Avec ce nou­veau vol­ume posthume de Guille­vic, Ouvrir, Lucie Alber­ti­ni nous offre un rassem­ble­ment de textes parus entre 1929 et 1996 à pro­pos d’écrivains et de pein­tres, ain­si que de poèmes écrits pour des livres d’artistes, pub­liés à tirage lim­ité. Beau­coup de belles sur­pris­es nous atten­dent là.

On décou­vri­ra l’allocution pronon­cée en 1994 à l’occasion d’un col­loque sur Paul Valéry, où Guille­vic dit son admi­ra­tion pour l’auteur de Charmes, qui lais­sait « son esprit célébr­er les noces avec les moin­dres choses. » Et l’on retien­dra sa con­clu­sion : « Pour moi, le poème valérien est la céré­monie d’un culte exal­tant, célébrant le monde dans le pur envol de la joie que pro­cure le verbe. »

 La générosité du poète s’allie à l’intelligence aiguë du cri­tique. Ain­si, par­lant de son ami Elu­ard : « Elu­ard pou­vait être nuage, il pou­vait être roc tant étaient pro­fondes sa sen­si­bil­ité, sa récep­tiv­ité. C’était un rêveur aux aguets, tout autant qu’un trans­for­ma­teur, un mod­eleur de ses rêves. »

Des suites de poèmes se suc­cè­dent, par exem­ple « Les chan­sons d’Antonin Blond » parues dans Poésie 50 de Seghers :

 

                    C’est sûr qu’on voulait être

                    Au milieu du repos

                    Et voir venir.

                    Mais il n’y en a pas,

                    De cen­tre au repos.

 

                    Ou c’est le zéro,

                    Le zéro de rien.

Ouvrir. Poèmes et proses 1929-1996, Guillevic, Gallimard

Guille­vic, Ouvrir, Gal­li­mard, 25 euros

« Les chan­sons de Clarisse » des années 1967–1968, d’après Elsa Tri­o­let, furent chan­tées par Jeanne More­au. Le goût du chant fut tou­jours très vivace chez Guille­vic. Il apporte aux chan­sons le même soin rigoureux qu’aux poèmes.

 

                             Je vais par des chemins

                             Qui n’arriveront pas.

 

                              Pour me faire arriver,

                              Il n’y aurait que toi,

 

                              Si tu étais un autre.

 

Des poèmes inédits restent à pub­li­er, tels ceux « choi­sis pour André Clerc » en pré­pa­ra­tion chez le graveur qui les illus­tr­era et qui datent des années 80 :

 

                            Il n’y a pas

                           Telle­ment de moyens

 

                           D’approcher l’instant

                           Sur le point de venir.

 

                            Il faut savoir

                            Qu’il sera unique

 

                            Et le lui dire.

 

La prox­im­ité du poète avec les pein­tres nous appa­raît dans ce livre très forte, très fructueuse aus­si. Une longue liste de poèmes qui leur sont dédiés fait suiv­re les noms de Bon­nard, Bran­cusi, Pol Bury, Man­dev­ille, Manessier, Pignon, Dubuf­fet, Bazaine, Julius Bal­tazar, Fer­nand Léger, entre autres. Quelques poèmes en prose fig­urent aus­si dans ce chapitre. Ain­si, celui de 1990 sur Baltazar :

 

 

Balt­haz­ar est tou­jours en par­tance, tou­jours sur le point de par­tir et d’arriver en même temps.

Où ? En pleine lumière, mais vers une lumière qui, par le som­bre, le noir, le porte plus loin.

Evidem­ment, il ne sait où.

En pas­sant par­mi les choses il les foudroie et chante avec elles le temps de l’éclat.

 

Humil­ité, fidél­ité, exi­gence dans l’acte créa­teur relient Guille­vic à tous ceux-là. « Ouvrir au-dehors et s’ouvrir en soi », quelle belle devise, don­née dans sa pré­face par Lucie Alber­ti­ni, et qui fut mise en œuvre durant toute sa vie par ce grand poète !

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Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule), Vers le Vis­age (Le Silence qui roule, 2023) et Cette allée qui s’ef­face (Arfuyen, 2024)