Le poète, face au poème face au monde ; le poète qui regarde, observe, cherche où est sa place, entre le poème et le monde.

Quête qui le happe au matin, quand le réveil du corps est le début du som­meil de l’être. “Chaque jour l’aube est là / mortelle ou féconde / ciel brisé / sur la page / où je m’en­fuis // de moi.”

Quête où les mots ne bril­lent pas vrai­ment, réelle­ment, mais éclairent cette part d’ab­sence de lumière, de cette ombre de soi avalant tout, tous. “De ces rayons / qui passent / la vit­re pâle / je tire quelques mots / dont la lumière // n’est qu’une ombre.”

Et la vie qui existe, son rythme alen­tour, fréné­tique, comme un trem­ble­ment de taire… quelque chose voudrait être dit, mais se perd dans le flou du vivre. “Sous la rumeur / des pen­sées et du monde / que le poème / par­le ou se taise / je cherche encore / ce grand silence // ici présent.”

Le jour se répète… refrain ou itéra­tion, mélodie du vide ou chant du plein ? Ou plus sim­ple­ment, l’év­i­dence du temps ?… aus­si impor­tante qu’inu­tile. “Encore une aube / qui nous par­le du monde / tel qu’il est / et qui n’est rien / de ce qu’on en pense / ni splen­deur ni abîme // mais sim­ple­ment cela. ”

Le poète qui, per­du, ou pas loin, con­fond lui-même avec le poème, le poème avec le réel, le réel avec le rêve. “Ne sachant / qui je suis / je peux être rocher / divisant les flots / ou nuage reflé­tant / l’oiseau / je peux même // être poème ou pas.

Car, au fond, le poème n’est qu’un des surnoms du jour, pas son prénom, encore moins son nom. Il ne désigne qu’un pas­sage, un souf­fle. On peut, en res­pi­rant l’év­i­dence du temps, de la nature, de l’homme, s’en pass­er, sans qu’un drame per­siste, celui du manque indi­ci­ble qu’on voudrait écrire, sans trop savoir pourquoi.“Sous le ciel / l’herbe des talus / mon pas sur les routes / au hasard / de moi-même / alors / oubliés les livres / pour ne rien savoir d’autre // que vivre suf­fit pour vivre.”

Et le poète de con­clure que le poème est en soi, qu’il soit écrit ou pas. Comme l’homme est en l’hu­man­ité, en la nature, qu’il en soit con­scient ou non. Est libre, alors, celui accep­tant cet enfer­me­ment de l’ap­par­te­nance au Tout, cette soli­tude du Rien n’ex­is­tant pas vrai­ment. “La mer au matin / se retire / de la fenêtre / et me laisse seul / regarder / par­tir ma vie / sur les chemins / libre enfin / des autres / et de moi-même.”

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Vincent Motard-Avargues

Vin­cent Motard-Avar­gues, né le 15 juin 1975, à Bor­deaux ; pho­tographe & musi­cien, a pub­lié quelques livres. Poésie : — “Car­nets d’un plongeur sec”, édi­tions Gros Textes, 2019 — “La chair de la pierre”, édi­tions Incli­nai­son, 2018 — “(im)permanence”, édi­tions Encres Vives, 2015 — “Je de l’Ego”, édi­tions du Cygne, 2015 — “Recul du trait de côte”, édi­tions de la Crypte, 2014 — “À ce qui est de ce qui n’a”, édi­tions Encres Vives, 2013 — “Leurs mains gan­tées de ciels”, édi­tions Encres Vives, 2012 — “Le vil­lage retrou­vé”, édi­tions Encres Vives, 2012 — “Si peu, tout”, Éclats d’en­cre édi­teur, 2012 — “l’Al­pha est l’Omé­ga”, ‑36° édi­tions, 2011 — “Un écho de nuit”, édi­tions du Cygne, 2011 Pho­to : — “Radi­celles”, duo poèmes/ pho­tos avec Murièle Mod­é­ly, édi­tions Tar­mac, 2019 — cou­ver­ture du livre « Je te vois », de Murièle Mod­é­ly, édi­tons du Cygne, 2017”