Amont dévers

Treiz­ième livraison 

(Voir« Recours au Poème » 194, avril 2019)

 

 

Et puis, au bout du bout, il reste le chant. Ténu, léger comme cet air insai­siss­able que Leop­ar­di dis­ait envi­er dans la poésie d’Anacréon, tel « un souf­fle pas­sager de brise fraîche en été, odor­ant et délas­sant », mais hélas vite dis­sipé, échap­pant à l’analyse voire déce­vant sa relec­ture (Zibal­done).

C’est la musique sans notes de cer­taines ivress­es de mots presque gra­tu­ites des Baro­ques, tour­nant sur eux-mêmes tels des hor­loges (encore alors épatantes). C’est, à un point exquis d’harmonie rarement atteint, en dépit par­fois de son manque d’insouciance devenu trop habituel, le résul­tat du tout dernier Pas­coli (une fois acquis­es ses tra­duc­tions des stro­phes sap­phiques d’Horace), éloigné du nidoù il avait trou­vé un sem­blant de paix avec sa sœur Maria, désori­en­té par la grande ville (Bologne), frus­tré dans ses autres amours, au bord du silence. C’est le jeu, bien loin d’être inno­cent, avec le lan­gage – et son idéolo­gie – chez tel Novis­si­mo… heureuse­ment plus ironique que chez nos avant-gardes français­es ou parisiennes.

Mais déjà Le Tasse pris­on­nier, deman­dant à ce qu’on le con­ti­enne, à ce qu’on le pro­tège, à ce qu’au besoin on le punisse, s’abandonnait ter­ri­ble­ment seul à la musique intérieure de son obses­sion dom­i­nante, pure­ment poé­tique – ou à ses démons fam­i­liers. C’est parce qu’elle est fic­tio, et musi­ca à la fois (Dante), surtout har­monie qui n’en finit “jamais”, comme dans la sub­lime inven­tion de sphères supérieures bien­veil­lantes, que la poésie nous sou­tient et sem­ble nous pro­téger jusqu’à la fin. En deçà (ou au delà) des ter­reurs et des espérances de quelque au-delà rêvé comme ultime hori­zon. Et ce sera aus­si, pour nous, une façon de saluer une dernière fois (La Treiz­ième revient… – on l’a déjà dit) le ver­sant caché, dans l’ombre éblouis­sante, vers lequel dévale para­doxale­ment l’un de nos amonts. 

 

             −    Les oreilles et la vue

                  (Bal­lade du regard)

 

Quit­ter le voile par soleil ou par ombre,
   Dame, je ne vous vis,
   après qu’en moi avez su le grand désir
   qui chas­se tout autre vouloir de mon cœur.
Por­tant en moi mes belles pen­sées celées
   qui ont ren­du mort mon esprit désirant,
   j’ai vu de pitié s’orner votre visage ;
   mais, quand Amour vous fit atten­tive à moi,
   vos blonds cheveux aus­sitôt furent voilés,
   et le regard charmeur en soi recueilli.
Ce que je désir­ais le plus, m’est ravi ;
   le voile ain­si me traite,
   qu’à causer ma mort et au chaud et au froid
   de vos beaux yeux il ombrage la lueur.

                                                                              F. Petrar­ca, R. V. F.xi

 

 

(Madri­gal à Dame Laure)

 

Sur la verte toison
        de ce lau­ri­er nou­veau, oyez comment
        des oise­lets chanteurs
        cer­tains vont plaisan­tant de branche en branche,
        dis­ant — Je t’aime, t’aime — ;
        et il sem­ble répondre
        par le mur­mure doux
        de ses feuilles tremblantes -
        Oui, je vous aime aussi — ;
        et d’autres, plus coquets,
        chantent, — Ici, ici -,
        comme s’ils voulaient dire — En ces rivages
        autour de ces feuillages
        les nymphes te désirent. 

                                              T. Tas­so, Rime amorose, 1581

 

 

                (Petite bal­lade pour boire)

 

    Bris­es sere­ines, claires,
respirent doucement,
et l’aube à l’Orient
riche de lys et vio­lettes s’affaire ;
    sur la rive discrète
le long du ruis­seau aux bor­ds luxuriants,
    Phyl­lis, à boire invite
la pour­pre vive de fraise odorante ;
    de mes tass­es très chères
donne la préférée,
celle où l’on voir flécher
Amour sur un dauphin les Dieux des mers.

