De l’immense poète que fut, en ital­ien et en latin, Gio­van­ni Pas­coli (1855–1912), il suf­fi­rait de rap­pel­er qu’il a ouvert la voie à la foi­son­nante sai­son poé­tique de son pays au XXe siè­cle. Ungaret­ti et Mon­tale et Pasoli­ni, sans par­ler de Qua­si­mo­do, ont dû d’abord le tra­vers­er. Latin­iste et dan­to­logue recon­nu, il suc­cé­da au Prix Nobel G. Car­duc­ci à la pres­tigieuse chaire de Lit­téra­ture de l’université de Bologne (1905). Qua­si­ment incon­nu en France, du fait des pro­fonds déséquili­bres entre les deux tra­di­tions romanes (à la prox­im­ité illu­soire), et surtout peut-être à cause de l’extrême dif­fi­culté de sa lec­ture en traduction/réception*, il mérit­erait enfin qu’un édi­teur digne de ce nom pro­cure au moins une vaste antholo­gie, voire un recueil com­plet de ses vers. À bien des égards précurseur de cer­taines décou­vertes lin­guis­tiques (l’anagramme selon Saus­sure), psy­chologiques (l’inconscient) et eth­nologiques (la puis­sance du pop­u­laire, comme chez Rim­baud – voir, avec Lapi­de, le début de Enfance II), il a été sans con­teste l’un des plus géni­aux réno­va­teurs du vers ital­ien. Le seul peut-être à pou­voir rivalis­er avec les grands Sym­bol­istes par la puis­sance évo­ca­trice de son lan­gage mul­ti­forme. Lyrique et élé­giaque dans ses pre­miers textes, il s’est essayé ensuite aux longs poèmes vir­giliens, géorgiques ou épiques ; récem­ment, son Dernier voy­age [d’Ulysse], dans les Poèmes con­vivi­aux, 1904, a été mag­nifique­ment ren­du en français par Evanghélia Stead (Sec­onde Odyssée, Greno­ble, J. Mil­lion 2009). Quelques pages ont été traduites en anglais par Sea­mus Heaney. Nous ne don­nons à lire ci-dessous qu’un des mul­ti­ples aspects de sa poésie, par­mi les plus anciens de son livre de jeunesse, Myri­cae – hum­bles arbustes ou tamaris –, en atten­dant mieux, et plus “haut” (paulo majo­ra…) si l’on ose dire, que la sim­ple mais si pré­cieuse élégie.

* Voir aus­si  chroniquesitaliennes.univ-paris3.fr

 

 

image_pdfimage_print
mm

Jean-Charles Vegliante

Né à Rome, Jean-Charles Veg­liante a enseigné à la Sor­bonne N.lle — Paris 3, où il dirige le Cen­tre Inter­dis­ci­plinaire de Recherche sur la Cul­ture des Echanges http://circe.univ-paris3.fr Tra­duc­teur de Dante (prix Halpérine-Kamin­sky 2008) et des baro­ques, il a pub­lié en 1977 une antholo­gie française de la poésie ital­i­enne de la fin du XXe siè­cle (Le Print­emps ital­ien, bilingue) et traduit Leop­ar­di, D’An­nun­zio, Pas­coli, Mon­tale, Sereni, For­ti­ni, Raboni, A. Rossel­li, M. Benedet­ti et d’autres poètes ital­iens. Il a édité les textes ita­lo-français de De Chiri­co, Ungaret­ti, A. Rossel­li, Mag­nel­li. Il est l’au­teur de D’écrire la tra­duc­tion, Paris, PSN, 1996, 2000. Sa poésie paraît en revue (Le nou­veau recueil, Le Bateau Fan­tôme, L’é­trangère, Almanac­co del­lo Spec­chio) et sur le net (Recours au Poème, for­maflu­ens, Le parole e le cose) ; par­mi les titres pub­liés en vol­ume : Rien com­mun (Belin), Nel lut­to del­la luce / Le deuil de lumière (trad. G. Raboni, bilingue Ein­au­di 2004), Itin­er­ario Nord (Vérone, 2008), Urban­ités (Paris, 2014), Où nul ne veut se tenir (Brux­elles, 2016). Il a édité une nou­velle ver­sion de Dante Alighieri (La Comédie, bilingue) dans la col­lec­tion Poésie chez Gal­li­mard.. En 2019, Jean-Chal­res Veg­liante pub­lie Son­nets du petit pays entraîné vers le nord et autres juras­siques (L’ate­lier du grand tétras).