Focus sur la paru­tion du recueil de Shizue OGAWA, Un suflet la joacă, (en français, Une âme qui joue) bilingue japon­ais / roumain, ARTPRESS édi­teur, Tim­işoara, Roumanie, octo­bre 2015, 196 pages. ISBN 978–973-108–665‑1. Illus­tra­tion de cou­ver­ture ©Shizue Ogawa 1982. Pré­face d’Adrian Dinu Rachieru. Tra­duc­tion de Mano­li­ta Dragomir-Fil­imones­cu d’après la ver­sion française fig­u­rant dans l’ouvrage, « Une âme qui joue », choix de poèmes, À bouche per­due édi­teur, Col­lec­tion Pangée 2010, Belgique.

Shizue Ogawa, pein­tre, poète, angli­ciste, spé­cial­iste de Keats est née en 1947 sur l’île d’Hokkaido au Japon, où elle y enseigna la lit­téra­ture anglaise. Elle a reçu les dis­tinc­tions suiv­antes : le Grand Prix de l’Exposition Nationale Saku­ra pour ses créa­tions au cray­on pas­tel en 1963, le Grand Prix inter­na­tion­al « Anto­nio Vic­caro » en 2011 et « The Ger­ard Man­ley Hop­kins Soci­ety Award » en 2014. Shizue Ogawa est l’in­vitée de maints fes­ti­vals de poésie en Bel­gique, France, Irlande, au Québec, et récem­ment en Fin­lande. En 2016, c’est la Roumanie qui l’accueillera, et dans la célèbre ville de Tim­işoara, le lance­ment de l’ou­vrage préc­ité japon­ais / roumain est pressen­ti au sein de l’émi­nente Mai­son des Écrivains, évène­ment auquel assis­teront : pro­fesseurs et étu­di­ants de japon­ais, écrivains, artistes pluriels (dont des comé­di­ens investis dans la lec­ture des textes de Shizue Ogawa en plusieurs langues), ain­si que cri­tiques, per­son­nal­ités et autres jour­nal­istes de la ville[1].

Une âme qui joue est le titre général regroupant une infinité de poèmes égrainés dans plusieurs ouvrages pub­liés à par­tir de 1999. 

 

En introduction à cette présentation du recueil précité, nous proposons ci-après quelques propos ductiles écrits en roumain par Adrian Dinu Rachieru et par Manolita Dragomir-Filimonescu, parus en double préface de ce recueil japonais / roumain[2].

 

Adri­an DINU RACHIERU est pro­fesseur des uni­ver­sités, pro recteur à l’Université « Tibis­cus » de Tim­işoara, Roumanie, ain­si que cri­tique lit­téraire de grande renom­mée. Il signe ici le texte qu’il a inti­t­ulé, MOT  D’ACCOMPAGNEMENT : « La boîte aux let­tres » de la poète.

