Ce qui frappe d’abord chez Gérard Leyzieux, c’est l’attention qu’il porte à chacun des mots qu’il dresse sur la page. Au point de les désosser parfois, comme on la fait d’une poupée pour voir ce qu’elle contient. Il en va ainsi dès le titre, avec son balancement entre « je » et « jeu » … qui fait qu’on n’est ni ici ni là… Le vocabulaire est donc minutieusement choisi : tout bavardage est exclu !
Ce qui n’exclut pourtant pas un certain lyrisme : un lyrisme de la rareté ? Le recueil entier balance entre deux postulations. Celle d’un reflux
Au je si fluet qui s’enrobe
De replis
Soit une dissimulation derrière des semblants, voire l’évanouissement d’une identité, sa mise en question suite à un sévère travail critique qui conduirait à abandonner toute illusion. D’où une thématique de l’indéterminé, du trou, du vide – et donc du repli en soi.

Gérard Leyzieux, Je(u) d’avatars, éd. Tarmac, 2025, 60 pages, 15 €
La seconde postulation tient à la chaleur du désir, de la joie :
Le sourire était en moi
Vertical
Et m’ouvrait à la vie:
Cela tiendrait au hasard, à des avatars (du sanskrit avatāra : descente sur la terre d’une divinité), à « l’indétermination des actions sur les corps », alors
T’émousse l’inattendu
Te boule et te verse
Aux sons inarticulés
À moins d’être envahi par un éternel retour :
Ta voix écoute ses sons insensés
Cohorte du fond de l’âge
Le regard éteint alors le souvenir
Pour t’unir à la couleur du temps
Gérard Leyzieux nous offre ainsi des fragments d’instants, des « étincellements » qui sont autant des illuminations de pensée que des bouffées de sensations : autant d’épiphanies qui le gagnent. Il s’en fait d’autant plus facilement l’écho qu’une vacuité l’habite, est-ce une sagesse ? On pourrait parler d’une dialectique du vide et du plein.
En synthèse, l’écriture donne à exister. Jouerait-elle un rôle salvateur ?
Un coup de pinceau anéantit l’indécelable
Ton geste donne naissance à l’essence d’un instant
Et chaque être du monde en ressort grandi
Au sein d’une dévastation, ces lumières…
Présentation de l’auteur

- Gérard Leyzieux, Je(u) d’avatars - 21 octobre 2025
- Gérard Leyzieux, Tout en tremble - 24 mai 2025
- La revue Triages, cuvée 36 - 5 février 2025
- Danielle Terrien, L’âge du regard, dessin de Marie Alloy - 6 septembre 2024
- Chantal Dupuy-Dunier, Parenthèses - 6 mars 2024
- Luce Guilbaud, La perte que j’habite - 6 février 2024
- spasp, Aphrodite Lamaï et Verkoff l’enjôleur - 6 décembre 2023
- Fulvio Caccia, Ti voglio bene - 21 novembre 2023
- Annie Dana, Le deuil du chagrin - 6 octobre 2023
- Germain Roesz, La collerette était rouge - 22 septembre 2023
- Denis Guillec, Au royaume de ON - 24 janvier 2023
- Pierre d’attente (élément d’un discord) - 29 décembre 2022
- Jean-Christophe Ribeyre, La Relève - 21 septembre 2022
- Didier Jourdren, Le chemin dans l’herbe - 19 juin 2022
- Cécile Guivarch, Cent ans au printemps - 5 juin 2022
- Brigitte Gyr, Partition tombée en poussière - 20 mai 2022
- Jean-Louis Rambour, 33 poèmes en forme de nouvelles (ou l’inverse) - 20 avril 2022
- Anne Malaprade, Parole, personne - 21 novembre 2021
- Denis Langlois, Le voyage de Nerval - 6 novembre 2021
- BERNARD DEMANDRE, revue DIERESE n°80 - 19 octobre 2021
- Adeline Baldacchino, Notre insatiable désir de magie - 21 septembre 2021
- Valéry Molet, Aucune ancre au fond de l’abîme - 1 septembre 2019