne les rattache pas à ma « Trilogie de jeunesse ». C’est un caillou à part. Tirés à 80 exemplaires, ils ne seront pas, je crois, réédités de mon vivant. À quoi bon. Je ne suis pas un militant. J’ai toujours refusé le joug des étiquettes et des appellations contrôlées dénoncées par Virgil Gheorghiu. Je suis sans illusion sur la nature humaine. Voir l’actualité », rapportera le poète en 1991 (cf. « Entretien » in revue Soleil des Loups). Le tirage à 80 exemplaires dont il est question ici, fait allusion aux Poèmes boxeurs (Guerre d’Algérie 1954–1962). Deux volumes de poèmes publiés en 1988, aux éditions de la Nouvelle Proue. Une publication confidentielle et bien tardive, qui en dit long sur le malaise du poète : Mon amour est-ce possible – qu’on prenne l’homme pour cible – la chasse est toujours ouverte – à l’homme à la grosse bête.
Pourquoi ce malaise ? C’est que Jacques Simonomis comprend assez vite ce qui se passe et, impuissant, baisse la tête. Il se tait comme tant d’autres ? Pas tout à fait puisqu’il confie sa rage au poème : Là-bas — très loin du champ de cette déraison — quelques dizaines de tueurs – trinquent — à leur victoire. Il ne participe pas aux combats et ne fait pas couler le sang, mais il porte l’uniforme de l’agresseur ; le même que ses compatriotes, qui torturent impunément les personnes soupçonnées d’alliance avec la cause indépendantiste, dans cette villa baptisée du doux nom de « Villa des Roses » : Ali des Colonies — jamais tu n’oublieras le salon rouge – de la villa des roses – la cave aux portes de l’enfer – où trois sous-officiers dirigent les chorales – trois cuisiniers français dont le maître est chinois… Ils t’ont mis nu comme un enfant – ils te montrent leur serviteurs – anneaux de fer cordes et chaînes – un fauteuil mécanique – la baignoire – un casque spécial – et tout un appareillage électrique – Faut-il donc tant souffrir pour mourir. Le poète se reproche son attitude passive devant les faits, avec cet arrière-goût amer, cette mauvaise conscience d’avoir participé d’une manière comme d’une autre « aux événements » d’Algérie : Je suis un soldat et j’en ai honte – madame — je ne peux pas vous embrasser dans la rue.
Volontairement limités à 80 exemplaires, les Poèmes boxeurs seront peu lus et ne susciteront qu’un seul article en revue, de la plume de Jean Chatard : « À vrai dire, je m’attendais, en ouvrant ce livre double, à lire quelques témoignages vaguement poétiques, à quelques flambées aussi lyriques qu’idéalistes. Et ces poèmes se révèlent explosifs… La souffrance d’hommes, dans quelque guerre que ce soit, est une plaie ouverte sur la peau fragile de la fraternité. Vous ne lirez sans doute jamais cet ouvrage, publié pour prendre date, à un très petit nombre d’exemplaires. C’est dommage, car ils pèseront lourd dans l’œuvre de Simonomis. Non pour leur pacifisme, mais pour leur qualité poétique qui en font un témoignage rare », (in Soleil des Loups n°14, 1989). Ce n’est que bien plus tard, me trouvant chez Yvette et Jacques Simonomis, courant de l’année 1997, que je pris connaissance de ces poèmes. Jean Breton que j’avisai aussitôt, ne tarda pas à partager mon avis : il fallait les publier. Malgré les réticences de Simonomis (toujours ce malaise), La Villa des Roses (Guerre d’Algérie 1954–1962), choix de poèmes exhaustifs parmi les Poèmes boxeurs, devait paraître durant l’été 1999. Un an après la parution de La Villa des Roses, le tristement célèbre général Paul Aussaresses, passait aux « aveux ». Dans un entretien accordé au journal Le Monde, en novembre 2000, le bourreau d’Alger évoqua sans le moindre regret la pratique courante de la torture, comme les exécutions sommaires ou les massacres de civils, dont il fut l’ordonnateur et l’acteur. Douze mois plus tard, Paul Aussaresses, faisait paraître son livre Services spéciaux, Algérie 1955–1957, (Perrin, 2001). Il y revendiquait non seulement ses crimes, mais les justifiait à plusieurs reprises. Ainsi, lorsqu’il évoque l’un de ces « plus hauts faits de gloire » : la torture et l’assassinat de l’un des chefs du F.L.N., Larbi Ben M’Hidi, cet ami que Jean Sénac aimait tant et qui, arrêté le 23 février 1957 par les parachutistes, refusa de parler sous la torture, avant d’être assassiné sans procès, ni jugement, ni condamnation, dans la nuit du 3 au 4 mars 1957. Dans le poème (in Espoir et parole, poèmes algériens, anthologie, 1963) qu’il consacre à son ami (Jean Amrouche lui dédie aussi son poème « Ébauche d’un chant de guerre ») et à Ali Boumendjel, Jean Sénac écrit : Pieds et poings liés, — ils se sont pendus ? – ils se sont jetés des hautes terrasses ? – Feu sur vos mensonges… Vous avez « suicidé » nos volontés de vie… Mais le chanvre a poussé pour que lui soit rendue sa – terre véritable. — De vos cordes de mort – nous tressons nos fouets. – Le dernier souffle des héros – alimente nos forges. Voici