Tu as recueilli dans le creux de mes paumes l’eau jaillissante
Tu as marché les milles avec ma détermination
Tu as été à l’affût des premiers bruits de la nuit avec mes oreilles
Tu as fait le travail avec mes mains endolories et mes pieds trébuchants
Tu as dit les mots avec mes lèvres et ma langue
Tu as bu avec mes gorgées de soif
Tu t’es précipité sur la pente boisée avec mes jambes et mes poumons
Au sommet tu as ressenti le vent froid sur ma peau
Tu as compté tes respirations avec mon attention
Goulûment tu as goûté à travers mon nez
et ma bouche les senteurs de fleurs et d’enfants
Tu as poussé mon souffle avec mon ventre jusque dans ton cri
Tu as démarché pour des signatures avec ma persuasivité
Tu as fait du stop sur le chemin de la manifestation avec mon pouce
Avec mes politiques tu as étudié les foules et les orateurs
ensuite tu as marché les long de réelles avenues avec mes questions en tête
Tu as avancé les images dans ma pensée
Tu as battu le sang dans mon corps avec mon cœur
Tu as usé de mes yeux pour voir la belle nudité de la femme
Tu es entré dans le beau cunnan de la femme avec mon dictare
Tu as soulevé le deuil rouge et lourd et l’as porté dans mes bras
Tu as éprouvé ma douleur alors que les blessures de poignard guérissaient
Tu as tâté mon brouillard mental pour trouver le mot nécessaire
Tu as perdu le fil de ma pensée
Tu as pris ce que tu voulais avec mon appétit
Tu as déchiré et mâché viande et colère avec mes dents
Tu as avalé fort avec ma gorge
Tu as utilisé mes boyaux pour éjecter la merde
À toi, il t’est arrivé des choses dans mes rêves
Tu as enfiévré la chaleur de mes désirs et mes frayeurs
Avec ma musicalité tu as joué du piano
Tu as écrit les pages de ma main droite
Avec comme excuse ma fatigue tu as arrêté de créer
Tu as trouvé difficile d’éviter l’ambiguïté
d’une constatation qui permet une interprétation plus aisée
Tu as eu de la difficulté à rectifier le passage
afin uniquement de permettre l’interprétation difficile
qui est singulier, élusif et au moins quelque peu perdurable
Tu n’étais ni un dieu ni un esprit mais c’est par moi que tu es arrivé
Tu n’étais pas moi but tu n’arrivais que par moi
extrait de
It’s Time (Il est temps)
—Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2002
Traduction : Nathanaël