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Revue La Page Blanche : entretien avec Pierre Lamarque

Denis Heudré nous présente la revue La Page blanche, à travers les propos de son créateur Pierre Lamarque, qui explique quelles sont ses motivations et ses objectifs. 

Comment La Page Blanche est-elle née ?
La revue La Page Blanche est née en 2000 par le hasard d'une rencontre entre mon ami roumain Constantin Pricop et moi sur le site de l’ambassade de France au Canada. L’ambassade offrait en 1998, au commencement de l’internet, un espace dédiée à la poésie sur son site, un lieu de rencontre entre poètes francophones qui y publiaient des textes, lieu tenu par un jeune poète français qui faisait là son service militaire, un soldat de la vie. Constantin Pricop et moi avons le même âge, nous sommes nés en 1949, j’exerçais le métier de médecin généraliste dans un quartier nommé La page blanche à Mérignac-Arlac près de Bordeaux. Pricop était un écrivain, dont le livre « La marge et le centre » était en devanture de librairies roumaines, un critique et revuiste professionnel, devenu professeur de lettres à la faculté de Iasi. Un professeur de français pour moi.

Quelle est sa ligne éditoriale, ou plutôt sa personnalité, les traits de son caractère ?
La ligne éditoriale part du constat que désormais tout le monde peut publier ses écrits grâce à internet. Notre revue fonctionne comme un filtre.
LPB est fondée sur la gratuité et le don, elle est articulée entre création, critique, traduction et poètes ‘du monde’…c’est sa personnalité, son caractère.
La revue est structurée en rubriques, dans l’ordre on trouve les rubriques suivantes :

La page blanche n°52, lapageblanche.com.

« Simple poème » en général un texte sélectionné, « éditorial », un billet, ou point de vue du rédacteur en chef – dans les derniers numéros cette rubrique n’est plus présente car le rédacteur en chef, Constantin Pricop a entrepris à la place de publier dans la revue la traduction en feuilleton de son roman La nouvelle éducation sentimentale, « Poète de service », un ou plusieurs poètes de service par numéro avec pour chacun la publication d’une dizaine de textes, « Moment critique », un article de critique littéraire ou culturelle, « Bureau de traduction », où sont présentées des traductions, « Séquences », où sont présentés des suites organisées de textes d’un ou plusieurs auteurs, « Poètes du monde », où sont présentés des textes d’auteurs publiés, connus et reconnus, et pour finir « E-poésies », où sont présentés des textes isolés de différents auteurs participant à la revue.

 

La page blanche n°54, lapageblanche.com.

A quel tirage et comment est-elle diffusée ? 
Notre revue sur papier n’est pas diffusée en librairie, par paresse. Chaque numéro est imprimé à 30 exemplaires, ces exemplaires sont offerts par la revue LPB aux poètes invités dans le numéro. Cette économie autarcique permet à la revue de survivre sur le papier depuis vingt ans. C’est l’internet qui nous permet de vivre depuis vingt ans. Pour moi, les valeurs d'internet ont ceci de supérieur aux valeurs de l’imprimerie qu’elles sont la mise en pratique de la gratuité et l’exercice concret de l'oblativité intellectuelle. L’ère et l’aire de l’internet est l’aire et l'ère de la communication.
En vingt ans, comment a évolué La Page Blanche ?
Des hauts et des bas, des calmes plats et des tempêtes, des gains et des pertes, la vie… assez vite nous avons trouvé notre rythme naturel de croisière, moins de numéros, des textes, …
Parlez-moi de votre rubrique Le Dépôt
Le Dépôt est un endroit qui rassemble les quatre articles essentiels de la revue LPB, création, critique, traductions, poètes du monde, et où se retrouvent des poètes qui font vivre la revue. Notre maître de toile, Mickaël Lapouge a réalisé un ajout au site LPB qui me permet d’administrer le Dépôt.
Votre travail d’éditeur de cette revue doit vous prendre du temps sur vos travaux d’écriture, le regrettez-vous ?
Je protège mon temps : le temps le plus important, peu importe sa durée, c’est le temps de la lecture. Mon travail d'éditeur fait partie de mon travail d’écrivain, j'y trouve inspiration, j’y fais mon marché…
Quel(s) auteur(s) rêveriez-vous de publier dans votre revue ?
Michel Butor, mais il est mort et on l’a déjà publié de son vivant dans le numéro 20. 
Quels ont été les impacts de la crise covid sur votre revue et ses lecteurs ?
Je ne regarde les statistiques de visiteurs lecteurs qu’une fois quand j’y pense tous les vingt ans. Récemment j’ai vu qu’il y avait eu 25000 visites en un an. Pour notre part nous n’avons pour le moment personne de touché par cette maladie à ma connaissance. Comme tout le monde nous espérons passer entre les gouttelettes…
Quels sont vos projets pour les prochains mois ?
Continuer le mouvement, aller aux avant-postes comme des braves.
Quel regard portez-vous sur l’évolution depuis vingt ans de la poésie française ?
On lit un livre, on en lit un autre, on découvre. On ne sait pas quoi retenir du temps qui passe, du style qui dépasse, mais heureusement, en poésie le temps ne passe pas vraiment.
Dans le n° 55 qui paraît bientôt, on ne sait jamais exactement quand - car cela dépend de l’emploi du temps de maître toile, on trouvera un peu tous les styles, aujourd'hui il n’ y a pas grand mouvement dans les astres, c’est ça le post-moderne, il n’ y a que des directions dans tous les sens, dont les oulipiens… mon français personnel, minimaliste, a bien changé en vingt ans..
Et de la poésie du monde ?
Nous recevons des poètes de différentes points du globe et notre microscope nous montre une vie fourmillante et tourbillonnante, difficile de ne pas tomber amoureux de notre microscope qui lit et écrit  !
Selon vous la e-poésie est-elle l’avenir de la poésie ?
Oui, sauf exceptions.
Que peut-on vous souhaiter pour les vingt ans à venir ?
De rester en vie ! Je songe à plus tard dès maintenant. Je cherche depuis quelque temps à savoir comment s’y prendre pour que LPB continue de vivre après ses trois fondateurs, Mickaël Lapouge, Constantin Pricop et moi.