En corps, l’écriture

 

 

« La lumière est celle du vent »
Jean Mal­rieu, Le plus pau­vre héritier

 

Pour abor­der la rela­tion entre la pein­ture d’Eugène Leroy et cer­taines démarch­es poé­tiques, on pour­rait penser qu’il faut s’attacher d’abord à traiter de tel ou tel poète explicite­ment cité par le pein­tre. Et en par­ti­c­uli­er Rim­baud, dont le nom revient sou­vent lorsqu’il est ques­tion du let­tré Leroy, du pro­fesseur de grec amoureux des Belles Lettres.

Nous ne le fer­ons pas ici car notre pro­pos essaie d’éclairer autant que pos­si­ble la voca­tion de cer­tains poèmes d’aujourd’hui à la lumière de la pein­ture sans con­ces­sion, nue et totale, d’Eugène Leroy. Pour nous, Rim­baud con­stituera donc un point de départ. Est-il évitable, d’ailleurs ? Chaque fois ou presque, lorsque l’on ose un regard cri­tique sur ces morceaux de vie que l’on nomme poèmes, inqui­et de leur util­ité ou de leur force, on cite son « Adieu », au terme d’Une Sai­son en enfer[i]. À l’été 1873, il sonne un échec : « J’ai essayé d’inventer de nou­velles fleurs, de nou­veaux astres, de nou­velles chairs, de nou­velles langues. J’ai cru acquérir des pou­voirs sur­na­turels. Eh bien ! je dois enter­rer mon imag­i­na­tion et mes sou­venirs ! ». Pour Rim­baud, un con­stat : l’entreprise poé­tique, à la regarder lucide­ment, n’est pas par­v­enue, mal­gré tous ses appro­fondisse­ments, à inven­ter les nou­veaux corps dont elle a rêvé. Les mots restent ce qu’ils sont : des sym­bol­es abstraits, à la let­tre : détachés du monde. La magie prêtée à leur manip­u­la­tion n’est qu’un leurre. Si Rim­baud s’est tu, s’il s’est détourné de la poésie, c’est qu’il a fini par être con­va­in­cu que le lan­gage, réduc­teur de tête civil­isé, émondait la fleur en tant que chair au point de n’en faire rien qu’une « hal­lu­ci­na­tion ». Et s’il a dit « Adieu » à tous ses poèmes, c’est pour saluer un monde libéré des illu­sions du lan­gage, « pos­séder la vérité dans une âme et un corps ». Ce corps qu’il ajoute au bout de son souf­fle dit la terre qui manque au monde-dit, lin­guis­tique­ment sen­ti, il con­tient toute la quête de l’artiste pour qui ensevelir, c’est redonner vie : il explique la con­ver­sion d’un homme qui n’a, en réal­ité,  jamais cessé de creuser son expéri­ence du monde. 

La poésie, bien sûr – mais pou­vons-nous en par­ler comme si elle était un genre ? – mal­gré cette aven­ture poignante et déci­sive, ne s’est pas arrêtée avec Rim­baud. Elle résiste aux des­tins indi­vidu­els comme aux cat­a­stro­phes col­lec­tives. Toute­fois, il ne faudrait pas se croire tirés à si bon compte de la part de vérité qui revient au poète de Charleville-Méz­ières. Nom­bre de poèmes puisent leur force et leur vie para­doxales de son aver­tisse­ment. La ver­tu que nous voudri­ons leur prêter, avant de par­courir l’œuvre intran­sigeante de Leroy, a une portée poli­tique : ils nous enseignent à nous méfi­er absol­u­ment de ce qui s’érige en dis­cours, élo­quence, argu­men­ta­tion pesant sur le monde, à nous méfi­er de toute forme d’élucubrations con­ceptuelles, à nous méfi­er des labels. Cette méfi­ance, qui n’est pas un rejet sys­té­ma­tique mais plutôt une sorte de doute méthodique, doit aus­si nous pré­par­er à la ren­con­tre avec Eugène Leroy, dont le tra­vail acharné et entêté ne s’est encom­bré d’aucun com­pro­mis. Il y a, dans ce doute rad­i­cal de la poésie à l’égard même des con­struc­tions lin­guis­tiques, de quoi nous ren­dre disponibles à la démarche du pein­tre de Wasque­hal qui, comme le dit Ludovic Deg­roote, refuse les « acces­soires de théâtre »[ii].

