Le poème est un souf­fle de lan­gage, une parole franche où s’éd­i­fie la rela­tion du monde et de l’humain.
         Le poète n’est ni un expert de la langue ni un maître de la cul­ture. Ce n’est qu’un chas­seur de papil­lons au filet troué, et encore. C’est juste une résis­tance offerte au mael­ström du lan­gage. C’est tout.
         Celui qui se pos­sède ne pos­sède rien.

 

        Cette absence d’empire est la con­di­tion de toute réforme pro­fonde de l’être.
        Elle est incom­pat­i­ble avec les organ­i­sa­tions poli­tiques et économiques factuelles. Elle crée, au sein des sys­tèmes matériels et idéologiques col­lec­tifs, les fer­ments de toute trans­for­ma­tion, donc de la pour­suite de l’histoire.
        Les poèmes ne pro­posent aucune ori­en­ta­tion à ces mou­ve­ments : ils n’ex­pri­ment que l’ac­cueil de l’in­con­nu, de l’autre.
        Ils se dis­tinguent à cet égard rad­i­cale­ment des dis­cours prophé­tiques ou futurologiques.
        Le poème en est la néga­tion par sa seule présence. Il ne man­i­feste rien : son exis­tence est causa sui.
        Le poème est une entité spir­ituelle où l’hu­main ne se quitte pas : dans un poème l’hu­main se con­solide et s’af­firme comme infinité de liens avec l’Autre.
        Les mys­tiques ont tou­jours dit : l’u­nivers à l’in­térieur de soi.

 

         Le poème est écrit avec des mots de tout le monde pour tout le monde. Si son expéri­ence ne se com­mu­nique pas à autrui, il s’est coupé du monde.
        En se coupant du monde, il n’y a que la van­ité du moi.
        Le poème n’im­plique ni le juge­ment ni la cri­tique : seule­ment la révolution.
        Le poème n’im­plique ni la lit­téra­ture ni le départe­ment des Let­tres. Il implique seule­ment de chang­er ses actes.
        Le poème est dépos­sédé du pou­voir mais pas d’efficacité.

 

         La dis­tance entre le poème et l’in­di­vidu : le pou­voir érigé sur l’in­con­sis­tance et l’isole­ment de l’in­di­vidu, évide­ment de l’hu­main. Rap­proche­ment du poème et de l’in­di­vidu : reprise en mains de soi par soi, édi­fi­ca­tion d’une majorité lumineuse, fra­ter­nité réelle avec autrui, l’hu­main cultivé.
        Où le poème est accueil­li : sur la porte d’un cor­don­nier, dans une cham­bre d’hôpi­tal, dans l’or­eille d’un enfant, dans la bouche d’un amoureux, dans une cui­sine… n’im­porte où, par quiconque, jamais là où il est asservi à une force.
        Où, avec les actes, il est la seule parole.

 

         Il dit que l’hu­man­ité brûle, se révulse, con­vulse et se soulève. Comme l’ou­vri­er du temps jadis, il dit aus­si : “À bien­tôt j’e­spère”. 

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Thomas Demoulin

Thomas Demoulin, né en 1980 près de Paris, vit et tra­vaille à Lille depuis 2007. L’écriture de poèmes est insé­para­ble d’amitiés pas­sion­nées et d’échanges avec des per­son­nal­ités intel­lectuelles et artis­tiques aux tra­jec­toires divers­es. L’autre : l’écriture n’en serait que la perpétuation…