                                                                                     G. Chiabr­era, Poe­sie, 1606

 

                      (Une île de sons)

 

Que cithare et cro­tale avec l’orgue
sur les bor­ds des pâtures odorantes,
que cym­bales et flûtes s’unissent
aux pipeaux, au tam­bourin et au fifre ;
et qu’ils appor­tent fête et joie à celle
qu’on nomme Ves­per ou Lucifer,
emplis­sant de musique crépitante
cette île en ses trans­es résonnante.

                                                           G.B. Mari­no, AdoneVII (1623) 
                                           — déjà paru dans “Recherch­es romanes et com­parées”, 4, mars 1999

 

 

(Théorbe à sabot)

                                          Felip­po Sgrut­ten­dio de Scafa­to, La tior­ba a tac­cone(1646)

 

[…] Et j’arrivai à une source qui, seule,
geignait sous un grand chêne, en une sonore
conque de ponce rugueuse, qui le pleur
déjà pleuré pres­sait de grappes de gouttes
neuves, dans leur chute, et en tirait un chant
doux, infi­ni. Je m’assis dans l’ombre fraîche.
Là, je ne sais com­ment, un dieu me vainquit :
je pris ma cithare d’ivoire et, rival
du flot sacré, longtemps en pinçai les cordes.

   Ain­si écla­ta, dans le midi tremblant,
le son mod­ulé d’une joute aérienne :
et grand était l’étonnement des yeuses,
car grand et clair était, entre la cithare
aiguë, le con­cours, et les eaux mélodieuses.
Toute voix de la source, tout tintement,
la creuse cithare en répé­tait l’écho ;
et pou­vait croire en son cœur à deux fontaines
le berg­er qui non loin de là fai­sait paître.
Mais lent, à la fin, je fix­ai sur le joug
d’or mes yeux char­més, et sur les cordes mues
comme par un souf­fle court ; et les fermai,
vain­cu ; et j’entendis comme un bruissement
de mille cithares qui pleu­vait dans l’ombre ;
et j’entendis, comme s’éloignant en lui,
la mer­veille d’histoires dédaléennes,
telles de blanch­es longues routes en fuite
à l’ombre d’ormes et de peu­pli­ers frêles.

                                                                           G. Pas­coli, Il cieco­di Chio[1897] (Poe­mi Con­vivi­ali,1904)  

 

 

 

Piano, la nuit

 

Un piano, la nuit,
joue dans le lointain ;
sa mélodie vient
au vent soupirer.

Une heure : tout dort
sur cette berceuse,
qu’on con­naît encore
après tant d’années.

Au ciel, que d’étoiles !
La lune… Et l’air tendre !
Qu’on voudrait entendre
joli­ment chanter !

Mais seul, peu à peu
meurt le refrain su ;
plus som­bre est la rue
dans l’obscurité.

Plus rien que mon âme
reste à la fenêtre.
Elle attend… peut-être
en rêve, à penser.

                                      S. Di Gia­co­mo, Ari­ette e sunette (1898)

 

                  His­to­ri­ette

 

Le chien,
blanc sur la blanche grève,
pour­suit sans trêve
une ombre,

la noire
ombre d’un papillon,
qui sur lui, blond
virevolte.

Incon­scient
du dan­ger, il le nargue
en volant autour de lui
dirait-on.

Incon­scient
il vient (ou rusé) sur son dos.
Lui de là aussitôt
le secoue,

et se retourne
vorace vers l’ombre vaine,
qui s’éloigne
de la grève,

et dessus
une fleur, à son habitude,
referme la lumière
de ses ailes.

Sachez,
amis très chers,
que dans mes jours
de bonheur,

ces jours
où mon cœur (aride à présent)
était rené
à l’amour,

moi aus­si
avec une proie plus extraordinaire
j’eus une histoire
similaire.

Et elle était
belle ! La dernière chose
qui en moi de rose
se teignit.

Et moi,
moi je lui lais­sai sa vie ;
je n’en ai saisi
qu’une ombre.

Je savais
– douceur sans liesse –
que c’était sagesse
humaine.

                            U. Saba, Cuor morit­uro, 1926

 

 

 

 

 

          Naître au chant

 

Croire à l’innocence du monde.
Ain­si la voile pour le haut chanter.
Où elle ne peut pas être
l’inventer.
                 J’essuie sur ma joue
comme un sil­lon de pleur. 

