Chronique du veilleur (2) – Gilles Baudry

Par |2018-01-06T21:44:45+01:00 16 juin 2012|Catégories : Chroniques, Gilles Baudry|Mots-clés : |

Gilles Baudry prie et écrit dans l’abbaye de Lan­de­ven­nec. Son œuvre, pub­liée chez Rougerie, témoigne de son expéri­ence du sacré, de cette approche de l’invisible dans le vis­i­ble que tous les poètes, plus ou moins croy­ants ou même incroy­ants, ont eue à cer­tains moments priv­ilégiés de leur vie et qu’ils tâchent de traduire en poèmes.

La voca­tion de Gilles Baudry est de dire la Présence cachée en ce monde, de reli­er la nature et la grâce. Cela ne peut se faire que par une « parole qui se tait » selon sa mag­nifique expres­sion. Parole où « les mots passent les mots », tou­jours insuff­isante pour se hauss­er à la dimen­sion divine à laque­lle elle aspire.

                        Com­ment
                        peut-on con­fi­er sa vie 
                        à un poème
                        écrire
                        l’invisible
                        l’azur
                        qui se laisse trouer
                        par la note abyssale ?

                        Un à un se dérobent 
                        les mots 

                        L’encre s’enneige
                       de furtives extases 
                       dans les marges 

                       sans autre voix
                      que celle qui nous manque. 

(Instants de préface)

La poésie est pour lui une approche à tou­jours recom­mencer, un mou­ve­ment où le désir, la louange, la recon­nais­sance se mêlent étroite­ment, non pas une saisie, une pos­ses­sion, mais une allure, un chant qui ne cesserait de se répandre.

                        …Voyez
                        la sève 
                        le cours de sa pensée
                        ou l’écriture de l’aléatoire
                        sous l’aubier
                       du sang

                       l’inconcevable don
                       immérité

                       d’exister sans entrav­es dans le chant 

« Tout chante et tout fait silence », déclare-t-il. C’est bien là l’essence impens­able de la créa­tion poé­tique. Mais la prière, qui par­fois n’en est pas très éloignée, a ces mêmes deux vis­ages, comme une lumière qui, dans son prisme, marie toutes les couleurs. Ain­si de Marie :

                        Elle joue la par­ti­tion de la lumière
                        entre le rose chair et le bleu nuit.
                       Son regard de vitrail
                       s’éclaire du dedans.
                      Sa grav­ité légère l’apparente au ciel. 

 (Nulle autre lampe que la voix)

Ain­si, Gilles Baudry, moine et poète, pour­suit la même quête du divin dans une dou­ble et même ten­sion. Dans la crypte spir­ituelle où il veille, il témoigne du mys­tère pour lequel il est si beau de vivre et d’écrire. « Pèlerin de l’horizon », il sait bien que la plus grande qual­ité du poète comme du croy­ant est d’être totale­ment disponible comme aux pre­mières lueurs de la Résurrection.

                        Ici
                       pose ta vie

                       marche pieds nus
                       dans la rosée de la Parole.

(Présent intérieur)

Présentation de l’auteur

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Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule).
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