Il ne peut s’agir là, toute­fois, que d’un prélim­i­naire. Car Leroy fait toute con­fi­ance à sa matière, à cette huile qu’il applique, qu’il mélange, empâte par tas, traînées, couch­es plus ou moins longues, épaiss­es, étalées, sur la toile.  Sa pein­ture, Pierre Dhain­aut l’appelle le « creuset de la lumière »[iii]. Or, pour Leroy, « la lumière con­stru­it tout ». Et « tout », c’est un espace-temps vivant, un bloc cor­porel qui ne se détache pas du monde, con­traire­ment au mot sym­bol­ique, mais qui par­ticipe de sa chair, infin­i­ment relié aux autres corps du monde. Quels poèmes peu­vent pré­ten­dre, rompant suff­isam­ment avec l’abstraction du lan­gage, être plongés dans le corps même du monde, sim­ple­ment n’être qu’un mou­ve­ment de la matière ?

Puisque la pein­ture de Leroy ne représente pas mais rend présente, le poème qui lui répond doit avoir renon­cé à décrire. Renon­cer à faire des mots des signes de la réal­ité. Ce que nous pou­vons garder du silence de Rim­baud, peut-être, c’est le refus de l’empire dic­ta­to­r­i­al de ce qui se rassem­ble sous le nom de « sci­ences de la com­mu­ni­ca­tion » ou « sci­ences de la lit­téra­ture ». Ain­si nous affranchiri­ons-nous des icônes et des idol­es qui ne cessent de nous abêtir et de nous tuer. Qui, en tout cas, ne cessent de nous aveu­gler et de nous assour­dir au point d’exclure de plus en plus grave­ment l’art et l’humain de nos sociétés hyper­in­for­mées. C’est dire l’importance péd­a­gogique majeure d’une véri­ta­ble ren­con­tre avec Leroy et les poèmes qui font écho à sa pein­ture. Mais com­ment un texte, fait de mots, peut-il ren­dre présent un paysage sans le décrire, sans, d’un autre côté, som­br­er dans l’insensé ou le solip­sisme ? Com­ment situer un sens ailleurs que dans les règles formelles de la sig­ni­fi­ca­tion, en fait dans la matière même des corps du monde ?

Entre élan

                  vers le libre

Et retour

                vers l’abîme

Toute branche est brise

Et tout rameau rosée

Célébrant l’équili­bre de l’instant

                             au nom désor­mais fidèle

 

Arbre

 

            Pronon­cer « Arbre », pour François Cheng[iv], c’est bien autre chose qu’appeler une idée, cer­tains lin­guistes diraient : un sig­nifié. Cette asso­ci­a­tion intel­lectuelle existe, bien enten­du, et les ten­ta­tives pour dis­lo­quer le signe et se bat­tre con­tre lui peu­vent avoir une espèce de beauté dés­espérée. Mais pronon­cer cette syl­labe, avec vig­i­lance et bien­veil­lance, c’est laiss­er pass­er l’élan d’une ouver­ture, d’une voyelle vibrante d’énergie, puis la détach­er de soi comme une bulle qui se refer­merait en ses con­sonnes avant de pour­suiv­re sa route aéri­enne, ô com­bi­en frag­ile, dans cette réso­nance du « e » bien­tôt retournée au silence de « l’abîme ». Dans cette unique syl­labe, « arbre », la brise qui agite les branch­es de l’arbre présent ne cesse d’être présente, mod­ulée. Il en va de même de la présence mobile et trem­blante de Valen­tine, Anne­mie ou Mari­na dans le corps même de la pein­ture de Leroy. Ses couleurs sont le creuset d’une vraie lumière, d’une lumière qui nous inonde et qui passe en nous, la lumière de toute présence. Ce creuset ne réin­vente pas une autre lumière que celle de notre monde, il ne la représente ni ne l’abstrait. La pein­ture n’est pas ce lieu d’une créa­tion ex nihi­lo, elle est plus hum­ble que cela. Leroy, à l’instar de François Cheng « célébrant l’équilibre de l’instant », s’est affranchi de cette out­re­cuid­ance selon laque­lle l’art devrait vain­cre la mort et pré­ten­dre à l’éternité. La lumière et le son ne sont que mou­ve­ment, voy­age et pas­sage. Ils sont le corps sub­til de ce qui, indis­so­cia­ble­ment, vit et meurt, meurt et vit. Les sil­hou­ettes infin­i­ment nouées aux mou­ve­ments lumineux des couleurs ne s’imposent pas à notre vue ; elles ne demeurent pas vis­i­bles pour tous les points de vue. Elles sont infin­i­ment reliées à l’espace où se trou­ve notre corps, aux pas­sages des heures, des saisons, au vrai temps astronomique des corps célestes. Oscil­la­tions d’épiphanies (épipha­sis) et de résorp­tions (aphani­sis), pour­rions-nous dire avec Georges Didi-Huber­man[v].