                                                    L. Calogero,Poco suono(1933–35)

 

* * *

 

 

Je voudrais nag­er dans le bouil­lon de poule,
je voudrais avoir un cha­peau à fleurs
et un châle, un masque blanc.
Je voudrais avoir le pas léger,
danser moi aus­si avec les mecs du faubourg.
Je voudrais inviter les vieilles à la fenêtre,
chanter et rire par­mi les vis­ages ridés
et rougis que je vois dans les vitres
peints par la veine violente,
par la main de l’artiste qui chante,
opaque et puis­sant, la terre.
Je voudrais porter un bonnet
à grelots… 

                              Mau­r­izio Cuc­chi, Malaspina,2013       

 

                    Bagatelles

 

Trois mouch­es avec deux moustiques
Sur un arbre chargé de poires
Par­lent sans se lancer de piques,
Ce qui est chose plutôt rare.

Le tour­nesol n’est pas content
Quand il pense à son infortune
Surtout si désespérément
Il rêve à un ray­on de lune.

L’écrevisse mélan­col­ique
Cepen­dant que tombe le soir
Écoute la philharmonique
Jouer là-bas près du lavoir…

Une raie man­ta plus rapide
De con­serve avec un dauphin
Dit à mi-voix mais intrépide
« Pro­fil absol­u­ment divin ! »

Ric­car­do Held, Bagatelle,RIEF,2017

 

−    Et l’harmonie ultime des sphères

 

                    (Le chant des justes)

 

Ô doux amour, que ton sourire enveloppe,
   com­bi­en tu sem­blais ardent en ces flûtiaux
   qui n’avaient souf­fle que de saints pensers !
Après que les chères bril­lantes gemmes
   dont je voy­ais ser­ti le six­ième feu
   eurent sus­pendu leurs aigus angéliques,
ouïr me parut le mur­mure d’un fleuve
   dont l’eau limpi­de descend de pierre en pierre,
   par l’abondance de ses hautes veines.
Et comme un son au col de la cithare
   reçoit sa forme, et comme un vent au pertuis
   du chalumeau dans lequel pénètre l’air,
ain­si – sans laiss­er de retard à l’attente –
   sem­bla mon­ter ce mur­mure par le col
   de l’aigle, comme s’il eût été creux.
Là se for­ma une voix, qui sortit
   par le ros­tre ensuite en forme de paroles
qu’attendait mon cœur, où le les écrivis.

                                                  Dante Alighieri, La Comédie (Par­adis)XX,13–30.    
                                                                          [au ciel de Jupiter, le six­ième “feu”]         

 

 

                       (Un adieu)

 

Vante-toi, tu le peux. Racon­te que seule
tu es de ton sexe à qui j’ai dû plier
ma tête fière, à qui j’offris simplement
mon cœur indomp­té. Racon­te que tu vis
la pre­mière, et j’espère unique, mes yeux
qui sup­pli­aient, moi si timide devant
toi, plein de crainte (je brûle si j’y pense
et m’indigne, et rougis) : moi privé de moi,
à guet­ter hum­ble­ment chaque envie, chaque acte,
chaque mot tiens, à pâlir aux impatiences
superbes, m’illuminer au moin­dre signe
cour­tois, chang­er à chaque regard de mine
et de couleur. L’enchantement est rompu,
et avec lui brisé, à terre gisant,
ce joug ; je m’en félicite. Et, bien que pleines
d’ennui, après le ser­vage enfin, après
une longue errance, j’embrasse content
sagesse et lib­erté. Car si de passions
est veuve ma vie, et de nobles erreurs,
comme une nuit sans étoile en plein hiver,
me sont suff­isants récon­fort et revanche
du sort des mor­tels dès lors qu’ici sur l’herbe
immo­bile éten­du, oisif, je regarde
la mer, la terre et le ciel, et je souris.

                                                                Leop­ar­di, explic­it deAspa­sia(Chants)

 

 

* * *

 

Que font là, près de la ter­rasse veuve,
les chrysan­thèmes, nos fleurs, que font-ils ?

Oh ! ils sont là, avec leur beauté vaine,
ten­ant la tête bais­sée, pleurent-ils ?

Ils pensent que cette année tu es loin,
pleu­rant car tu n’y es pas, pour de bon.

La cloche mur­mure : Ne revient point !
Mais les mésanges : Si, ils reviendront !