le « récit » du tortionnaire Aussaresses (alors, et depuis 1957, directeur des services de renseignement, personnage principal de la Bataille d’Alger, et en ce sens l’homme des pires besognes, des exécutions sommaires, de la torture systématique) ; les faits étant commis avec l’assentiment tacite, comme il l’affirme, de sa hiérarchie militaire et d’un juge qui aurait lu le rapport sur le prétendu suicide avant que celui-ci ait eu lieu : « Nous avons isolé le prisonnier dans une pièce déjà prête. Un de mes hommes se tenait en faction à l’entrée. Une fois dans la pièce, avec l’aide de mes gradés, nous avons empoigné Ben M’Hidi et nous l’avons pendu, d’une manière qui puisse laisser penser à un suicide. Quand j’ai été certain de sa mort, je l’ai tout de suite fait décrocher et transporter à l’hôpital. » Le général Aussaresses est commandeur de la légion d’honneur et décoré de la médaille de la Résistance. Larbi Ben M’Hidi est considéré comme un héros national en Algérie. À chacun son héros ! Le mien est tout trouvé. Ces faits se sont déroulés quatorze ans après que Jean Moulin fût arrêté, et torturé à mort par Klaus Barbie, au Fort Montluc de Lyon ; douze ans après la fin de l’Occupation de la France par les nazis. Dès lors on comprendra mieux l’éditorial du 13 janvier 1955 (in L’Observateur), de Claude Bourdet, Votre Gestapo d’Algérie : « Il y a un immonde manteau de silence, or nous savons et il faut faire connaître les tortures. » Hubert Beuve-Méry ne dénonce pas autre chose, dans son éditorial du 13 mars 1957 (in Le Monde), Sommes-nous les vaincus d’Hitler ? : « Dès maintenant, les Français doivent savoir qu’ils n’ont plus tout à fait le droit de condamner dans les mêmes termes qu’il y a dix ans les destructions d’Oradour et les tortionnaires de la Gestapo. »
Les poèmes de Jacques Simonomis ne paraissaient donc pas trop tard. Ils conservaient leur actualité tout en rendant compte du sort réservé à la population algérienne et en se faisant l’écho de la misère, de la mort, de la barbarie et de l’absurdité, comme de la vie au quotidien, avec son cortège d’horreurs, de honte, de peur, et de haine : Dehors – les loques des enfants s’accrochent à ma gorge – l’aveugle cogne sur ma force – de maigres chiens bâtards rôdent sur les débauches. Il s’agit d’un témoignage. Ces poèmes, d’une grande intensité, ont été écrits sur le vif et sous le manteau, dans la peur et le dégoût, par un jeune homme frustré et humilié. Ils se passent de commentaire, tant ils prennent aux tripes. Ils dénoncent aussi ces gangrènes, toujours d’actualité, que sont la guerre, la recherche du profit, la haine, l’intolérance ou le racisme. Il faudrait aussi évoquer un autre poète qui m’est cher, Jacques Taurand (1936–2008), qui fit, lui aussi en 1958, partie de la cohorte des appelés en Algérie. De cette période, verra le jour, quelques années plus tard, une longue nouvelle entre réalité et fiction, Un Dimanche (éditions Clapas, 2000), qui lui inspira le commentaire suivant : « J’avais à cœur de publier ce texte sur cet obscur et pénible épisode de notre vie, où de longs mois d’une jeunesse ont été engloutis pour défendre une cause absurde… Cette nouvelle a vu le jour et cela a probablement exorcisé pas mal de choses qui étaient restées bien trop longtemps coincées dans ma conscience. » Cette nouvelle, l’une de ses meilleures, fut remarquée et saluée par l’écrivain algérien Mohammed Dib. La grandeur de Jacques Taurand est précisément faite de cette vibration particulière qu’il sait donner à la faiblesse autant qu’à la souffrance.
Œuvres principales de Jacques Simonomis : Matricule à zéro (éditions St-Germain-des-Prés, 1976), La Mansarde Himalaya (éditions St-Germain-des-Prés, 1977), L’Homme qui marche (éditions St-Germain-des-Prés, 1978), Dossard illisible (éditions de l’Ecchymose, 1979. Réédition La Lucarne ovale, 1999), Comme un cri d’os : Tristan Corbière (éditions Traces, 1983), L’œil américain (éditions du Soleil Natal, 1991), Mon siècle en deux (éditions L’arbre à paroles, 1993), Un âne sur le toit (éditions La Bartavelle, 1995), Les Couseuses (éditions L’arbre à paroles, 1997), Sa Majesté Auriculaire (éditions La Bartavelle, 1998), La Villa des Roses, Guerre d’Algérie 1954–1962, postface de Christophe Dauphin, (éditions Librairie-Galerie Racine ‑1999), Le calfat des étoiles (éditions L’Arbre à paroles, 2002), Un singulier grand ordinaire (Editinter, 2003), Claudication du monde (Le Nouvel Athanor, 2004), Fort de café (Editinter, 2004), La queue leu leu du fabuleux (Editinter, 2006).
À consulter, sur Jacques Simonomis: Christophe Dauphin, Jacques Simonomis, L’imaginaire comme une plaie à vif, essai suivi d’un choix de textes, (éditions Librairie-Galerie Racine, 2001), Simonomis, l’hoplite du poème (numéro spécial de la revue L’oreillette n° 34, éditions Clapàs).
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