            Ces pal­pi­ta­tions irrégulières du temps dont Leroy a tou­jours été le passeur, comme si ses super­po­si­tions d’huiles étaient le posi­tif d’une main s’efforçant d’être un négatif de plus en plus sen­si­ble, amène égale­ment la main du poète à libér­er son vers :

Entre élan

                vers le libre

Mer­veilleux regard, mer­veilleuse écoute, mer­veilleux tact, lorsqu’est perçue la con­jonc­tion totale de la branche et de la brise. Le vers libre laisse pass­er cette res­pi­ra­tion de l’air à tra­vers et autour de la branche, ce mou­ve­ment de la branche à tra­vers et autour de l’air. Comme la main du pein­tre qui s’évertue à ne pas faire écran au pas­sage des couleurs, celle du poète, loin de vouloir capter un paysage avec des mots, s’efforce au con­traire de laiss­er frémir les bruisse­ments de l’air par quoi le paysage apparaît.

 

                                    Toute branche est brise

 

                Mer­veilleux regard, mer­veilleuse écoute, mer­veilleux tact, lorsqu’est perçue la con­jonc­tion totale de la branche et de la brise. Le vers libre laisse pass­er cette res­pi­ra­tion de l’air à tra­vers et autour de la branche, ce mou­ve­ment de la branche à tra­vers et autour de l’air. Comme la main du pein­tre qui s’évertue à ne pas faire écran au pas­sage des couleurs, celle du poète, loin de vouloir capter un paysage avec des mots, s’efforce au con­traire de laiss­er frémir les bruisse­ments de l’air par quoi le paysage apparaît.

 

                                     Et tout rameau rosée

 

                Dans les cas les plus heureux, et ce Chant de François Cheng en est un exem­ple, le corps du monde suit une chaîne inin­ter­rompue de méta­mor­phoses. C’est non seule­ment le rameau qui est rosée mais aus­si, la gram­maire ne nous con­tred­it pas, tout qui est rameau qui est rosée… Et inti­t­uler un tel chant « L’Arbre en nous a par­lé », ce n’est pas vouloir dire, par plate métaphore, que nous entretenons une ressem­blance sym­bol­ique avec l’arbre. « L’Arbre en nous a par­lé » : ce n’est pas une fig­ure de style, comme l’on dit dans les class­es, ce n’est pas de la tech­nique lit­téraire. La stro­phe nous émeut, char­nelle­ment, parce que le poème per­pétue le souf­fle bien sen­si­ble de l’arbre-vent en une parole qui n’est que sa méta­mor­phose. Serait-il exces­sif de par­ler de réin­car­na­tion – de l’arbre-vent en arbre-parole ?

                Ain­si, de même que la pein­ture de Leroy parvient à ne plus être image pour n’être que corps, le poème réus­sit à s’extraire de l’emprise du lan­gage. Par le jeu de la seule sémi­o­tique, l’œuvre ne ray­onne pas dans le monde, n’entre pas en réso­nance avec lui. Par le jeu des signes, l’œuvre accole un autre monde, méta­physique ou métapsy­chologique, tour à tour angélique ou dia­bolique, mais tou­jours hal­lu­ci­na­toire. C’est un calem­bour. Pour ray­on­ner et réson­ner, l’œuvre n’a pas à pré­ten­dre tir­er de l’Être à par­tir de Rien, ni à sub­stituer ses images dig­i­tales à la terre. À l’aube des œuvres les plus libéra­tri­ces, celles qui nous changent le plus, rien de plus que l’expérience de l’union de cha­cun avec chaque autre (« Et tout rameau rosée »), la sen­sa­tion d’une fidél­ité du lan­gage incar­né avec les corps du monde. L’amour des corps retrou­vé. Celui tant recher­ché par Rim­baud et qui lui fait dire, dans « Aube » : « J’ai embrassé l’aube d’été ».

 

            La pein­ture de Leroy paraît épaisse et opaque, même dif­fi­cile écrit par­fois Jacques Bornibus, son ardent défenseur depuis le début[vi]. En effet, ni de volon­té ni de représen­ta­tion, les corps, ce qui fait que Rim­baud en appelle finale­ment à la terre, sont noirs, sourds, silen­cieux. Leur devenir sen­si­ble à tra­vers les chemins méta­mor­phiques de l’œuvre d’art ne nous touchera que si nous nous insur­geons con­tre notre cul­ture, si nous nous retournons. Pierre Dhain­aut ne cache pas que c’est une longue démarche qui per­met d’ôter ce qui obstrue le regard, bouchant le pas­sage d’un ray­on­nement pour­tant recueil­li au cœur même des corps.