                                                                    G. Pas­coli, Diario autun­nale,1907       

 

 

Petit chant sans paroles

 
À un rami­er le soleil
Céda sa lumière…
En roucoulant viendra,
Si tu dors, dans ton rêve…

Un soleil viendra,
En secret brûlera…

Il sera seigneur
D’une vaste mer
À ton pre­mier soupir…

Fluctue seul chant
Sur la mer fluente
Ouverte à ton rêve…

 

*

 

À un rami­er le soleil
Céda sa lumière…

En roucoulant viendra,
Si tu dors, en songe…

Éten­dit le grand flot,
Défia la mesure…

Tu hési­tas, le vol
Perdit en toi,
Par écho se chercha…

L’ire dans cet appel
Abî­ma ton cœur,
La lumière au soleil retourne…

                                                              G. Ungaret­ti, “Offic­i­na” 11 (1957)

 

 

* * *

 

 

Le temps nous emmène, et le ciel est seul
même de ces hiron­delles qui volent,
dan­gereuse­ment croisant des trajectoires
comme qui cherche longtemps dans sa mémoire

quelque nom per­du… et le retrouver
n’a plus d’importance, car c’est le soir.
Bien sûr, on vieil­lit, et nous revient plus vraie
la vie déjà vécue, rongée par un ver…

un ver qui la net­toie. Et vient le soir.
Et les pen­sées se croisent, et les vols.
Et nous ne sommes plus nous, mais les profonds
ciels de l’existence – ah, com­bi­en entière, elle

et très pro­fonde, som­bre, en son bleu-noir.

                                                 Car­lo Betoc­chi, L’estate di S. Mar­ti­no,1961     

 

 

                     Dans le chant

3.

Aimée, je veux qu’ils nous écoutent,
qu’ils enten­dent le gar­gouil­lis que je ne retiens pas,
com­ment se forme le chant
com­ment il se calme dans la poitrine
com­ment il peut sec­tion­ner la gorge,
com­ment la langue s’est esquivée.

                                                        28.12.1987
                                         Anto­nio Por­ta, Yel­low(posthume ; pub­lié sur :
                                         http://circe.univ-paris3.fr/A.Porta_Yellow.pdf

 

 

                    Son­net astral

 

pulsent les pul­sars en de fortes pulsions :
c’est à vous quasars, astres quasi-vivants :
s’écroulent assez dens­es, par des pressions
qui pour tou­jours s’abî­ment, en noirs rivages :

peut-être est-ce ain­si : torch­es en évection,
essaims de vos nébuleuses fugitives,
super-géantes, traînes en libration,
céphéides vari­ables qui récidivent :

pro­tubérances, et jets, et radiations
cor­pus­cu­laires, éclipses inclusives
de pleines planètines et planètons,
aurores sur­com­pressées en hautes cages :

oh, lumineuses nuits gravitationnelles,
mes frag­iles zodi­a­cales étincelles !

                                                                E. San­guineti, Varie ed even­tu­ali,2010    

 

 

                Cedrus atlantica

 

Devis pour abattage
avec échelle chenillée
heureuse­ment tu n’assisteras pas
il était comme tien depuis le milieu du XXèmesiè­cle
cet arbre, ses bras en forme d’aiguilles
entraient par ton bal­con presque
chez toi, sans par­ler du funeste
jour où ils t’ont retenue,
ont empêché le saut désespéré.
Mais désor­mais fan­tôme le saut, fantôme
le motif du saut et son origine,
fan­tôme la nou­velle, fan­tôme qui avait dû
te la don­ner, fan­tôme qui te consola,
fan­tôme qui t’appela le premier
veuve, fan­tôme lui le très jeune
con­joint par­mi les plus blonds et beaux
en prom­e­nade dans le règne des cieux, fantômes
les cieux, fan­tôme tout, chaque incident,
chaque sou­venir de sou­venir d’incident,
chaque poème d’incident ? 

                                            Vivian Lamar­que, Madre d’in­ver­no,2016         

 

 

 

    −    “… l’amour qui meut le soleil et les étoiles

             (À Gen­nar­i­no)

 

Écoute… si tu vois
Gen­naroce bourrin,
dis-lui : bel assassin !
Non, ne le lui dis pas !

Dis-lui… Oui, dis-lui donc
Qu’il est moche ! Et taré !
Qu’il l’a tou­jours été !…
Non, attends… Lui dis rien…

Et si tu dis­ais : “Rose
voudrait vider sa haine,
bien qu’au fond elle-même
ne sait si ell’ pourra…”?

