Je me sou­ve­nais d’avoir étudié Vir­gile en long et en large lorsque je fai­sais mes études — de la 6° à la khâgne à l’époque — et comme je me rap­pelais cet ennui que nous y avions tous éprou­vé, surtout pour les com­po­si­tions de réc­i­ta­tion latine !

Or, voici que Vir­gile nous est ren­du aujourd’hui, dans de nou­velles ver­sions, ou pour le moins, dans une ver­sion revue et corrigée.

Je ne par­lerai même pas de L’Enéide, dont je per­siste à penser que ce n’est rien d’autre qu’une pâle imi­ta­tion d’Homère. Et comme le sou­venir reste présent de ces pre­miers vers que nous nous effor­cions d’ânonner :

« Arma virumque cano, Tro­jae qui primus ab oris
Ital­iam fato profu­gus Lavini­aque venit
Litora… »

Mais, bien que ma mémoire en soit aus­si cuisante (« Tityre, tu pat­u­lae recubans sub tegmine fagi / Sil­vestrem tenui musam med­i­taris ave­na… »), j’ai décou­vert com­bi­en, dans Les Géorgiques et Les Bucol­iques, Vir­gile pou­vait être un immense poète !

Et comme il a pu prêter à tant d’interprétations dif­férentes ! A témoin, ce vers mys­térieux de la 4° Bucol­ique : «  Jam red­it et Vir­go, rede­unt Sat­ur­nia regia ; / Jam nova prog­e­nies cae­lo dimit­tit­tur alto : voici que revient aus­si la Vierge, que revi­en­nent les règnes de Sat­urne ; / Voici qu’une nou­velle lignée (nous) est envoyée du haut du ciel ». Je sais bien comme les auteurs paléo-chré­tiens en ont fait leurs délices, et sans relever l’allusion aux croy­ances astrologiques de l’époque, ni le ren­voi à l’ « âge d’or » décrit par Hésiode dans Les Travaux et les Jours, comme quelqu’un comme Lac­tance, dans ses Insti­tu­tions divines, y a vu l’annonce de Jésus. Ce pourquoi, il me sem­ble, Vir­gile pou­vait être le pre­mier guide de Dante, dans la Divine Comédie, pour le début de son voy­age dans les cer­cles de l’au-delà !

Pour­tant, bien loin de ces « com­préhen­sions » ten­dan­cieuses, comme des vers se sont gravés dans ma mémoire, qui chantent les plaisirs de la Mère Nature, et les débats spir­ituels et pro­fonds aux­quels était livré notre écrivain !

Com­ment ne pas vibr­er à des dis­tiques comme celui-ci : « Can­didus insue­tum  miratur limen Olympi / Sub ped­ibusque videt nubes et sidera Daph­nis : Comme, plein de lumière, il regarde le seuil inhab­ituel de l’Olympe, / Et (comme) sous ses pieds il aperçoit les nuages et les étoiles, Daph­nis ! » (5° Bucolique).

Ou encore à un tel groupe d’hexamètres :

« Quid qui, ne gra­vidis procum­bat cul­mus aris­tis, / Lux­u­riem sege­tum ten­era depasc­it in her­ba, / Cum pri­mum sul­cos aequant sata, quique palud­is / Col­lec­tum humorem bibu­la deducit hare­na ? : Que dire (encore) de celui qui, de peur que ne se couche une tige aux lourds épis, /  Fait paître la lux­u­ri­ance des céréales quand elle est encore de l’herbe ten­dre, / Alors que les plants éga­lent les sil­lons en hau­teur ? Et de celui qui des marais / Enlève l’humidité (pour la vers­er) dans un sable qui la boit ? » (Vers 111 à 114 de la 1ère Géorgique). 

Oui, il ne faut être vic­time de ses études ! Et relire Vir­gile comme il a réelle­ment écrit, pour enfin enten­dre le bien-fondé de sa répu­ta­tion, et comme, rarement, on a fait mieux !

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Michel Cazenave

Ecrivain (plus de 50 livres parus, et plus de 400 arti­cles divers), ancien pro­duc­teur de l’émis­sion “Les Vivants et les dieux” à France Cul­ture, Michel Cazenave est un amoureux impéni­tent — dans la mesure où la femme aimée lui paraît être l’in­car­na­tion de ce qu’il appelle “La Face fémi­nine de Dieu”. C’est ain­si qu’il a pub­lié nom­bre de livres de poésie depuis la dis­pari­tion de celle qu’il a aimée toute sa vie, et que la poésie est claire­ment ce qui lui “par­le” le plus aujourd’hui.

En 2014, Michel Cazenave a pub­lié Le Bel amour, une antholo­gie de sa poésie, chez Recours au Poème éditeurs.

voir :

http://www.michelcazenave.fr/

 

ŒUVRE POETIQUE

 

Frag­ments de la Sophia, Ima­go, 1981

Frag­ments d’un hymne, Arfuyen, 1998.

La Grande Quête, Arma Artis, 2003.

Pénin­sule de la femme, Arma Artis, 2005.

Chants de la Déesse, suiv­is de Glos­es, Arbres et Fan­tasies,  Le Nou­v­el Athanor, 2005.

Dédi­cace à l’ab­sente, suivi de Paris-Néon, sous le titre général  “Michel Cazenave”, Le Nou­v­el Athanor, 2007.

Pri­mav­era, Arma Artis, 2007.

Pri­mav­era viva, Arma Artis, 2007.

L’Avis poé­tique (1958 – 2006), Arma Artis, 2008.

La Nais­sance de l’au­rore, Rafael de Sur­tis, 2008.

L’Œu­vre d’or, suivi de La Ver­doy­ante, Rafael de Sur­tis, 2008.

Pri­mav­era nova, Arma Artis, 2008.

Melan­cho­lia, suivi de Parole et silence, Rafael de Sur­tis, 2009.

Le Pas de la colombe, Encres vives, 2012..