Pensées (After Yves Klein)

Par | 26 août 2014|Catégories : Blog|

 

tr. Nathanaël

 

La pièce vide
s’est remplie
de né-
ant

*

Corps pinceaux,
absence peinture,
le vrai médium
du désir.

*

Saut dans
le vide:
transcend-
ance.

*

Plus que le disque chroma-
tique de la nature, ou
de l’imagination ou
de l’âme: bleu Klein
international

*

Les bleus
de la toile
sont le message.

*

Le feu grille l’écran
de lin. La chair
répond par son
image rémanente.

*

Dans ce champ ultra-
marine même l’espace
négatif luit.

*

Un envol
au-delà de la paroi
nulle part.

*

Mono­chrome:
une couleur,
infinité.

*

Monot­o­ne:
un accord, puis silence:
une symphonie.

*

Je signe le ciel
J’assigne au ciel
un sens nouveau.

*

Lapis-lazuli dans la résine
Rhodopas: le pig­ment scélé contient
l’authenticité pure de l’idée

*

1001 bal­lons bleu
l’air parisien
au-dessus du Clert

*

Tous les murs, planchers,
pla­fond blanc;
le plac­ard blanc aussi,
vide comme Le Néant

*

Sur le toit
la toile enregistre
la poésie du jour

*

Ces jeunes brosses
vivantes, jeunes, femelles,
traînées et roulées, que
dis­simu­lent, révèlent-elles?

*

À l’or
Un vide attend.
Une pièce, une idée, du temps.

*

Anthro­pométrie:
dans la violence
de l’acte le fait
de la peinture.

*

À la Seine, brûle
le cer­ti­fi­cat, jette
la moitié de l’or: l’ordre,
naturel, ou pas
restauré.

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Pensées (After Yves Klein)

Par | 26 août 2014|Catégories : Essais|

ARRAISONNER LE VIDE

 

D’après le jour­nal d’Yves Klein, le Saut dans le vide aurait (aus­si) eu comme titre: “Un homme dans l’espace! Le pein­tre de l’espace se jette dans le vide!” (1960). Il aurait fal­lu s’attarder davan­tage sur le dédou­ble­ment de l’espace, mais aus­si et surtout sur l’écart entre le vide français et le void anglais ; ce que l’un ou l’autre mot sont inca­pables de tenir, de retenir, ou d’évacuer. Car ce qui est pro­posé, ici, par John Keene, dans ces pen­sées con­cis­es, risque de s’écrouler au moment d’être redirigé sur le français (un français dont elles sont, à con­tre­points, issues…). Les poèmes sont placés d’emblée sous le signe intraitable de la tra­duc­tion; une façon de leur con­tester une orig­ine, mais aus­si de les pronon­cer : intraduis­i­bles. Intraduis­i­bles, les glisse­ments, par exem­ple, entre le blanc (white) et le blanc (blank), ou entre le vide (empti­ness) et le vide (void), mal­gré les accords for­tu­its révélés par les rap­ports toit-toile ou or-ordre dans leur nou­v­el agence­ment. Alors l’oreille (l’œil aus­si) est som­mée de se prêter autrement à une lec­ture inso­lite où il s’agit de dis­cern­er l’écho du vide qu’il se recon­naît, c’est-à-dire de recon­naître en lui le tra­vail de dou­blage qui est à l’instar de sa dérive. Le jet du corps, son aban­don à la grav­ité du poème, appelle de suc­ces­sives évac­u­a­tions. Le ciel ici assigné fait réson­ner el salto de Pizarnik et l’ascolto d’Ungaretti, deux poètes de l’espace con­traint au sol, et dont le mou­ve­ment agencé arrive avec dif­fi­culté, que ce soit en anglais ou en français, pré­cisé­ment à cause des dif­fi­cultés dues à l’espace occupé par le poème. Nous sommes face à une épreuve : l’épreuve du bleu (de l’hématome) dont l’art est fait, est l’artefact, livide. 

Nathanaël

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