Non… Dis-lui que je pleure !
Dis-lui : elle est brûlante !
Dis-lui : elle est mourante !
Et ramène-le-moi…

                                                   S. Di Gia­co­mo, Ari­ette nove, 1916 

 

 

                      Deux jeunes

 

Dans une auto déglinguée
aux lim­ites d’un champ,
– une auto en démolition –
dans cette auto abandonnée
deux jeunes, assis
dis­cu­tent sans interruption

La fille est mignonne
les cheveux courts et noirs,
le garçon a un vis­age de fouine
maligne et drôle ;
ils s’abritent des gens ;
lui la serre fort
et ils par­lent vite vite à voix basse

C’est bon d’écouter
comme ça la vie qui glisse,
la vie gliss­er douce­ment comme un ser­pent qui s’ennuie ;
se don­ner dix bais­ers par minute sans crainte ;
par­ler d’aujourd’hui, par­ler d’amour, par­ler de demain,
se touch­er avec les mains

La vie est telle­ment proche
tout est encore à faire
le futur est vert, il est froid, il est pro­fond comme la mer
ils essaient de le touch­er avec les pieds
avant de se décider à plonger

« Tu es une petite souris blanche
moi, moi, moi
moi je t’ai trans­for­mée en ange
avec des ailes formidables
Tu lavais repas­sais les chemises
et moi assis dans un coin je fumais
Regarde-moi encore avec amour,
je sais que je suis vieux,
je sais que j’ai déjà vingt ans » 
« Mais – elle répond – je t’épouserais quand même
moi, moi, moi
même si je t’ai tou­jours dit :
je veux aller au lit avec un homme
mais je ne sais com­ment faire
Tu me dis­ais : pourquoi tu ne me prends pas moi ?
C’était un jeu
moi, moi, moi
je le sais que c’était un jeu
et je ne sais quoi faire
parce que là je ne veux plus
que rester ici à te regarder et écouter »

D’en haut pleut une neige verte
portée par les ombres du soir ;
tout à coup trois étoiles explosent
énormes comme un grand réflecteur
au-dessus de l’auto déglinguée
aux lim­ites d’un champ
dans une auto en démolition
où deux jeunes hors du temps
font l’amour

                                                 R. Rover­si, Il futuro dell’automobile. Dodici
                                                 testi per Lucio Dal­la,1976

 

 

 

 

 

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Jean-Charles Vegliante

Né à Rome, Jean-Charles Veg­liante a enseigné à la Sor­bonne N.lle — Paris 3, où il dirige le Cen­tre Inter­dis­ci­plinaire de Recherche sur la Cul­ture des Echanges http://circe.univ-paris3.fr Tra­duc­teur de Dante (prix Halpérine-Kamin­sky 2008) et des baro­ques, il a pub­lié en 1977 une antholo­gie française de la poésie ital­i­enne de la fin du XXe siè­cle (Le Print­emps ital­ien, bilingue) et traduit Leop­ar­di, D’An­nun­zio, Pas­coli, Mon­tale, Sereni, For­ti­ni, Raboni, A. Rossel­li, M. Benedet­ti et d’autres poètes ital­iens. Il a édité les textes ita­lo-français de De Chiri­co, Ungaret­ti, A. Rossel­li, Mag­nel­li. Il est l’au­teur de D’écrire la tra­duc­tion, Paris, PSN, 1996, 2000. Sa poésie paraît en revue (Le nou­veau recueil, Le Bateau Fan­tôme, L’é­trangère, Almanac­co del­lo Spec­chio) et sur le net (Recours au Poème, for­maflu­ens, Le parole e le cose) ; par­mi les titres pub­liés en vol­ume : Rien com­mun (Belin), Nel lut­to del­la luce / Le deuil de lumière (trad. G. Raboni, bilingue Ein­au­di 2004), Itin­er­ario Nord (Vérone, 2008), Urban­ités (Paris, 2014), Où nul ne veut se tenir (Brux­elles, 2016). Il a édité une nou­velle ver­sion de Dante Alighieri (La Comédie, bilingue) dans la col­lec­tion Poésie chez Gal­li­mard.. En 2019, Jean-Chal­res Veg­liante pub­lie Son­nets du petit pays entraîné vers le nord et autres juras­siques (L’ate­lier du grand tétras).