Le titre du dernier recueil de Max Alhau résume à lui seul toute la démarche de ce poète au long cours et qui n’a jamais cessé, de livre en livre, d’entretenir effec­tive­ment son feu intérieur. Il nous le partage encore ici même, dans un élan de générosité qui ne se dément pas et demeure recon­naiss­able entre tous. Et c’est bien la mar­que d’un grand poète que de délivr­er une musique qui, aus­si dis­crète soit-elle, n’en est pas moins le meilleur guide pour réen­chanter un lecteur trop sou­vent con­traint aux fadeurs de l’horizon édi­to­r­i­al du moment. 

On l’aura com­pris, l’époque manque de souf­fle, de fond. Pas l’auteur du présent livre, à l’écart du tumulte mais éton­nam­ment présent au monde :

À l’intérieur de soi
on demeure à l’affut
d’images frois­sées,
de saisons en marge
ou même oubliées.

On est ain­si spectateur
de l’invisible, attentif
à ces riens que l’on frôle
sans le savoir.

Max Alhau, Entretenir le feu, édi­tions L’Herbe qui trem­ble, 2023, 104 p, 17€.

Cette atten­tion portée, ce goût de l’intériorité sont les chemins les plus courts vers la poésie sans retour de Max Alhau. Les précé­dents recueils nous ont ren­dus fam­i­liers de cette quête per­ma­nente du silence et de la mémoire. Il sem­ble qu’on écrive tou­jours le même livre. Certes. Surtout lorsqu’on est allé droit à l’essentiel et que plus rien n’est néces­saire à part s’approcher tou­jours et encore de ce cen­tre, de cet axe du monde, à tra­vers le paysage, le quo­ti­di­en et l’absence. Cette dernière reste d’ailleurs comme à l’accoutumée la ligne de force du recueil. Elle sous-tend l’ossature des poèmes en vers ou en prose comme en fil­igrane. La poésie, c’est vivre en marge du silence, pour repren­dre le titre de la sec­onde sec­tion du livre. Thème et vari­a­tions, donc. Max Alhau prend le par­ti de faire évoluer son verbe dans une sorte d’atonalité pleine de détours, au rythme d’une marche tou­jours plus intérieure et sans illusions :

     Sur une terre aban­don­née on trou­vera un jour asile. Les saisons, les jours n’auront
plus cours. 
    On dira que les mots ont été déportés vers un ailleurs imprévisible.
    Ce sera sous cou­vert de l’imaginaire que l’on se met­tra en route pour un des­tin sans conséquence.

Le présent et rien d’autre. Moisson­ner les instants. Ni pour le meilleur ni pour le pire, mais pour l’éphémère, qui est sans doute la seule éter­nité qui vaille :

Nous atten­dons à l’écart, à prox­im­ité de l’infini ou de l’éternité dont nous dou­tons parfaitement. 

Pas davan­tage d’espoir en une quel­conque issue à notre con­di­tion humaine :

Tu explores chaque jour ce labyrinthe dont nulle Ari­ane ne vien­dra te délivrer.

Mais néan­moins une sorte d’espérance dif­fuse, chevil­lée au cœur et à l’âme du poète comme en tout homme :

La lumière que tu attends n’est pas encore apparue.

La lumière du verbe, elle, si. Elle nous laisse à l’envi de quoi entretenir le feu, dans un instant sans lim­ites et qui n’est autre que la vie elle-même.

Présentation de l’auteur

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Christophe Mahy

Christophe Mahy est né en 1970 à Charleville-Méz­ières. Il réside actuelle­ment en Touraine, dans le départe­ment du Loir-et-Cher. C’est en 2001 qu’il intè­gre la revue Les Amis de La Grive (lit­téra­ture générale con­tem­po­raine) où il côtoie, entre autres, des auteurs tels que Franz Bartelt, Guy Gof­fette, Alain Bertrand, Alain Dan­tinne, Lam­bert Schlechter, Bertrand Degott et surtout Jean-Claude Pirotte, qui lui fait con­naître l’association des Amis d’André Dhô­tel et la revue La Route incon­nue. Pen­dant plusieurs années, il donne des poèmes, des arti­cles, des chroniques et des notes de lec­ture à ces deux revues puis il col­la­bore à Diérèse (poésie con­tem­po­raine) pour laque­lle il tient le rôle de chroniqueur réguli­er entre 2012 et 2014. Il noue des rela­tions avec plusieurs poètes au sein des édi­tions L’Arbre à Paroles et est invité en 2011 au Fes­ti­val Inter­na­tion­al de Poésie de Namur (Bel­gique). Son tra­vail d’écriture se con­sacre en pri­or­ité à la poésie libre ou en prose, mais aus­si au réc­it, à la chronique, la fic­tion et au spec­ta­cle vivant. Il a pub­lié à ce jour une trentaine d’ouvrages chez divers édi­teurs indépen­dants ou régionaux. Il est égale­ment l’auteur de plusieurs livres d’artistes, en tirages lim­ités ou hors com­merce, de pré­faces et de notices. Il est le lau­réat du prix du poème en prose Louis Guil­laume 2018 pour Paysages du vent, aux édi­tions Noires Terres.