« Si on accepte de la croire (et pourquoi douterait-on ?), Shizue Ogawa, tel qu’elle l’avouait dans une inter­view écrit : « naturelle­ment », vite, sans effort spé­cial et sans angoiss­es, depuis tou­jours. Toute sa vie durant. Les poèmes, d’une manière illu­soire, « nais­sent de rien » et la poète, « une âme qui joue », veut « emprunter » les beautés de la nature, à la recherche de l’innocence per­due. Et ce, sans un civisme bruyant, tintinnab­u­lant, et sans affich­er non plus un écol­o­gisme paniqué sur onde mil­i­tariste. Chez elle, la spon­tanéité n’est pas mimée. L’auteure entre dans un dia­logue naturel avec tous les autres êtres (tous égaux, dotés de leur pro­pre per­son­nal­ité et vivant en har­monie). Et donc, en hon­o­rant et respec­tant cette con­vivi­al­ité, la poète dévoile la source de son lyrisme : un grand amour pour tout ce qui nous entoure. Un monde recher­ché avec sim­plic­ité, sens du con­cret et pro­fondeur, sur le mode ori­en­tal qui intro­duit le sen­ti­ment de bien-être, de réc­on­cil­i­a­tion avec la nature, même si le sen­ti­ment ruineux du temps et les yeux de la soli­tude, « injec­tés de sang », encour­a­gent un cœur « révolté », incom­préhen­si­ble. La force de ce lyrisme réside juste­ment dans le trop-plein de l’âme, celle qui « joue », avec étrangeté face au lud­isme gra­tu­it, stérile. En effet, en se réjouis­sant des « cadeaux du cal­en­dri­er », Shizue Ogawa goûte pleine­ment « les par­fums de l’été » et le mur­mure de la vie, sous la lumière vic­to­rieuse du soleil : le bruit des vagues, le chant des mou­ettes, le con­cert des insectes et des grenouilles des riz­ières, le chu­chote­ment des épis, « la div­ina­tion dans les feuilles de thé ». Dire d’une autre manière, le bon­heur de l’été, la fusion avec le Grand Tout, en déchiffrant, à l’échelle cos­mique, « la machine du monde », comme l’aurait dit Eminescu. (…).

Même si elle est spé­cial­isée en lit­téra­ture anglaise, amoureuse de Keats et se révèle indépen­dante face au style tra­di­tion­nel japon­ais, la poète porte avec fierté le sen­ti­ment d’appartenance à une époque flu­ide, vivant une glob­al­i­sa­tion en marche, menaçant l’effacement des iden­tités. La tra­di­tion est ici traitée de manière mys­térieuse et cen­surable, blo­quant toute­fois les poussées empha­tiques, sans impos­er pour cela un respect inhibant, paralysant, (v. La Cloche du Temps). Une pagode blessure, par exem­ple (Le tem­ple Yakushi­ji, reflété dans l’eau limpi­de d’un lac) lui per­met « de lire » la douleur de l’existence. Et de nous offrir avec une sincérité dénudée, les grandes et les petites his­toires qui ont jalon­né son être au monde. Bien sûr, d’une toute autre manière que celle util­isée par Ken­z­aburo Oe, « nobélisé » en 1994, Shizue Ogawa a mis le cap à l’ouest grâce notam­ment aux affinités déclarées pour le même Keats, pour­tant si « extrême­ment japon­ais », et prisé dans son pays, tout en vitupérant l’ambivalence du Japon, passé par une mod­erni­sa­tion « cat­a­strophique », sur le mod­èle occidental. (…).

On peut ain­si dire en guise de con­clu­sion que Shizue Ogawa sem­ble cepen­dant ter­ror­isée par le prob­lème de la com­mu­ni­ca­tion : « Com­ment sor­ti­rai-je du moule en fer ? » se demande la poète, en cher­chant les mots appro­priés, fix­ant les images, désirées, étab­lis­sant l’entente con­voitée, le dia­logue avec les autres (v. Le Moule). Or, le moule est bru­lant et sera refroi­di avec les larmes de tant d’illusions, les flammes don­nant des ailes à la boue ou en revanche appelant les poèmes pour les jeter au feu. Shizue Ogawa cherche les mots : « que je devais trans­met­tre dans mon pays », ce qui annulerait l’hypothèse du « rien » évo­qué, de la spon­tanéité sans lim­ites, en fix­ant l’image de la poète – « boîte aux let­tres », désireuse de com­mu­ni­ca­tion et de communion ».