 

                        Ce que nous appelons « silence », de nuit,

                        une voix s’y ressource avant de poindre.

 

            Il con­vient de se laiss­er envahir par la nuit, au plus pro­fond de l’obscurité, d’une cham­bre dit sou­vent Pierre Dhain­aut[vii], pour se ren­dre atten­tif au moin­dre tres­saille­ment des corps. Cette expéri­ence tac­tile à la faveur du noir total est tout aus­si fon­da­men­tale chez Leroy. Il n’y a que dans le noir que la voix se libèr­era des dis­cours et des abstrac­tions toutes faites qui la privent de son souffle :

 

                        À peine s’offre-t-elle aux pre­mières syllabes,

                        un souf­fle en émane, en aimante d’autres :

                        le corps pesait, le corps s’incarne en devenant parole.

 

            Au prix de cette ascèse, de cette plongée dans la phys­i­cal­ité inerte des corps qui, pour nous, s’apparente à la mort, l’aventure se fait : les mots s’incarnent et rejoignent la vie, la chair du monde. Dans un entre­tien, Leroy racon­te les moments passés devant le feu, s’exerçant à plonger son regard dans les flammes. Sac­ri­fice purifi­ca­teur pour brûler ce qui encom­bre notre œil, tous nos sens. Alors la nuit la plus noire con­fine à la révéla­tion la plus éclatante.

 

                        Nous ne deman­dons pas à qui elle appartient,

                        mais nous recon­nais­sons ces cris qui se changent

                        en mur­mures, déjà cette rumeur de houle

                        par­courant les rivages, élar­gis­sant les arbres :

 

            Le pein­tre tente de rester fidèle au vis­i­ble ; le poète tente de rester fidèle à l’audible, « cris », « mur­mures », « rumeur de houle », « arbres ». Or, par quel mir­a­cle les lois d’une gram­maire, régis­sant la phrase comme le dis­cours, seraient-elles a pri­ori sol­idaires de l’audible ? Selon toute prob­a­bil­ité, aucun. Et il y a plus : la voix, réori­en­tée par l’expérience de la nuit, parvient enfin à s’extraire de l’étroite gangue du « je » pour s’extérioser en un « nous ». Même pas un « tu ». Avec le « nous », la voix n’appartient plus à un sujet, la dichotomie sujet/objet tombe. Corps réelle­ment en présence, une pein­ture ou un poème ouvrent les corps les uns aux autres : l’ego n’a plus lieu d’être, il est enfin relégué au rang des brelo­ques qui nous rendaient si arti­fi­ciels, si illu­soires. Tout peut s’élargir :

 

                        Ce qu’elle cherche, com­ment le suivrons-nous,

                        pourquoi devri­ons-nous choisir entre le cœur

                        et l’horizon ? Jamais assez pro­fond l’espace

                        à tra­vers elle, ni assez généreux.

 

Si l’œuvre d’art ne doit ni s’imposer au monde, ni se surim­pos­er à lui (sous peine de créer des « arrière-mon­des »), elle lui ajoute de l’ampleur, un terme util­isé plus loin dans le poème. Elle remet en cir­cu­la­tion ces souf­fles et ces lumières que l’existence, trop sou­vent, nous apprend à arrêter ou à ne plus voir : la vie nous fige, les habi­tudes, les cer­ti­tudes, les men­songes aus­si nous récon­for­tent, se dur­cis­sent en un piètre silex avec lequel nous croyons avancer. Cette nou­velle étape, au con­traire, où toutes les dimen­sions (« les rivages » et « les arbres ») se met­tent à point­er vers l’infini dans la fini­tude même de leurs corps, syl­labes ou touch­es de pein­ture, elle n’est soutenue que par un élan : c’est l’amour.

 

                        La voix, qui renaît d’un poème, qui le révèle,

                        nous l’accueillons comme un enfant se lève

                        vers un vis­age aimé : elle ajoute au monde

                        le monde plus ample, le silence a pris forme,

                        il s’éclaire, il résonne, il a tout le temps de promettre

que rien ne tombe, ne retourne à la nuit

par­mi les mots que nous dis­ons avec le même élan,

celui de « mort » aus­si, pour con­sen­tir et nous ouvrir.

