Si on ne con­nais­sait pas les sub­til­ités ou les choix rad­i­caux de Dis­so­nance, on s’étonnerait du présent numéro au style plutôt funéraire : fond noir et let­tres dorées à l’appui. Une con­tre-illus­tra­tion dans la lignée dissonante ?

Quoiqu’il en soit, les « sans-dents » et les «  fafs » sont aujourd’hui désor­mais  invités à boire le cham­pagne pour l’anniversaire des vingt ans de cette revue, invités  à rem­plir la coupe sans pré­cis­er la mar­que du vin pro­posé cette vague de l’humour noir ? Sabrons donc sans sabre ! Après avoir égale­ment sabré le cham­pagne et mul­ti­plié les extrav­a­gants alléluia, les auteurs de ce numéro 42 ont su aban­don­ner leurs délires à l’écriture. La muse éthylique pro­pose une belle cuvée ! Un bon­heur à déguster avant l’ivresse. Les lecteurs éméchés par­ticipent au ban­quet. Pourquoi pas moi en lisant ?

Ain­si les chiens et les écrivains éthylisés (néol­o­gisme) « lapent » déjà  le cham­pagne ren­ver­sé sur le tapis — Eti­enne Michelet et Côme Fredaigue, décou­vrent la « neu­ro mâchoire inférieure vidée ou presque des dents du fond (..) des yeux noirs démentent aus­sitôt, regard abimé, ver­tige dans lequel, elle pour­rait nous entraîn­er » (Côme Fredaigue). Les élu­cubra­tions plaisantes et débor­dantes d’excès sont agré­men­tées par les élé­gantes illus­tra­tions pointil­listes d’Anne Math­urin, con­for­t­ant le thème alcoolisé de la rédac­tion, le sym­bole du cham­pagne : « la fron­tière s’estompe entre sa tra­di­tion, son image raf­finée, son gout sub­til et la vul­gar­ité de l’excès, à la nôtre ! ». Brigitte Fontaine, elle,  décrit le « déco­rum voilé de noir et d’or (évo­ca­tion de l’énigmatique cou­ver­ture peut-être sans cer­ti­tude qui s’appelle l’aurore) ».

Dis­so­nances #42, Cham­pagne, mai 2022, 56 pages, 7 euros.

Où sont les « pro­fondeurs pétil­lantes où plus rien n’existe ? Hors de ces « pro­fondeurs pétil­lantes » hormis, « le fameux péril jaune » selon Rigodon de Céline…

Tra­ver­sant le rideau de mégots et de cen­dre, un auteur se sou­vient (Arthur Le Reste- Juliard) du dis­cours tenu en 1974 par le poète Odysséas Elytis. Ce poète, cou­tu­mi­er du poète Brauti­gan, con­nu pour ses excès de bar, révèle à la fois son amour du cham­pagne tout en lui opposant son ani­mosité envers les buveurs, les invités réu­nis pour le Nobel, des « pom­peux snobi­na­rds » ! … Il est vrai que mal­gré les choix de cette médiocre année 1974 — John­son et Mar­ti­son — auront autant de place dans l’histoire de la lit­téra­ture « que deux glaçons creux vers les courants chauds avec leur petite ombrelle en papi­er plan­tée dans le cul » !!! Et nous, lecteurs et lec­tri­ces, ver­sons-nous vite une coupe de cham­pagne pour la route ! Mea cul­pa au champagne !

Dis­so­nances lance déjà le prochain thème du numéro 43 « trans ». Je transpire déjà, transper­cée par l’urgence de ren­dre la copie trans avant la date-butoir du 24 juil­let…  Il me fau­dra ingur­giter au min­i­mum un jer­oboam avant ; à moins que le moine béné­dictin transsex­uel… Dom Pérignon n’ épouse enfin la transgenre, une Veuve Clic­quot  !!! Mumm ! 

image_pdfimage_print
mm

Jane Hervé

Jour­nal­iste aux Nou­velles Lit­téraires, auteure de La femme de lune (édi­tions Gal­li­mard), Née du chaos, et Le soleil ivre  (édi­tions du Guet­teur). Co-auteure de  La femme tatouée et de Neige d’amour avec le pein­tre Michel Jul­liard et co-auteure de pièces de théâtre : La légende de Guritha, femme viking et de Guritha, le retour avec Danièle Saint-Bois. janeherve@free.fr — voir aus­si : http://leguedelange.over-blog.com/