                                                                                                                     A.D.R                                                                                                         

 

 

Pour sa part, la traductrice, Manolita DRAGOMIR-FILIMONESCU, également poète, anciennement professeure au Collège National du Banat, à Timişoara, Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques écrit dans Le mot de la traductrice, intitulé : SHIZUE OGAWA, POÈTE  D’UNE ÂME QUI JOUE :

 

« Poète japon­aise, encore exo­tique pour une Europe cepen­dant ouverte à toutes les expéri­ences lit­téraires et artis­tiques, Shizue Ogawa y occupe une place à part. J’ai ain­si eu le priv­ilège d’entrer dans la poésie de Shizue Ogawa, grâce à une amie, poète fran­co-alle­mande, Rome Deguer­gue avec laque­lle j’ai par­ticipé à son pro­jet lit­téraire en 14 langues, au sein duquel j’ai assuré la ver­sion roumaine à Tim­işoara et la ver­sion hon­groise faite elle aus­si par une autre amie, écrivaine, Mari­ka Pon­gracz-Popes­cu. Ce pro­jet réal­isé fut un suc­cès chez nous comme ailleurs. À cette occa­sion com­mença une nou­velle « aven­ture poé­tique » lorsque Rome m’invita à décou­vrir un recueil con­tenant un choix de poèmes et inti­t­ulé : « Une âme qui joue », dont l’auteure m’était totale­ment incon­nue à l’époque.

Après maintes lec­tures, j’éprouvai le sen­ti­ment de con­naitre Shizue Ogawa, au-delà du temps et de l’espace. Sa poésie péné­tra dans mon être, sans dif­fi­cultés, avec un naturel incroy­able. Son âme par­lait à la mienne via une excel­lente tra­duc­tion française, (puisque je ne con­nais pas du tout le japon­ais). Le rythme et la musi­cal­ité des vers me don­naient l’illusion d’une écri­t­ure en langue mater­nelle. Je n’ai pas ren­con­tré de mots, de for­mules qui soient con­tor­sion­nées, com­plex­es, tant la langue était directe et de grande qual­ité. Tout coulait douce­ment, parole et image, comme si cela venait de très loin et en même temps de l’intérieur. (…).

Dans ce cor­pus poé­tique, on peut tout décou­vrir : de la force, de la musique (cachée par­fois), le bon­heur ou le mal­heur, la joie et la tristesse, bref, des sen­ti­ments éter­nelle­ment humains. Longueur des vers, points et points de sus­pen­sion, vir­gules, paus­es de res­pi­ra­tion, chaque pièce trou­ve sa place tel dans un jeu immuable comme si une force supérieure les avaient  placées au juste endroit. (…).

La poésie de Shizue Ogawa ne fait pas référence à une mode, à un siè­cle ou à un pub­lic don­né. Il s’agit de sa poésie intime, de son univers, des sons qui lui appar­ti­en­nent, des images qu’elle forge elle-même. Shizue ne fait pas de la poésie, elle la vit de tout son être. Elle respire le paysage à sa façon : dis­crète, douce et pleine de force, tel un poète qui con­naît bien son chemin déjà tracé par le bon Dieu.

Il est vrai qu’on y perçoit des influ­ences de l’Orient dans sa façon de percevoir le monde, la spir­i­tu­al­ité. Qu’importe le nom que porte Dieu, puisque ce n’est pas la chose la plus impor­tante, mais le fait qu’Il existe, soit vis­i­ble en nous et dans tous les êtres de ce monde. L’homme mod­erne vit en har­monie par­faite avec lui-même et avec son univers. « Mes poèmes sont moi-même » pour­rait déclar­er Shizue Ogawa. (…).

Pour ma part, j’espère avoir su con­serv­er en roumain toute la fraîcheur, la musique élé­gante et pleine de pas­sion des vers de Shizue Ogawa, à qui je souhaite « Bonne Chance » à la ren­con­tre du pub­lic roumain, ouvert, intel­li­gent et récep­tif à la fois ».

M.D.F.