 

            Le « vis­age aimé », incar­na­tion d’une voix venue du plus pro­fond de la nuit, l’enfant, immé­di­ate­ment, se tourne vers lui à son appel. Il sus­cite aus­sitôt un élan, et lui offre tout par la seule ver­tu de la rela­tion d’amour. L’amour, la promesse : à cet appel répond la con­science que le seul mobile val­able d’une œuvre, c’est d’offrir la pos­si­bil­ité de se tran­scen­der, d’ajouter « plus ample » au monde. Pour ren­dre hom­mage à un défunt, le poème de Pierre Dhain­aut n’en regarde pas moins vers l’enfant : tou­jours il se voue à l’humain à venir plutôt qu’à la tra­di­tion ou aux pairs. Nous n’héritons pas du passé, sem­ble-t-il nous dire, mais de cet incon­nu qui nous tend ses joues, ses bras, si nous savons l’aimer[viii]. Dans la mesure où l’œuvre, en son ouver­ture aimante, con­sent à per­pétuer les méta­mor­phoses des corps, son exi­gence dépasse tous les mod­èles, qu’ils soient moraux ou esthé­tiques. Peut-être fau­dra-t-il y voir plutôt un souci éthique, unir les morts et les vivants dans une même présence, par l’œuvre d’art. À cet égard, le dia­logue avec Leroy, instau­ré ici par une lec­ture de poèmes, doit nous don­ner l’espoir, un jour prochain, de saluer « dans une âme et un corps », les ampli­tudes du monde.

Thomas Demoulin

 

Ce texte est né à l’invitation de Jean-Yves Penin, for­ma­teur à l’Institut de For­ma­tion Péd­a­gogique de Lille. Qu’il soit ici ami­cale­ment remer­cié pour la place qu’il a bien voulu accorder à ce dia­logue entre pein­ture et poésie.

 

 

 


[i] Voir, par exem­ple, la pré­face de Daniel Mar­tinez au n°61 de la revue Diérèse (« Affinités », été-automne 2013)

[ii] Ludovic Deg­roote, Eugène Leroy, Auto­por­trait noir (Inven­it, col. Ekphra­sis, 2010), p. 21 et 22

[iii] Pierre Dhain­aut, Au creuset des couleurs, paru dans le n°11 de la revue Thau­ma (« Couleurs, Lumière », oct. 2013). La cita­tion suiv­ante et l’importance du touch­er dans le rap­port entre Leroy et la pein­ture vien­nent de cet article.

[iv] François Cheng, extrait de Dou­ble chant (Encre marine, 1998, repris dans À l’orient de tout, Poésie/Gallimard 2005)

[v] Georges Didi-Huber­man, La Pein­ture incar­née (Minu­it, 1985). Dans sa lec­ture du Chef d’oeuvre incon­nu de Balzac, l’auteur mon­tre (volon­taire­ment ?) le haut niveau d’abstraction qui sous-tend la ten­ta­tive occi­den­tale mod­erne de fig­u­ra­tion. Mais il sem­ble tou­jours envis­ager comme un échec cette autre per­spec­tive, qui fait de la pein­ture un « chaos » et des « super­po­si­tions de couleurs », alors même qu’il sem­ble essen­tiel d’y voir une réus­site positive.

[vi] Jacques Bornibus, « De la lumière vraie dans de la couleur peinte » (1956), in Eugène Leroy Jacques Bornibus, une com­plic­ité (cat­a­logue d’exposition, Musée des Beaux-Arts de Tour­co­ing, 9 juin-12 sep­tem­bre 2004)

[vii] Pierre Dhain­aut, Poème du jour, n°80, Ate­lier de l’agneau (2012). Cet hom­mage à Lau­rent Terzi­eff ouvre son auto­bi­ogra­phie cri­tique : La Parole qui vient en nos paroles (Édi­tions L’Herbe qui trem­ble, 2013).

[viii] Ici, Pierre Dhain­aut rejoint Yves Bon­nefoy, « l’un des très rares poètes » à se préoc­cu­per d’une « nou­velle paideia ». Les con­séquences sur l’enseignement de la poésie sont dévelop­pées dans « Oui, par l’enfant » et pour l’enfant : Yves Bon­nefoy et l’enseignement de la poésie. Op. cit. Déca­pant et salutaire.

 

 

                        

 

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Thomas Demoulin

Thomas Demoulin, né en 1980 près de Paris, vit et tra­vaille à Lille depuis 2007. L’écriture de poèmes est insé­para­ble d’amitiés pas­sion­nées et d’échanges avec des per­son­nal­ités intel­lectuelles et artis­tiques aux tra­jec­toires divers­es. L’autre : l’écriture n’en serait que la perpétuation…