Martin Wable, Terre courte

Par |2020-01-19T07:53:36+01:00 5 janvier 2020|Catégories : Martin Wable|

Il faut décou­vrir la poésie de Mar­tin Wable qui avait reçu le prix de la voca­tion (il est né en 1992) avec son recueil Géopoésie pub­lié chez Cheyne en 2015. Car, avec son dernier recueil Terre courte, il con­firme le tal­ent repéré par le jury.

 

Avec cet ouvrage, comme pour nous rap­pel­er que nous avons la mémoire courte, Wable nous sug­gère que l’his­toire humaine n’est qu’une suc­ces­sion de présents devenus passés et trop vite oubliés. De mul­ti­ples chemins délais­sés, bor­dés de racines trébuchantes, avant ce point du jour qu’on nomme hui.

J’aime cette façon de plac­er la langue quelque part entre la géo­gra­phie en abscisse et l’his­toire en ordon­née. Après la géopoé­tique, Wable ajoute de l’his­to­ri­opoésie et du lyrisme. Le poème comme “Topogra­phie des fon­da­tions de son enfance”.

Sur son étal de poète, Wable nous pro­pose toutes sortes de lieux d’his­toire. A com­mencer par la grande péri­ode des explo­rations-con­quêtes-exploita­tions. “Et tan­dis que réécrire la langue voyageuse : c’é­tait creuser un canal stratégique, mobilis­er un rég­i­ment. Annex­er des tribus, des dialectes et laiss­er der­rière soi un par­fum de cuir dans le cré­pus­cule. Chevauch­er, répan­dre une cen­dre ; envoy­er des bou­quets de con­vois marchands dans les steppes. Débor­der le fleuve à loco­mo­tive der­rière les hori­zons mori­bonds.

Mar­tin Wable, Terre courte, Edi­tions du cygne 2018, 52 p, 10€.

[…] “Et c’é­tait être nav­i­ga­teur, faire des expédi­tions en Égypte, punir le peu­ple oppresseur, ouvrir les mers, bom­barder le sul­tan, marchan­der un scor­pi­on séché, pass­er la fron­tière pales­tini­enne, ici atter­rir, migr­er, laiss­er des écri­t­ures.

 

Mais rien n’est si sim­ple, “Garder présent à l’e­sprit qu’il n’est pas d’his­toire qui ne soit un labyrinthe” et cette pique adressée à l’his­toire n’est pas le seul pro­pos du livre, Wable veut aus­si explor­er la langue et son pro­pre tra­vail d’écri­t­ure. “La Terre était ce globe incon­tourn­able, écrire c’é­tait se fray­er dans les voies, dans l’im­men­sité, dans la trace des choses. Garder à l’e­sprit qu’il n’est pas d’his­toire qui ne soit un labyrinthe.”

Des pays se créent, des fron­tières sont déplacées:

 

Dès lors, il s’ag­it d’ap­pren­dre à par­courir les nou­velles fron­tières du monde avec le tact du médecin qui touche une vieille blessure. Mais il arrive que le sen­ti­ment du monde se refuse à se baign­er deux fois dans la même langue.

 

Mar­tin Wable nous pro­pose un voy­age dans le temps en mani­ant l’anachro­nisme comme un ouvre-imag­i­naire. “Et quand bien même on gagne le marais où s’est tis­sée la mémoire. Que l’on s’embourbe jusqu’aux genoux. On serait ten­té de gag­n­er ce côté de la rive où la clarté nous déter­mine. Et ce serait pro­pos­er une langue encore, proche de celle que tra­cent les pattes des oiseaux sur la vase.

Si Mar­tin Wable se fait par endroit plus reven­di­catif, il sait regarder sa pro­pre his­toire au regard de celle du monde tel qu’il est devenu. Bref, une poésie qui fait réfléchir dans le plaisir de la langue.

 

Présentation de l’auteur

Martin Wable


Mar­tin Wable est né en 1992 à Boulogne-sur-Mer et vit actuelle­ment dans les Lan­des. Créa­teur avec Pierre Saunier et Antoine Erre de la revue cos­moréal­iste Jour­nal de mes Paysages, il ani­me les sites inter­net martinwable.fr et plquality.fr et s’in­téresse à la lec­ture publique et à la per­for­mance (notam­ment le pro­jet l’An­tis­tar avec la comé­di­enne Marie-Char­lotte Léon depuis 2015).

 

 

©  Julie Mer­lo

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né en 1963 à Rennes, denis heudré cul­tive son jardin dis­cret dans un coin de la web­sphère sur son site inter­net

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