—————————-

 

            Nous repro­duisons ci-après : deux poèmes en ver­sion orig­i­nale japon­aise, suiv­ie de la tra­duc­tion roumaine par Mano­li­ta Dragomir-Fil­imones­cu, créée à par­tir de la ver­sion française que nous apposons ici égale­ment, telle que fig­u­rant dans le recueil de Shizue Ogawa, Une âme qui joue[3]. Le pre­mier poème, « Pois­sons des pro­fondeurs » rend compte de l’empathie de l’auteure pour le monde ani­mal (ici aqua­tique) déclinée à l’aide d’interrogations sen­si­bles, à la fois sibyllines et emplies de can­deur, soulignées à notre sens par une atti­tude quiétiste, un cer­tain humour, de l’originalité et non inter­ven­tion­niste. Le sec­ond poème, « Les servi­ettes de table » fait état d’un instant de grâce, de pure ami­tié tra­ver­sière que nous avons désiré faire fig­ur­er ici, en rai­son du fait que ce petit poème d’une grande déli­catesse a été traduit par trois per­son­nes, (dont Jean-Luc Wau­thi­er) dans le cadre de la « Bien­nale Inter­na­tionale de Poésie de Liège » en Bel­gique, dont le regret­té, Jean-Luc Wau­thi­er fut un ardent défenseur et « vul­gar­isa­teur » au sens noble du terme, en partage poé­tique et frater­nel non gal­vaudé[4]. Bien­nale de haut niveau, s’il en est, irra­di­ante à l’envi, au sein de laque­lle Shizue Ogawa fut chaleureuse­ment accueil­lie, et ce, à plusieurs reprises. 

 

 

深海魚         

 

深海魚は

なぜ 水圧に耐えられるのだろう

内蔵も破裂しないで

きっと 歯をくいしばって

痛みをこらえているのだ

いつかは横波にのりたいと  願っているのだ

深海では

流れは上下に動いている

魚は 息を殺した

尾でひとけりして

上を見た 

 

PEŞTI  DIN  ADÂNCURI 

Cum pot oare în adân­curile mării peştii
să suporte pre­siunea apei
fără să le explodeze organele?
Ei tre­buie să strângă din dinţi
ca să suporte durerea.
Într‑o zi ei vor să fie pur­taţi lat­er­al de un val.
Dar în marea cea adâncă
curenţii se deplasează vertical.
Un peşte îşi ţine respiraţia.
Apoi trăgând o lovi­tură bună cu coada
el privi în sus.

 

POISSONS DES PROFONDEURS

Com­ment dans les pro­fondeurs de la mer les poissons
peu­vent-ils sup­port­er la pres­sion de l’eau
sans qu’éclatent leurs organes ?
Ils doivent ser­rer les dents
pour sup­port­er la douleur.
Un jour ils veu­lent être portés latérale­ment par une vague.
Mais dans la mer profonde
les courants se dépla­cent verticalement.
Un pois­son retint son souffle.
Puis don­nant un bond coup de queue
Il regar­da vers le haut. 

(Tra­duc­tion : Michèle Duclos)

 

 

テーブルナプキン

 

ちょっと 待って

今 手もとに

紙がないの

テーブルナプキンで失礼します

 

地図 本の名 電話番号

ナプキン手でおさえて

だいじなひと(

こと

)

正直に伝える やわらかい真実

 

ありがとう

ここにいってみるね

きっと読んでみるね

ナプキン使って  ごめんなさい

涙もふくね

 

ŞERVEŢELE  DE  MASĂ 

Aştep­taţi un minut!
Nu am hâr­tie la îndemână.
Ier­taţi-mă că folos­esc acest şerveţel de masă.

O hartă, numele unei cărţi, un număr de telefon,
Apăsân­du-mi mâna stângă pe şerveţel,
voi scrie un cuvânt important.
Un ade­văr blând trans­mis cu gingăşie.

Mulţumesc.
Voi încer­ca să merg în acest loc.
Voi citi cu sig­u­ranţă această carte.
Scuza­ţi-mă că folos­esc un şerveţel
şi pen­tru a‑mi şterge lacrimile.

