Jean-François Mathé, Vu, vécu, approuvé

Par |2020-02-25T10:45:13+01:00 26 février 2020|Catégories : Jean-François Mathé|

Vu, vécu, approu­vé. Un titre avec un point final, un titre en forme de cachet attes­tant de l’authenticité de son con­tenu, un tes­ta­ment poé­tique offi­ciel. L’ouvrage, de belle fac­ture, est élé­gant, et l’illustration sur la pre­mière de cou­ver­ture intro­duit admirable­ment la voix de Jean-François Mathé. Les textes sont ver­si­fiés à l’ex­cep­tion des trois derniers qui sem­blent traduire une libéra­tion, un élar­gisse­ment du souf­fle du poète.

C’est un livre de silence et d’om­bre dans la lignée des précé­dents : on y retrou­ve une écri­t­ure vraie, con­cise, intense, qui per­cute sans jamais agress­er. Tout y est trans­parence, incer­ti­tude et mou­vance. Un livre intimiste écrit en bor­dure de la vie, dans lequel l’auteur se dévoile autant à tra­vers le silence et le blanc de la page qu’à tra­vers les mots eux-mêmes et c’est de cette maîtrise des sen­ti­ments que sur­git la vio­lence de l’émotion.

Vu, vécu, approu­vé. nous par­le du passé, (sans regrets — les bons moments restent dans la mémoire avec le bon­heur de les avoir vécus) mais aus­si de l’in­quié­tude, du vide, de l’in­sta­bil­ité, de la pré­car­ité des êtres et des choses, de la dif­fi­culté de vivre quand « l’avenir est refusé ». C’est un livre de con­trastes : empli de nuit, on y voit fil­tr­er la lumière ; les espaces clos s’entrouvrent, la mort – tan­tôt présente, tan­tôt sug­gérée – y fait place à la vie. Car dans ce cri mur­muré, c’est au lecteur d’apporter la lumière aux mots d’ombre du poète.

 

Jean-François Mathé, Vu, vécu, approu­vé, Édi­tions Le silence qui roule, 2019, 48 pages, 12 €.

Les mots, sou­vent, sont des yeux fermés
qui regar­dent la nuit en eux. 

 Nuit ou en secret leur vient
le ciel clair qu’ils ont à offrir
quand ils seront des yeux ouverts 
par ceux qui les lisent. 

 

Un livre sur le courage de vivre et le désir d’une renais­sance dont l’expression poé­tique témoigne d’un rap­port fusion­nel avec la nature.

 

Per­du en forêt profonde
tu t’ar­rêtes un instant pour attendre
un peu de ciel clair
tombé du chant de l’oiseau le plus haut perché.

 Cela suf­fi­ra à éclair­er le chemin
et à te pro­téger des gifles d’om­bre des feuilles,

 jusqu’à la clairière
que tu veux atteindre
en forêt comme en toi.

 

Les mots de la poésie ten­tent de retenir ce qui a été vécu, c’est pourquoi ce livre nous par­le aus­si d’amour et d’ami­tié, de sen­ti­ments qui se déli­tent et, s’il s’ou­vre sur l’im­age d’un repli (le fruit de la vie réduit à son seul noy­au, un enfer­me­ment qui pour­rait démon­tr­er égale­ment le désir de se recen­tr­er sur le fon­da­men­tal), il s’achève, après un chem­ine­ment qua­si ini­ti­a­tique, sur une vaste respiration :

 

            Tu es le pris­on­nier évadé qui regarde et respire l’étendue du ciel. 

            Feras-tu le pre­mier pas sur le chemin élar­gi par le vent ? Iras-tu enfin ailleurs qu’en toi-même, pour choisir dans le plus loin­tain verg­er le fruit qui aura le goût nou­veau d’une nou­velle vie ?

 

Ouver­ture de l’hori­zon, l’huile sur toile de Marie Alloy entre en par­faite réson­nance avec ce recueil fait de grav­ité et d’ardente douceur. De prime abord, c’est la couleur qui domine : des nuances d’ocre rouge et des gris bleutés, dans un juste équili­bre d’ombre et la lumière. Puis se détachent des formes et des reflets, des sil­hou­ettes d’arbres appa­rais­sent, fine­ment esquis­sées dans l’incandescence de la toile.

Un livre que j’ai « lu », « vécu » et que la lec­trice que je suis ne peut qu’« approuver » !

 

 

Présentation de l’auteur

Jean-François Mathé

Né en 1950, il a été pro­fesseur agrégé de let­tres en lycée. L’essentiel de sa bib­li­ogra­phie poé­tique est con­sti­tué de 15 recueils parus et d’un à paraître aux édi­tions Rougerie dont cer­tains ont reçu divers prix (Prix Antonin Artaud en 1988, Prix du livre en Poitou-Char­entes en 1999, Prix Kowal­s­ki de la ville de Lyon en 2002). Con­tri­bu­tions à de nom­breuses revues, poèmes traduits en espag­nol, alle­mand, tchèque. Mem­bre du comité de la revue Frich­es. Il a reçu en 2013 le Grand Prix Inter­na­tion­al de Poésie Guille­vic-Ville de Saint-Malo pour l’ensemble de son œuvre. Il vit dans un vil­lage du Poitou.

© Crédits pho­tos (sup­primer si inutile)

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Irène Duboeuf

Irène Duboeuf, née à Saint-Eti­enne, vit depuis 2022 dans la Drôme, près de Valence. Elle est l’auteure des recueils Le pas de l’ombre, Encres vives, 2008, La trace silen­cieuse, Voix d’encre, 2010 (prix Marie Noël, Georges Riguet et Amélie Murat 2011), Trip­tyque de l’aube, Voix d’encre, 2013 (Grand prix de poésie de la ville de Béziers), Roma, Encres vives, 2015, Cen­dre lis­sée de vent, Unic­ité, 2017 (final­iste du prix des Trou­vères), Bor­ds de Loire, livre pau­vre col­lec­tion Daniel Leuw­ers 2019, Efface­ment des seuils, Unic­ité, 2019, Vol­can, livre pau­vre col­lec­tion Daniel Leuw­ers, 2019, Un rivage qui embrase le jour, édi­tions du Cygne, 2021, Pal­pa­ble en un bais­er, édi­tions du Cygne, 2023. En tant que tra­duc­trice, elle a pub­lié Neige pen­sée, d’Amedeo Anel­li, Libre­ria Ticinum edi­tore, 2020, L’Alphabet du monde d’Amedeo Anel­li, Édi­tion du Cygne, 2020, Kranken­haus suivi de Car­net hol­landais et autres inédits, de Lui­gi Carotenu­to, Édi­tions du Cygne 2021, Hiver­nales et autres tem­péra­tures, d’Amedeo Anel­li, bilingue italien/français, Libre­ria Ticinum Edi­tore, 2022, Quatuors, d’Amedeo Anel­li, Libre­ria Ticinum Edi­tore, 2023, Des voix entourées de silence, Le Cygne, 2023. Ses tra­duc­tions de sept autres poètes ital­iens sont parues dans Babel, sta­ti di alter­azione, antholo­gie mul­ti­lingue d’Enzo Campi, Bertoni Edi­tore, 2022. Ses pro­pres poèmes sont traduits en ital­ien, espag­nol, arabe et chi­nois clas­sique. Site de l’auteure : https://irene-duboeuf.jimdofree.com
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