Serge Núñez Tolin, une poésie de la moindre des choses

Par |2020-10-21T08:48:19+02:00 20 octobre 2020|Catégories : Serge Núñez Tolin|

Les édi­tions Rougerie nous ont don­né à décou­vrir en 2020, deux recueils de deux poètes d’o­rig­ine belge : Marc Dugardin et Serge Nuñez Tolin. S’il ne fal­lait ne retenir qu’un point com­mun entre ces deux auteurs, il me sem­ble que c’est leur sens de  l’ob­ser­va­tion métic­uleuse du moin­dre instant de vie. Mais aus­si dans leur appro­pri­a­tion de leurs obser­va­tions « C’est en moi que je trou­ve le bois vécu des clô­tures : en moi l’in­cendie du sens. »

L’ou­vrage de Serge Nuñez Tolin s’ou­vre sur des feux de prairie en totale oppo­si­tion avec la pluie drue du titre. Mais cet d’embrasement est un feu de joie. Le feu de la fin d’été et de l’au­tomne où com­men­cent ces textes. Le feu intérieur qui entre­tient la vie. Ce feu que les poètes cherchent, sinon à domes­ti­quer, à le com­pren­dre, à en percevoir la magie, à en ressen­tir le pou­voir « en moi, l’in­cendie du sens ».

Tout de suite, dès le pre­mier texte, l’au­teur cherche à « Tir­er le poème de son silence » dans la « Banal­ité de la cam­pagne, chemins défon­cés.  / / Tous les mots sont ici, aucun ne s’ab­sente, prairie du réel ». Là où le réel serait cette prairie immense où il est facile de se per­dre, l’au­teur a trou­vé son poste d’ob­ser­va­tion : « La fenêtre patiente pour s’ac­corder au paysage. » Pour s’aér­er le regard « J’habite les fenêtres, ces éveils de la lumière. »

 

Serge Nuňez Tolin, Près de la goutte d’eau sous une pluie drue, Rougerie, 2020, 72 p., 13 €.

 

 

La poésie de Serge Nuñez Tolin résonne comme célébra­tion des mots du quo­ti­di­en, « Ce quo­ti­di­en où nous sommes lev­és avec les choses et les mots les plus quel­con­ques ». Avec des mots de tous les jours, Serge Nuñez Tolin parvient à réalis­er ce qu’An­toine Emaz appelait la fusion vie-langue pour un ensem­ble très agréable à lire.

Serge Nuñez Tolin sait choisir les mots de l’ob­ser­va­teur atten­tif de la nature pour en exprimer la fragilité : « Fragilité belle, d’une beauté qui ressem­ble si fort à nos trist­esses. Fragilité qui con­duit nos pas vers les présences les plus dis­crètes. » La nature et les petites choses qui en font la vie « Les mots ne me sépar­ent pas des choses ». Avec une écri­t­ure à l’é­coute de ce « silence plus grand que les mots avec quoi on a voulu le cern­er. »

 

Poésie du frag­ile, poésie de la moin­dre des choses.

 

Une obser­va­tion fine de chaque per­cep­tion la plus insignifi­ante, pour en devin­er le sig­nifi­ant. Le poète trou­ve un pouls dans le moin­dre envol de cloches. Il observe en prof­i­tant de la forme la plus heureuse de la soli­tude « Il y a tou­jours une soli­tude dont on doit se remet­tre, à laque­lle on n’achève pas de se ren­dre. »

Observ­er le moin­dre détail, y repér­er la moin­dre sen­sa­tion. Dans la pluie drue, savoir y dis­tinguer la moin­dre goutte d’eau. Pas besoin d’aller loin pour écrire de la poésie, « En quoi vaudrait-il tou­jours pour se tenir ici, respir­er ailleurs ? », juste ten­ter de rac­crocher à l’u­ni­versel la moin­dre veilleuse allumée, le plus banal poteau de clô­ture, la plus insignifi­ante goutte d’eau « Près de la goutte d’eau sous une pluie drue. / Comme l’eau de la cruche, la mie sous la croûte, le silence réclame sa forme. »

Écrire avec le regard au plus proche du réel. « Des mots dits dans leur plus grande pos­si­bil­ité d’être dits ; pour cela, nus dans leur plus grande pos­si­bil­ité d’être nus. Ils sont le réel sans nous. Des mots avec lesquels nous man­geons et mourons. ». Se laiss­er s’a­ban­don­ner à la médi­ta­tion dans la lumière et le silence pâles d’une aube nou­velle, depuis une fenêtre, et dire « le glisse­ment des heures l’une sur l’autre. »

Que retir­er de cet ouvrage ? Une poésie des hori­zons bas, d’une douce mélan­col­ie, en prise directe avec « le vaste réel et l’icône du monde. », mais aus­si « une joie dans la matière que l’é­cho du vivant y aurait mise, vio­lente et active, une danse élé­men­taire. » Une pluie nourri­cière pour qui aime la poésie.

 

 

 

Présentation de l’auteur

Serge Núñez Tolin

 Né à Brux­elles en 1961 où ses par­ents sont arrivés d’Es­pagne dix ans plus tôt. Sept livres parus. A par­tir de 2001, qua­tre ouvrages ont paru sous le titre unique de Silo et un cinquième, en 2006, L’interminable évi­dence de se taire : les cinq aux Édi­tions Le Cormi­er (Bel­gique).

En France, paru­tion de L’ardent silence chez Rougerie (2010) et Nœud noué par per­son­ne (2012), Rougerie éditeur.

Dernières col­lab­o­ra­tions aux revues en Bel­gique et en France (2010–2013) : Tra­ver­sées (Arlon),  N4728 (Angers), NUNC (Clichy).

Une émis­sion radio dif­fusée sur la RTB‑F La Pre­mière en 2010. Des arti­cles de presse sur l’Internet et dans les revues N4728 et EUROPE en 2013.

 

Serge Núñez Tolin

Autres lec­tures

Serge Núñez Tolin La vie où vivre 

Dès la pre­mière page, le lecteur est sur­pris : s’agissant d’un livre de poésie, il est divisé en chapitres comme un roman. Cela sem­ble annon­cer une habi­tude que le poème lim­i­naire annonce : […]

Serge Núñez Tolin, une poésie de la moindre des choses

Les édi­tions Rougerie nous ont don­né à décou­vrir en 2020, deux recueils de deux poètes d’o­rig­ine belge : Marc Dugardin et Serge Nuñez Tolin. S’il ne fal­lait ne retenir qu’un point com­mun entre […]

image_pdfimage_print
mm

Denis Heudré

né en 1963 à Rennes, denis heudré cul­tive son jardin dis­cret dans un coin de la web­sphère sur son site inter­net

Aller en haut