Gérard Bocholier, Une brûlante usure

Par |2020-10-06T07:31:31+02:00 6 octobre 2020|Catégories : Gérard Bocholier|

D’ordinaire, je suis plus que méfi­ant à l’égard des jour­naux intimes. Je dois même recon­naître que je nour­ris une forme d’évitement à leur égard. Peut-être pour en avoir trop lus, ou pas assez.

Ou pas ceux qu’il fal­lait lire, allez savoir. Néan­moins, la fréquen­ta­tion assidue de la poésie m’a sou­vent fait chang­er d’avis, avec bon­heur. C’est encore le cas ici, avec cette brûlante usure qui con­sume chaque page d’un jour­nal à la fois moins qu’un jour­nal mais surtout beau­coup plus. Ici, on ne triche pas. Pas de faux-sem­blants, d’allusions nar­cis­siques, de con­tor­sions égoïstes, de fausse mod­estie ou d’air de ne pas y touch­er. Je n’en attendais pas moins, ceci dit, de Gérard Bocholi­er, dont je reçois avec bon­heur et atten­tion, recueil après recueil, la parole pure et essen­tielle. Au fil des mois et des saisons, on chem­ine ici en com­pag­nie des grands esprits d’hier et d’aujourd’hui. L’auteur prend note de tout ce qui éclaire sa vie, baignée d’une belle lumière autom­nale, décon­nec­tée du tohu-bohu du théâtre de l’information.

C’est le partage d’un quo­ti­di­en dont l’ordinaire est fait de la fréquen­ta­tion régulière de Reverdy, Anne Per­ri­er, Thier­ry Metz, Gus­tave Roud, Cio­ran, Jou­bert, Fol­lain, Pirotte, sans omet­tre Jac­cot­tet, Pes­soa ou Paul de Roux, pour n’en citer que quelques-uns.

 Une brûlante usure, par Gérard Bocholi­er, édi­tions Le Silence qui roule, 15€.

Le temps des lec­tures intimes est porté par la musique de Bach, Brahms ou Schu­bert. Ryth­mé par l’écriture. Gérard Bocholi­er accepte sa con­di­tion de dernier hôte d’un paysage, celui de sa pro­pre vie, comme un signe. La prég­nance de la soli­tude fait de l’auteur une vic­time de chaque instant, pour repren­dre le mot de Gus­tave Roud. Cette soli­tude ambiva­lente, qui l’aura han­té depuis le début comme un oiseau de mal­heur, certes, mais qui aura œuvré aus­si d’une cer­taine façon à don­ner à sa parole poé­tique la valeur qu’on lui con­naît et recon­naît. Alors, tou­jours, écrire pour repren­dre haleine, pour repren­dre pied. Pour tenir l’ennui et le doute à dis­tance, exor­cis­er le vide de la vie humaine, à laque­lle une lumière tou­jours présente promet une con­so­la­tion éter­nelle. Et s’il faudrait s’habituer à la mort, ce n’est pas pour se défauss­er de la fin qui men­ace mais plutôt accepter de voir s’approcher la coupe du des­tin et d’y plonger les lèvres, avec au cœur juste ce qu’il faut d’inquiétude. Quoiqu’on fasse, il nous faut nous main­tenir dans l’éveil. Chez Gérard Bocholi­er, la poésie et la prière y veil­lent depuis tou­jours, en faisant de chaque livre une belle soli­tude tra­ver­sée.

 

Présentation de l’auteur

Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né en 1947 à Cler­­mont-Fer­­rand, il a fait ses études dans cette ville où il a ensuite enseigné la lit­téra­ture française en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la Limagne et franc-com­­tois par sa mère, il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage de Mon­ton, au sud de Cler­­mont-Fer­­rand, qu’il évoque dans son livre Le Vil­lage emporté, paru en 2013 aux édi­tions L’Arrière-Pays.

En 1971, il a reçu des mains de Mar­cel Arland, directeur de la NRF, le prix Paul Valéry réservé à un étu­di­ant. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy le phare obscur (Champ Val­lon) déter­mine défini­tive­ment sa voca­tion de poète. Il com­mence à pub­li­er des vol­umes de vers aux édi­tions Rougerie, le pre­mier : Le Vent et l’homme en 1976. Cette même année, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésie ARPA, avec d’autres poètes d’Auvergne et du Bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis.

