Chronique du veilleur (59) : Marie Alloy

Par |2025-05-06T08:05:15+02:00 6 mai 2025|Catégories : Essais & Chroniques, Marie Alloy|

Marie Alloy est pein­tre et graveur, elle est venue directe­ment et naturelle­ment à la poésie, qu’elle aime au point d’éditer les man­u­scrits qu’elle préfère. Sa mai­son d’édi­tion est d’une qual­ité tout à fait remarquable.

Marie Alloy pein­tre rédi­ge un jour­nal d’ate­lier, ressent la néces­sité, non pas d’ex­pli­quer les œuvres qu’elle peint, mais de les accom­pa­g­n­er de médi­ta­tions, de chants poé­tiques.  Noir au fond, mag­nifique­ment illus­tré par elle-même, nous fait entr­er dans son univers intérieur, d’une grande richesse d’âme et de vision. Jour et nuit, lumières et couleurs, ani­ment puis­sam­ment ce livre. On ressent une pro­fonde sol­lic­i­tude envers ce monde souf­frant, le poème évo­quant les « enfants de toutes guer­res » en est la preuve.

Le livre s’adresse aux lecteurs incon­nus, à ces vies «  pas­sagères », aux­quelles elle con­fie le meilleur de son art :

                  nous vous offrons ces fruits
                  ces oranges ces carmins
                  ces ombres bleuissantes
                  et leurs douleurs secrètes
                                   pour les dis­soudre dans la toile

 Marie Alloy, Noir au fond, Voix d’en­cre, 19 euros.

Un tableau mon­tré dans l’ate­lier, c’est « une fenêtre sur le print­emps », ouverte comme un cœur pour le partage des joies et des peines. Peut-être, sug­gère-t-elle aus­si, est-ce « un pacte (…) signé des yeux / avec la can­deur de notre enfance. »  La lumière « s’éprend » des couleurs sur la toile  et « le sens s’at­trape au vol sur la page ». N’est-ce pas le même élan, la même quête, qui pousse l’e­sprit et le regard, la main qui laisse des traces de couleurs ou d’encre ?

Le silence, comme une aube de neige, entoure Marie Alloy  dans les plus belles pages, à l’orée de l’indicible :

 

                                       L’u­nique lumière
                                       c’é­tait ce silence qu’en hiver
                                       la pein­ture reçoit  d’un regard clair
                                       d’un geste pur

                   La couleur
                   cet onguent con­tre le chaos
                  lev­ait les frontières

                   Il n’y avait rien à pren­dre rien à retenir
                   sinon ce ver­tige  cette vapeur du monde

                  dans le ren­verse­ment des mots et des choses

 

Comme l’in­ex­plic­a­ble est beau alors, à l’im­age de « la douce enfance » qui « garde en elle / sa neige en feu » !

 

Présentation de l’auteur

Marie Alloy

Marie Alloy, née à Hénin-Beau­­mont le 2 juil­let 1951, est pein­tre, graveur et édi­teur. Elle est égale­ment l’au­teur de plusieurs ouvrages ain­si que de textes pub­liés dans des revues.

Iris Cushing
image_pdfimage_print
mm

Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule), Vers le Vis­age (Le Silence qui roule, 2023) et Cette allée qui s’ef­face (Arfuyen, 2024)

Sommaires

Aller en haut