L’EGYPTE : CE QU’ON EN SAIT OU QU’ON EN IMAGINE.

 

Pla­ton ou Hérodote nous le dis­aient déjà : dès les anciens grecs, on se récla­mait de la sagesse égyp­ti­enne, qui sem­blait à tous un mod­èle — et l’origine de toute piété.

Ce qui, para­doxale­ment, s’est encore accen­tué avec l’ « Egypte gré­co-romaine », c’est-à-dire l’Egypte héritée des Ptolémée après la vic­toire du futur Auguste sur Cléopâtre et Marc-Antoine, cette Egypte d’Alexandrie où, le père Fes­tugière l’avait bien mon­tré, se sont mélangées l’alchimie nais­sante, l’astrologie, les philoso­phies pythagorici­enne et néo­pla­toni­ci­enne, la gnose, le pan­théisme antique — et par­fois le chris­tian­isme (n’est-ce pas, Origène ?) — le tout sous l’invocation rit­uelle des Dieux du Haut et du Bas pays, qui fai­saient ain­si leur « retour ». Il suf­fit de lire Plu­tar­que (et son De Iside et Osiri­de), ou Apulée et son Ane d’or, pour s’en ren­dre compte. Mais atten­tion ! Flo­rence Quentin l’avait mis en lumière dans son bel essai : Isis l’éternelle / biogra­phie d’un mythe féminin (1), cela ne s’était pro­duit qu’au prix d’une trahi­son où le féminin, orig­inelle­ment du côté solaire, avait bas­culé vers le lunaire que pou­vait seul accepter le « machisme » dom­i­nant aus­si bien à Rome que dans la vieille Grèce.

Ce qui, avouons-le, n’a pu nuire à la fas­ci­na­tion de l’Egypte que l’Occident a ressen­tie dès la Renais­sance, à la suite de Mar­sile Ficin dans la Flo­rence des Médi­cis. C’est d’abord le texte qu’écrit le jésuite Athanase Kircher sur l’Oedi­pus Aegyp­ti­a­cus, puis le tarot div­ina­toire rap­porté aux divinités des Deux ter­res par Court de Gébe­lin dans le VIII° vol­ume de son grand essai sur Le monde prim­i­tif, l’opéra de Mozart La Flûte enchan­tée, les « fan­taisies » des ésotéristes de toutes sortes,  et en par­ti­c­uli­er, en ce temps-là, de nom­bre de francs-maçons — jusqu’à Kant qui prend la fig­ure d’Isis en exem­ple pour faire enten­dre ce que, dans sa Cri­tique de la fac­ulté de juger, il appelle encore le sublime…

Car l’Egypte, n’en dou­tons pas, est à l’origine de bien des poèmes ou de la poésie mod­erne, sous quelque forme qu’elle soit : il suf­fit de se rap­pel­er à ce sujet cer­tains des son­nets des Chimères de Gérard de Ner­val — sans même inter­roger les Filles du feu ou le début de Sylvie — ou le chapitre, qui a inspiré tant de nos écrivains, d’ Hen­ri d’Ofterdingen sur « Les dis­ci­ples à Saïs ».

De la même manière que, à la suite de la cam­pagne menée par Bona­parte et du pre­mier déchiffre­ment des hiéro­glyphes par Cham­pol­lion, l’égyptologie est dev­enue une véri­ta­ble sci­ence, et la con­nais­sance du pays est entrée dans le cadre de ce que l’on nomme les « sci­ences humaines ».

Or, c’est pré­cisé­ment à ces deux sources qu’il développe par­al­lèle­ment, que s’intéresse d’emblée le livre qui vient de paraître chez Bouquins/Laffont, dirigé, pen­sé et orchestré par la même Flo­rence Quentin à qui j’ai déjà fait allu­sion — un livre dont le sous-titre qui lui a été longtemps affec­té était en lui-même très par­lant : « Savoirs et imaginaires ».

De la plus anci­enne Egypte, et de ses com­plex­es théolo­gies,  comme en traite Jan Ass­mann en inver­sant le titre qui lui avait été soumis, et en en faisant un «  Imag­i­naires et savoirs », jusqu’à l’Egypte la plus actuelle, com­bi­en nous en apprenons en effet !

De la même façon que nous pou­vons nous ren­seign­er sur ce « rêve égyp­tien » qui a tant fasciné notre cul­ture après la civil­i­sa­tion hél­lénis­tique et celle de la Rome con­quérante du monde, de Néron jusqu’à Hadrien, et qui se trou­ve à la source de tant de nos inspi­ra­tions et de tant d’écrits que nous pou­vons encore goûter aujourd’hui !

Oui, comme un dou­ble chemin ain­si tracé, et qui nous invite d’autant plus à recourir à la sci­ence la plus rigoureuse pour ali­menter nos imag­i­na­tions les plus profondes…

Bref, on l’aura com­pris, un livre que je recom­mande à tout le monde  pour en tir­er tout le suc, et nous inter­roger sur cette fas­ci­na­tion plus que mil­lé­naire que cet étrange pays exerce sur nous !

 

 (1)Florence Quentin, Isis l’éternelle / Biogra­phie d’un mythe féminin, Ed. Albin Michel, paru­tion en 2012, 256 pages, 19€. 

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Michel Cazenave

Ecrivain (plus de 50 livres parus, et plus de 400 arti­cles divers), ancien pro­duc­teur de l’émis­sion “Les Vivants et les dieux” à France Cul­ture, Michel Cazenave est un amoureux impéni­tent — dans la mesure où la femme aimée lui paraît être l’in­car­na­tion de ce qu’il appelle “La Face fémi­nine de Dieu”. C’est ain­si qu’il a pub­lié nom­bre de livres de poésie depuis la dis­pari­tion de celle qu’il a aimée toute sa vie, et que la poésie est claire­ment ce qui lui “par­le” le plus aujourd’hui.

En 2014, Michel Cazenave a pub­lié Le Bel amour, une antholo­gie de sa poésie, chez Recours au Poème éditeurs.

voir :

http://www.michelcazenave.fr/

 

ŒUVRE POETIQUE

 

Frag­ments de la Sophia, Ima­go, 1981

Frag­ments d’un hymne, Arfuyen, 1998.

La Grande Quête, Arma Artis, 2003.

Pénin­sule de la femme, Arma Artis, 2005.

Chants de la Déesse, suiv­is de Glos­es, Arbres et Fan­tasies,  Le Nou­v­el Athanor, 2005.

Dédi­cace à l’ab­sente, suivi de Paris-Néon, sous le titre général  “Michel Cazenave”, Le Nou­v­el Athanor, 2007.

Pri­mav­era, Arma Artis, 2007.

Pri­mav­era viva, Arma Artis, 2007.

L’Avis poé­tique (1958 – 2006), Arma Artis, 2008.

La Nais­sance de l’au­rore, Rafael de Sur­tis, 2008.

L’Œu­vre d’or, suivi de La Ver­doy­ante, Rafael de Sur­tis, 2008.

Pri­mav­era nova, Arma Artis, 2008.

Melan­cho­lia, suivi de Parole et silence, Rafael de Sur­tis, 2009.

Le Pas de la colombe, Encres vives, 2012..