Gérard Bocholier

D’autres ren­con­tres vien­nent éclair­er sa route : celle de Jean Gros­jean, puis de Jacques Réda, qui l’accueillent dans la NRF, où il pub­lie des poèmes et où il devient chroniqueur réguli­er de poésie à par­tir des années 90. Il ren­con­tre aus­si Anne Per­ri­er, grand poète de Suisse romande, avec qui il noue une ami­tié affectueuse et dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996 aux édi­tions de l’Escampette.

Il rem­porte le prix Voron­ca en 1979, pour Chemin de guet, puis le prix du poème en prose Louis Guil­laume en 1987 pour Pous­sière ardente (Rougerie). En 1991, le Grand Prix de poésie pour la jeunesse du Min­istère de la jeunesse et des sports lui est décerné pour un man­u­scrit de poèmes pour enfants qui sera pub­lié en 1992 dans la col­lec­tion du Livre de poche chez Hachette, sous le titre : Poèmes du petit bonheur.

Devenu directeur de la revue ARPA, il col­la­bore égale­ment comme cri­tique de poésie à La Revue de Belles Let­tres de Genève, au Chemin des livres, à Recueil puis au Nou­veau Recueil. Il rassem­ble cer­tains de ses arti­cles dans un essai, Les Ombrages fab­uleux, aux édi­tions de L’Escampette en 2003. Il par­ticipe à plusieurs ouvrages col­lec­tifs, dont les cahiers 10 et 17 au Temps qu’il fait, con­sacrés à Pierre-Albert Jour­dan et à Roger Munier. Deux livres de poèmes pour la jeunesse sont encore pub­liés, aux édi­tions Cheyne, illus­trés par Mar­tine Mellinette : Terre de ciel  et Si petite planète. 

Il entre dans la pres­tigieuse col­lec­tion des édi­tions Arfuyen en 2006 avec La Venue et en 2012 avec Belles saisons obscures.  En 2011, son livre de vers et pros­es, Abîmes cachés (L’Arrière-Pays), est couron­né par le prix Louise Labé. Son engage­ment religieux se fait plus direct , il se con­sacre essen­tielle­ment à l’écriture de psaumes à par­tir de 2009 et pub­lie chez Ad Solem : Psaumes du bel amour (2010), pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, et Psaumes de l’espérance (2012), avec un envoi de Philippe Jac­cot­tet, récom­pen­sé par le prix François Cop­pée de l’Académie Française. D’autres livres de psaumes sont prévus chez le même édi­teur. Un essai paraît en 2014 chez Ad Solem : Le poème exer­ci­ce spirituel. 

Il tient une chronique de lec­tures, Chronique du veilleur, depuis 2012, sur le site de Recours au poème.

Autres lec­tures

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Gérard Bocholier, Psaumes de la foi vive

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Christophe Mahy

Christophe Mahy est né en 1970 à Charleville-Méz­ières. Il réside actuelle­ment en Touraine, dans le départe­ment du Loir-et-Cher. C’est en 2001 qu’il intè­gre la revue Les Amis de La Grive (lit­téra­ture générale con­tem­po­raine) où il côtoie, entre autres, des auteurs tels que Franz Bartelt, Guy Gof­fette, Alain Bertrand, Alain Dan­tinne, Lam­bert Schlechter, Bertrand Degott et surtout Jean-Claude Pirotte, qui lui fait con­naître l’association des Amis d’André Dhô­tel et la revue La Route incon­nue. Pen­dant plusieurs années, il donne des poèmes, des arti­cles, des chroniques et des notes de lec­ture à ces deux revues puis il col­la­bore à Diérèse (poésie con­tem­po­raine) pour laque­lle il tient le rôle de chroniqueur réguli­er entre 2012 et 2014. Il noue des rela­tions avec plusieurs poètes au sein des édi­tions L’Arbre à Paroles et est invité en 2011 au Fes­ti­val Inter­na­tion­al de Poésie de Namur (Bel­gique). Son tra­vail d’écriture se con­sacre en pri­or­ité à la poésie libre ou en prose, mais aus­si au réc­it, à la chronique, la fic­tion et au spec­ta­cle vivant. Il a pub­lié à ce jour une trentaine d’ouvrages chez divers édi­teurs indépen­dants ou régionaux. Il est égale­ment l’auteur de plusieurs livres d’artistes, en tirages lim­ités ou hors com­merce, de pré­faces et de notices. Il est le lau­réat du prix du poème en prose Louis Guil­laume 2018 pour Paysages du vent, aux édi­tions Noires Terres.
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