Richard Rognet, Le Porteur de nuages

Par |2022-12-21T09:13:40+01:00 21 décembre 2022|Catégories : Critiques, Richard Rognet|

Les ama­teurs et défenseurs de vraie poésie, au nom­bre desquels je m’efforce de fig­ur­er, ne man­queront pas de se con­va­in­cre de la néces­sité de lire le dernier recueil de Richard Rognet, dont il est ques­tion ici. 

Je me sou­viens en d’autres temps avoir relevé quelque part dans une revue de poésie con­tem­po­raine pilotée par un poète ami, que trop de recueils sont inutiles. Dont acte. L’auteur du présent ouvrage, rompu depuis des décen­nies à l’exercice de l’intime et de l’authenticité, fait encore une fois la démon­stra­tion du con­traire, tant son pro­pos sonne juste et clair. Les habitués de son œuvre seront sans doute quelque peu déroutés, davan­tage par la forme que par le fond. Qua­trains et ter­cets en vers libres s’enlacent pour tiss­er un mail­lage de lignes de forces qui con­ver­gent vers le ciel, comme une évi­dence qui nous dépasse. Une grandeur qui procède à la fois de l’écriture et s’en absout, ne serait-ce que par la beauté heureuse des fleurs. Nous ne sommes pas très loin du vers ful­gu­rant d’Arthur Rim­baud : La main d’un maître ani­me le clavecin des prés et de ses réson­nances qui tra­versent toute la poésie mod­erne. De page en page, nous suiv­ons Richard Rognet dans sa péré­gri­na­tion intérieure, où son verbe exprime sa pleine matu­rité. Porté par un temps qui fait et défait le monde, le poète se fait mes­sager / des étreintes amères sans renier pour autant les enchante­ments clairs / de l’enfance. Et c’est cette oscil­la­tion per­ma­nente entre le clair et l’obscur, cette lucid­ité pré­cise, aus­si nette que l’acier, qui con­va­inc sans peine le lecteur qu’il a affaire à du grand art. Nul pro­pos qui ne soit pesé à l’aune de ce qui fait l’essentiel de notre exis­tence, que les frôle­ments indi­ci­bles du silence ren­dent hab­it­able. Richard Rognet sait à quel point la dis­pari­tion et l’absence sont à l’œuvre au sein de la vie elle-même, et com­bi­en elles en délivrent toute la saveur. 

Richard Rognet, Le Por­teur de nuages, édi­tions de Cor­levour, 2022, 80 p, 15€.

Il demeure d’ailleurs sans illu­sion sur la van­ité de l’écriture et l’impuissance des mots, leur préférant une sorte de détache­ment apaisé. Alors oui, lire un poète comme Richard Rognet est néces­saire. Non pour pass­er le temps ou con­som­mer des mots, mais pour se con­fron­ter, par la grâce d’une écri­t­ure des plus raf­finées, à la réal­ité de la vie et au mys­tère d’être au monde.

 

Présentation de l’auteur

Richard Rognet

Richard Rognet est un poète français né en 1942 au Val‑d’A­jol, dans les Vos­ges. Il vit actuelle­ment à Dom­­martin-lès-Remire­­mont. Il étudie ensuite les Let­tres à l’Université de Nan­cy. Il pub­lie son pre­mier recueil en 1966. En 1969, il devient enseignant à l’École Nor­male de Mire­court puis à Épinal, où il pré­pare égale­ment une thèse sur Buf­fon, avant d’intégrer le Col­lège Jules-Fer­­ry comme pro­fesseur de Let­tres. En 1994, il devient Cheva­lier dans l’Ordre des Arts et des Let­tres. Il obtient en 2002 le Grand prix de Poésie de la Société des gens de let­tres pour l’ensem­ble de son œuvre, déjà récom­pen­sée par de nom­breux prix et traduite en de nom­breuses langues.

© Crédits pho­tos (sup­primer si inutile)

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

Richard Rognet, Le Porteur de nuages

Les ama­teurs et défenseurs de vraie poésie, au nom­bre desquels je m’efforce de fig­ur­er, ne man­queront pas de se con­va­in­cre de la néces­sité de lire le dernier recueil de Richard Rognet, dont il […]

Richard Rognet, Dans un nid de flammes

 Rognet emprunte son titre à un vers de Rim­baud dans son poème Nuit de l’En­fer : Extase, cauchemar, som­meil dans un nid de flammes. D’ailleurs, il le sig­nale dans une note en fin […]

image_pdfimage_print
mm

Christophe Mahy

Christophe Mahy est né en 1970 à Charleville-Méz­ières. Il réside actuelle­ment en Touraine, dans le départe­ment du Loir-et-Cher. C’est en 2001 qu’il intè­gre la revue Les Amis de La Grive (lit­téra­ture générale con­tem­po­raine) où il côtoie, entre autres, des auteurs tels que Franz Bartelt, Guy Gof­fette, Alain Bertrand, Alain Dan­tinne, Lam­bert Schlechter, Bertrand Degott et surtout Jean-Claude Pirotte, qui lui fait con­naître l’association des Amis d’André Dhô­tel et la revue La Route incon­nue. Pen­dant plusieurs années, il donne des poèmes, des arti­cles, des chroniques et des notes de lec­ture à ces deux revues puis il col­la­bore à Diérèse (poésie con­tem­po­raine) pour laque­lle il tient le rôle de chroniqueur réguli­er entre 2012 et 2014. Il noue des rela­tions avec plusieurs poètes au sein des édi­tions L’Arbre à Paroles et est invité en 2011 au Fes­ti­val Inter­na­tion­al de Poésie de Namur (Bel­gique). Son tra­vail d’écriture se con­sacre en pri­or­ité à la poésie libre ou en prose, mais aus­si au réc­it, à la chronique, la fic­tion et au spec­ta­cle vivant. Il a pub­lié à ce jour une trentaine d’ouvrages chez divers édi­teurs indépen­dants ou régionaux. Il est égale­ment l’auteur de plusieurs livres d’artistes, en tirages lim­ités ou hors com­merce, de pré­faces et de notices. Il est le lau­réat du prix du poème en prose Louis Guil­laume 2018 pour Paysages du vent, aux édi­tions Noires Terres.
Aller en haut