 

LES SERVIETTES DE TABLE

Atten­dez une minute !
Je n’ai pas de papi­er sous la main.
Par­don­nez-moi d’utiliser cette servi­ette de table.
 

Une carte, le nom d’un livre, un numéro de téléphone.
En appuyant ma main gauche sur la serviette,
j’écrirai un mot important.

Mer­ci.
J’essaierai d’aller à cet endroit.
Je lirai sûre­ment ce livre.
Excusez-moi d’utiliser une serviette
Aus­si pour essuy­er mes larmes.

           (Tra­duc­tion : Alfred Bal­caen, Jacque­line Star­er, Jean-Luc Wauthier)

 

            Merci ! est en effet un mot que Shizue Ogawa utilise sans mod­éra­tion, et qu’elle prononce avec sim­plic­ité et une grande fraicheur souri­ante, envers tous ceux qu’elle ren­con­tre sur ses chemins de péré­gri­na­tions poé­tiques, et qui s’intéressent à la manière de ses vers, à sa Weltan­schau­ung à taille humaine, à l’autre en soi, à soi en l’autre, à la fac­ulté de pou­voir / vouloir jouir, se réjouir du plus quo­ti­di­en des quo­ti­di­ens, à ceux qui osent avancer des – mots con­tre les maux – qui sont, encore et mal­gré tout ce qui fâche et révolte : tels quels, de manière imma­nente, imper­ma­nente et con­sci­en­tisée, mais aus­si voués à provo­quer le change­ment, le grand bran­le mon­taig­nien pour chercher et trou­ver, qui le lieu, qui la for­mule, à défaut des deux à la fois[5] et à accepter / appli­quer les principes de rel­a­tiv­ité et de réal­ité (le monde en expan­sion depuis la nuit des temps tourne avec ou sans nous), au sein de l’ate­lier de l’aube[6], où se crée, se fab­rique dans la soli­tude : un art de l’expression dédié à l’échange, doté d’un cer­tain regard intérieur, porté sur le grand dehors. Où, à chaque aurore lavée suc­cède la promesse vir­ginale, tenue et véri­fiée de la recon­quête et de l’avènement de la beauté en ce pre­mier matin du monde[7], syn­onyme d’ouverture plurielle sur tous les pos­si­bles… En écoutant la musique des fleurs de lotus, quand « le print­emps verdis­sait comme le péché ». Ce qui n’exclut nulle­ment d’être libérée de tout trau­ma, puisque : « la cul­pa­bil­ité danse sur mon front » que « cha­cun nour­rit un ser­pent en son sein » ; ser­pents qui « por­tent son nom » et « de lire » la douleur de l’existence.

 

                     Ain­si, Shizue Ogawa nous invite-t-elle – recueil après recueil à réfléchir, à méditer sur le temps pluriel, à – l’être sans avoir –  , à l’humain trop humain, et à embrass­er, tenir compte – tous les sens en éveil et le regard pro­longé par l’e­sprit cul­tivé, cri­tique, joyeux et con­stam­ment en appren­tis­sage : du plus petit phénomène jusqu’au plus grand, sans omet­tre ce qui bruisse et s’agite, “has its play[8] croit, meurt et se strat­i­fie au sein des règnes : humain, ani­mal, minéral et végé­tal, chaoscos­mique, dans le but de ressen­tir ce que ces pra­tiques et cueil­lettes inten­sives, véri­ta­bles offran­des lyriques, à la fois désirées et intu­itives appor­tent en infor­ma­tions, for­ma­tions et dés­in­for­ma­tions suc­ces­sives, et ce qu’elles peu­vent mod­i­fi­er, amélior­er, éclair­cir, élargir, drain­er, et lever en cha­cun de nous, à quelque poste d’observation que nous nous trou­vions – au présent de tous les présents, dans le but sans doute de répon­dre à l’interrogation de Shizue Ogawa, évo­quée par Adri­an Dinu Richieru : « Com­ment sor­tir du moule en fer ? » En étant cette « boîte aux let­tres, désireuse de com­mu­ni­ca­tion et de com­mu­nion » répond le cri­tique de Timisoara. Ain­si : aller vers… et aller avec…

