Pre­mier doc­u­men­taire ciné­matographique et musi­cal sur la genèse du groupe mythique validé par les artistes fon­da­teurs, Becom­ing Led Zep­pelin racon­te la créa­tion de ce quatuor d’origine lon­doni­enne, for­mé en 1968, entre free rock et free jazz, héri­tiers de la tra­di­tion blues et précurseurs du courant hard, décloi­son­nant les gen­res étab­lis dans leurs morceaux expéri­men­taux dont les qua­tre mem­bres furent les arti­sans inven­tifs de ce son, tour à tour léger et mas­sif, tou­jours tran­chant, décisif, sur le fil, tel l’envol d’un « dirige­able de plomb » sur le point d’embraser le ciel d’une époque où « faire de la musique » sig­nifi­ait encore « faire l’amour et la révo­lu­tion » et arpen­teurs de grands espaces, forçant les portes des stu­dios pour écrire des albums con­ceptuels traduisant l’A.D.N. de leur iden­tité hybride, à la ren­con­tre, à l’ouverture et pour­tant si per­son­nelle qui ont tracé les hori­zons pour longtemps des courants de tant de musiciens…

La force de ce témoignage de la nais­sance et de l’avènement de cette for­ma­tion qui a tant mar­qué les esprits, réal­isé par Bernard MacMa­hon, écrit par Bernard MacMa­hon et Alli­son Mac­Gour­ty, est d’exprimer l’association ini­tiale, le tra­vail acharné, la recherche per­pétuelle de ces artistes majeurs de leurs débuts jusqu’à leur ascen­sion avec la créa­tion de leurs deux pre­miers albums et le suc­cès emblé­ma­tique de Whole Lot­ta Love, Jim­my Page, Robert Plant, John Bon­ham, John Paul Jones, explo­rateurs sur des chemins de tra­verse, et c’est là tout l’intérêt de ce regard ini­ti­a­tique à ce proces­sus col­lec­tif si pluriel, il laisse sa part belle aux hasards, aux acci­dents, à l’inattendu comme à la beauté de la ren­con­tre, à la magie des pre­mières répéti­tions et au sub­lime des con­certs his­toriques, pour mieux nous ques­tion­ner sur la dimen­sion excep­tion­nelle, entre coïn­ci­dence et des­tinée, de la lig­a­ture de cet alliage à huit mains pour ser­tir alors en let­tres de feu cette ful­gu­rance, tou­jours envis­agée ain­si, en instant sus­pendu, dis­rup­tif et érup­tif, à la fois hors du temps et en dis­ant tant d’une époque où l’on allait, par exem­ple, con­naître des con­flits mon­di­aux dévas­ta­teurs mais égale­ment marcher pour la pre­mière fois sur la lune, tout à la fois une trou­vaille sin­gulière et une échap­pée à plusieurs, en devenir, un devenir, devenir Led Zep­pelin…

Devenir Led Zep­pelin bande annonce.

Un entre­tien inédit et touchant qui jus­ti­fie à lui seul la décou­verte de ce film est l’enregistrement de la voix de John Bon­ham qui par­le de son plaisir à jouer dans ce groupe dont il est apparu peu à peu comme la clé de voûte, se con­fi­ant sur sa joie sans sim­u­lacre à partager les répéti­tions, la scène et la présence de ces per­son­nal­ités égale­ment radieuses… Que dire alors quand la nar­ra­tion de ces aven­turi­ers éclaire ô com­bi­en la bifur­ca­tion dans la car­rière de cha­cun pour la con­sti­tu­tion de ce col­lec­tif hors du com­mun tient tant de la déprise des habi­tudes que de la prise de risques, et n’aurait, sem­ble-t-il, sans un con­cours de cir­con­stances qui paraît tenir de l’alignement des planètes, ne pas voir le jour ? Dès les pre­mières ren­con­tres, le sen­ti­ment partagé fut alors d’œuvrer à quelque chose de grand, qu’il ne fal­lait ni met­tre entre par­en­thès­es, ni brad­er face à l’industrie du disque comme face aux dik­tats de la mode, puisque Led Zep­pelin à l’avant-garde allait lancer l’écriture du futur…

Led Zep­pelin inter­prète « Whole Lot­ta Love » au Roy­al Albert Hall en 1970.

Tout alla très vite, sitôt le pre­mier album, enton­nant le chant de la beauté trou­blante des femmes qui ray­onne, dans une con­vul­sion aus­si éro­tique que sur­réal­iste, dans l’encre de cha­cune de ces mélodies entre bal­lades blues et défla­gra­tions hard rock, lais­sant leurs audi­teurs aus­si éblouis et con­fus, entre rup­tures de com­mu­ni­ca­tion, départs impos­si­bles, néces­sités de renouer avec sa chérie, dans un éloge de l’amour char­nel, entier, total dont le deux­ième album, repous­sant encore plus loin les lim­ites du stan­dard rock-and-roll, pour lier à la fois finesse et puis­sance, à la fois bes­tial­ité du corps et spir­i­tu­al­ité de l’âme, dans une invi­ta­tion au voy­age comme une méta­mor­phose de l’amour en chan­son dont le titre Ram­ble On résonne en métaphore d’une vie en tra­ver­sée désor­mais nom­mée Led Zep­pelin pour les chapitres qui suiv­ront : « Promenez-vous / Ram­ble on / Et c’est le moment, c’est le moment / And now’s the time, the time is now / Chante ma chan­son, / Sing my song / Je fais le tour du monde, je dois trou­ver ma copine / I’m goin’ ’round the world, I got­ta find my girl / En chemin / On my way »…

Led Zep­pelin inter­prète « Stair­way to Heav­en » en con­cert à Earls Court en 1975.

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Rémy Soual

Rémy Soual, enseignant de let­tres clas­siques et écrivain, ayant con­tribué dans des revues lit­téraires comme Souf­fles, Le Cap­i­tal des Mots, Kahel, Mange Monde, La Main Mil­lé­naire, ayant col­laboré avec des artistes plas­ti­ciens et rédigé des chroniques d’art pour Olé Mag­a­zine, à suiv­re sur son blog d’écri­t­ure : La rive des mots, www.larivedesmots.com Paru­tions : L’esquisse du geste suivi de Linéa­ments, 2013. La nuit sou­veraine, 2014. Par­cours, ouvrage col­lec­tif à la croisée d’artistes plas­ti­ciens, co-édité par l’as­so­ci­a­tion « Les oiseaux de pas­sage », 2017.