Marie Alloy, Ciel de pierre

Par |2022-04-21T06:31:46+02:00 20 avril 2022|Catégories : Critiques, Marie Alloy|

Marie Alloy est par nature dis­crète. Pudique, même, n’ayons pas peur des mots. Plus con­nue pour son tra­vail de pein­tre et de graveur, elle gagne vrai­ment à être lue avec la plus extrême atten­tion. Le présent recueil en est encore une preuve. Ici, nous tou­chons au plus sen­si­ble, au plus pro­fond. À l’essentiel de l’expérience humaine. Il est ques­tion en effet d’un témoignage, excep­tion­nel sur le fond et la forme, sur la sépa­ra­tion et l’absence, rien de moins.

Certes, beau­coup de poètes ont évo­qué, évo­quent et évo­queront tou­jours ces thèmes, si indis­so­cia­bles de notre con­di­tion qu’ils ont acquis de fac­to une valeur uni­verselle. Mais rares sont celles et ceux qui peu­vent pré­ten­dre à une telle justesse d’expression et une telle sincérité. L’exercice est par nature périlleux, selon qu’on l’aborde comme tel ou si, comme Marie Alloy, on est capa­ble de s’arrêter, juste avant ou juste après l’émotion. De lui faire face, avant d’écrire à la faveur de cette brèche intérieure. Les mots que ce recueil met au jour sont choi­sis avec un soin extrême, pesés à l’aune d’un esprit qui parvient à s’ouvrir à l’acceptation du deuil et à entre­pren­dre un dia­logue avec l’absence. Ain­si chaque poème est une étape dans une pro­gres­sion apaisée vers une lumière, qual­i­fiée de frater­nelle. Nous sommes entraînés, de page en page, dans un par­cours intime et pro­fondé­ment par­tic­i­patif. Oui, il s’agit bien d’habiter l’absence, de laiss­er repos­er la ténèbre et de ren­dre poé­tique­ment compte d’une expéri­ence intime et déchi­rante. Si la perte est irrémé­di­a­ble par déf­i­ni­tion, elle n’en nour­rit pas moins une forme d’espérance lovée dans la sauvagerie des nuages, entre les arbres en hail­lons ici ou là / par­tis avec le fleuve. Voilà bien sans doute le cœur de la poésie de Marie Alloy, cette force enrac­inée dans le présent et la nature évanes­cente de toute chose.

Marie Alloy, Ciel de pierre, édi­tions Les Lieux-Dits, 2022, 96p, 15€.

La mort, ce pas­sage / vers une autre rive / que nous ignorons tous, prend le vis­age d’une réal­ité sans début ni fin. Un au-delà de notre vie pré­caire, qui sera révélé quand le soleil aura brûlé / l’espace et le temps. Nous sommes en présence de l’essence du verbe et de la poésie, dont les mots de Marie Alloy ren­dent témoignage, ici et main­tenant, pour épuis­er la tristesse lorsque la mort croise notre chemin. Peu importe, en défini­tive car nous ne craignons plus la nuit qui s’attarde, dans la mesure où nous avons ren­dez-vous à chaque instant avec la lumière déjà qui s’impatiente der­rière la porte.

Présentation de l’auteur

Marie Alloy

Marie Alloy, née à Hénin-Beau­­mont le 2 juil­let 1951, est pein­tre, graveur et édi­teur. Elle est égale­ment l’au­teur de plusieurs ouvrages ain­si que de textes pub­liés dans des revues.

Iris Cushing
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Christophe Mahy

Christophe Mahy est né en 1970 à Charleville-Méz­ières. Il réside actuelle­ment en Touraine, dans le départe­ment du Loir-et-Cher. C’est en 2001 qu’il intè­gre la revue Les Amis de La Grive (lit­téra­ture générale con­tem­po­raine) où il côtoie, entre autres, des auteurs tels que Franz Bartelt, Guy Gof­fette, Alain Bertrand, Alain Dan­tinne, Lam­bert Schlechter, Bertrand Degott et surtout Jean-Claude Pirotte, qui lui fait con­naître l’association des Amis d’André Dhô­tel et la revue La Route incon­nue. Pen­dant plusieurs années, il donne des poèmes, des arti­cles, des chroniques et des notes de lec­ture à ces deux revues puis il col­la­bore à Diérèse (poésie con­tem­po­raine) pour laque­lle il tient le rôle de chroniqueur réguli­er entre 2012 et 2014. Il noue des rela­tions avec plusieurs poètes au sein des édi­tions L’Arbre à Paroles et est invité en 2011 au Fes­ti­val Inter­na­tion­al de Poésie de Namur (Bel­gique). Son tra­vail d’écriture se con­sacre en pri­or­ité à la poésie libre ou en prose, mais aus­si au réc­it, à la chronique, la fic­tion et au spec­ta­cle vivant. Il a pub­lié à ce jour une trentaine d’ouvrages chez divers édi­teurs indépen­dants ou régionaux. Il est égale­ment l’auteur de plusieurs livres d’artistes, en tirages lim­ités ou hors com­merce, de pré­faces et de notices. Il est le lau­réat du prix du poème en prose Louis Guil­laume 2018 pour Paysages du vent, aux édi­tions Noires Terres.
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