Enfin, comme l’ex­pri­mait – avec une infinie sim­plic­ité ourlée de philoso­phie ori­en­tale cette amie déli­cate, Shizue Ogawa, enten­dons ses mots posés ici, tels une élégie, un hymne à la joie :

N’ayez pas peur de rédi­ger les joies et les trist­esses de votre cœur avec des mots ordi­naires. Ne soyez pas timide, n’ayez pas peur de vous immerg­er dans vos sen­ti­ments. Ils con­stituent notre vie quo­ti­di­enne, qu’ils soient « cœur » ou « esprit » (…). Regar­dons la vie en toute tran­quil­lité, en toute con­fi­ance. Les journées changent toutes les heures, en racon­tant l’unique joie du moment [9].

 

 


[1] Le 16 décem­bre 1989, une insur­rec­tion pop­u­laire débute à Tim­ișoara con­tre le régime com­mu­niste de Nico­lae Ceaușes­cu. La ville est ain­si la pre­mière à se rebeller con­tre le pou­voir. Tim­ișoara est une ville mul­ti­cul­turelle dotée de minorités influ­entes, essen­tielle­ment des Alle­mands (Souabes ou « Schwaben »), des Hon­grois, des Serbes et des Roms mais aus­si des Ital­iens, des Arabes et des Grecs ou encore des Tchèques et des Slo­vaques.

[2] Pour infor­ma­tion, ces deux textes dont nous avons assuré la relec­ture en langue française paraîtront en ver­sions inté­grales, roumaine et française sur mon site à par­tir du mois de novem­bre prochain : http://romedeguergue.wordpress.com.

 

[3] Choix de poèmes, édi­tions, À bouche per­due, col­lec­tion Pangée, Bel­gique 2010.

[4] Jean-Luc Wau­thi­er, pro­fesseur, jour­nal­iste, poète, romanci­er et essay­iste belge, né à Charleroi le 14 novem­bre 1950 est décédé le 15 mars 2015.

[5]: Le lieu & la for­mule in : Vagabonds, Arthur Rim­baud, Illu­mi­na­tions.

[6] Terme util­isé par Paul Valéry pour décrire son espace mati­nal de création.

[7] Extrait d’un poème de Charles VAN LERBERGHE (1861–1907) : C’est le pre­mier matin du monde. Comme une fleur con­fuse exhalée de la nuit, / Au souf­fle nou­veau qui se lève des ondes, / Un jardin bleu s’épanouit.

[8] William Wordsworth « (…) to trace the pri­ma­ry laws of our nature (…) / pour suiv­re le chemin des lois pri­maires de notre nature ».

[9] Traduit du japon­ais par Masa­mi Shi­mao­ka et Anna Ayanoglou. L’o­rig­i­nal est sor­ti en mars 2012 dans le n° 259 de la revue japon­aise « Le monde de la poésie », pub­liée par le Cer­cle des poètes du Japon.

 

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Philippe Lekeuche

Philippe Lekeuche — Poète, il écrit depuis 1966. Son prochain livre, L’épreuve, est paru en octo­bre aux édi­tions « L’herbe qui trem­ble » en France. Pro­fesseur émérite de psy­cholo­gie clin­ique à l’Université de Lou­vain (psy­ch­analyse), il a dirigé des études sur, notam­ment, Baude­laire, Dos­toïevs­ki, Duras, Hölder­lin, Kaf­ka. Comme cri­tique, il a col­laboré à divers­es revues, dont « Le Jour­nal des poètes », « Recours au poème », « Fran­coph­o­nie vivante », « Les Let­tres français­es ». Il fut élu à l’Académie Royale de langue et de lit­téra­ture français­es de Bel­gique en 2017.