Les amoureux de l’intimité poé­tique trou­veront sans aucun doute de quoi se sat­is­faire avec ce nou­veau recueil d’Isabelle Lévesque où le lecteur entre de plain-pied dans une atmo­sphère hiver­nale, intro­spec­tive, prop­ice à une con­fi­dence faite à soi-même. 

Celle-ci fait écho à une absence qui par­le au silence, une sorte de fan­tôme amoureux qui par­court le blanc de la neige et de la page. C’est une invi­ta­tion au partage d’un temps qui s’inscrit dans un autre temps que le nôtre. Une ode au mys­tère ardent des âmes et du sen­ti­ment. Une empathie pour la vie qui pal­pite, retirée de la con­fu­sion du monde. S’ouvre alors un dia­logue intérieur en équili­bre entre le sou­venir et l’instant présent, voué au poème et à l’indicible, à la dis­so­lu­tion d’une réal­ité dans une autre, beau­coup plus vaste. Un champ où nous sommes sur la ligne fatale, dans une étrange volup­té, celle du manque et du peut-être, et où, À chaque pas, nous risquons / — red­outable aveu — / l’effacement. En d’autres ter­mes, Isabelle Lévesque évolue sur la ligne de partage du temps où, d’un côté, on se retourne pour regarder en arrière, et de l’autre, où l’on fait face à l’inéluctable qui vient, qui est déjà là, peut-être, dans les blancheurs vierges de la page, celle-là même qui ne sera pas écrite. Il faut bien vivre, pour­tant, par­tir à la ren­con­tre des signes qui attes­tent de notre exis­tence et se dérobent, jusqu’à en découdre avec la pierre et la fleur som­bre / du print­emps per­du. Jusqu’au moment de Ren­dre au ciel ce qui fut noir et qui hante le présent. 

Isabelle Lévesque, En découdre, cou­ver­ture et fron­tispice de Fab­rice Rebey­rolle, édi­tions L’Herbe qui trem­ble, 2021, 68p, 14€.

Sans fausse pudeur, Isabelle Lévesque évoque les ardeurs enfuies avec ces audaces de formes très recon­naiss­ables dont elle a le secret, une lib­erté de syn­taxe et de rythme qu’elle revendique de recueil en recueil : C’est le vent nos ser­ments, / le drap nuage / ailleurs. Amoureuse de ce qui se perd et se retrou­ve, au détour des heures neigeuses de l’hiver où, même s’Il manque un signe au ciel et que Chaque nuit chaque rêve / red­outent les let­tres effacées, Isabelle Lévesque fait con­fi­ance à la lumière secrète du sol­stice de la vie.  Sans doute pour que Cesse le temps et que le poème annonce à jamais un nou­veau monde.

 

Présentation de l’auteur

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Christophe Mahy

Christophe Mahy est né en 1970 à Charleville-Méz­ières. Il réside actuelle­ment en Touraine, dans le départe­ment du Loir-et-Cher. C’est en 2001 qu’il intè­gre la revue Les Amis de La Grive (lit­téra­ture générale con­tem­po­raine) où il côtoie, entre autres, des auteurs tels que Franz Bartelt, Guy Gof­fette, Alain Bertrand, Alain Dan­tinne, Lam­bert Schlechter, Bertrand Degott et surtout Jean-Claude Pirotte, qui lui fait con­naître l’association des Amis d’André Dhô­tel et la revue La Route incon­nue. Pen­dant plusieurs années, il donne des poèmes, des arti­cles, des chroniques et des notes de lec­ture à ces deux revues puis il col­la­bore à Diérèse (poésie con­tem­po­raine) pour laque­lle il tient le rôle de chroniqueur réguli­er entre 2012 et 2014. Il noue des rela­tions avec plusieurs poètes au sein des édi­tions L’Arbre à Paroles et est invité en 2011 au Fes­ti­val Inter­na­tion­al de Poésie de Namur (Bel­gique). Son tra­vail d’écriture se con­sacre en pri­or­ité à la poésie libre ou en prose, mais aus­si au réc­it, à la chronique, la fic­tion et au spec­ta­cle vivant. Il a pub­lié à ce jour une trentaine d’ouvrages chez divers édi­teurs indépen­dants ou régionaux. Il est égale­ment l’auteur de plusieurs livres d’artistes, en tirages lim­ités ou hors com­merce, de pré­faces et de notices. Il est le lau­réat du prix du poème en prose Louis Guil­laume 2018 pour Paysages du vent, aux édi­tions Noires Terres.