Regard sur la poésie Native American : Elise Paschen

Par |2021-03-06T18:35:53+01:00 5 mars 2021|Catégories : Elise Paschen, Essais & Chroniques|

Elise Paschen ou com­ment la plu­ral­ité des iden­tités sem­ble men­er au refuge de l’imagination et de l’écriture.

Naître fille de la pre­mière bal­ler­ine Osage de tous les temps, vivre nour­rie du mythe roman­tique de l’aventure mater­nelle, voilà qui peut déter­min­er un des­tin ! Elise Paschen appar­tient à la Nation Osage comme sa mère Maria Tallchief (Ki He Kah Stah Tsa), danseuse étoile des bal­lets russ­es de Monte et Car­lo puis, après sa ren­con­tre avec Bal­an­chine qu’elle épouse, étoile du New York city bal­let. Le père d’Elise, troisième époux de Maria Tallchief, Hen­ry D Paschen junior, est quant à lui un busi­ness­man de Chica­go. C’est donc à Chica­go qu’Elise Paschen, née en 1959, sera élevée. Néan­moins le lien avec sa famille d’Oklahoma et la com­mu­nauté Osage est bien réelle. Elle se sent intime­ment liée à son his­toire. Il faut se sou­venir qu’au 17ième siè­cle, la val­lée du Mis­sis­sip­pi, du Cana­da jusqu’à son embouchure était ter­ri­toire proclamé français par les explo­rateurs Jacques Mar­quette et Louis Joli­et, sous con­trôle du roi de France donc, et c’est ain­si que le nom Osage a été don­né par des français à ces com­mu­nautés de langue appar­en­tée au grand groupe des langues Sioux, le Dhegi­han.

En réal­ité il faudrait dire Ni-u-kon-ska ou Waz­hazhe, ce qui sig­ni­fie « Peo­ple of the mid­dle waters », les gens des eaux du milieu. Orig­i­naire des grandes plaines, cette nation a prospéré dans les val­lées du Mis­sis­sip­pi et de l’Ohio avant de migr­er au dix-sep­tième siè­cle à l’ouest du Mis­sis­sip­pi sous la poussée Iro­quoise, Iro­quois eux-mêmes repoussés par l’invasion européenne. Le peu­ple Osage est cousin des peu­ples Pon­ca, Oma­ha, Kaw et Qua­paw. Au cours du dix-neu­vième siè­cle, ain­si que de nom­breuses autres tribus déportées, les Osages furent for­cés par l’armée Améri­caine de quit­ter le Kansas pour être par­qués sur une réserve en Okla­homa, état où la majorité des descen­dants Osage vit encore aujourd’hui, même s’ils ne sont pas tous restés sur la réserve.

Auteure d’un pre­mier recueil inti­t­ulé Hous­es: Coasts (Maisons : côtes), chez Sycamore Press, en 1985, Elise Paschen sort un deux­ième recueil remar­qué par ses pairs et couron­né par le prix Nicholas Roerich. Inti­t­ulé Infi­deli­ties (infidél­ités), sor­ti chez Sto­ry Line Press en 1996.  Ce livre attire l’attention de Joy Har­jo (Musko­gee-Creek, voir https://www.recoursaupoeme.fr/un-regard-sur-la-poesie-native-american-12/) qui écrit : « Ces poèmes sont pas­sion­nés, épisodes lyriques de beauté pré­cise et dan­gereuse. Je suis fière d’accueillir ce pre­mier livre de poésie dans le monde. » Elise, comme beau­coup d’entre nous à une plus ou moins grande échelle, est han­tée par l’enfance, par les événe­ments famil­i­aux, par la fragilité émo­tion­nelle et sen­ti­men­tale. Dans ce livre, ce qu’on nomme ‘prob­lèmes famil­i­aux’ en général, sont évo­qués : les acci­dents au sein d’une rela­tion, l’amour et ses trou­bles, selon l’angle de la « race », du genre ou de la classe sociale, par­fois comme rêvés, par­fois comme cryp­tés, et d’autres, comme celui qui suit, appa­rais­sent plus limpi­des et transparents.

Elise Paschen lit « Swan Queen » en l’honneur du Mois du pat­ri­moine amérin­di­en et célèbre sa mère, la danseuse étoile Maria Tallchief.

INCANTATION

To light the dark
of you where no
light has explored,

to trek the deserts,
accept mirages,
swim gulfs, inhabit

the islands, caves,
the rooms and alcoves
of you, the chambers,

to chart the arteries,
to join the valves,
the bolts, the nails,

to open windows,
haz­ard exits,
fall through trap floors,

to upend drawers
slam doors, to shatter
the glass of you

but wak­ing, sleeping,
to learn to say
no more to you.

INCANTATION

Pour éclair­er l’obscur
en toi qu’aucune
lumière n’a exploré,

pour arpen­ter les déserts,
accepter les mirages,
nag­er dans les golfes, habiter

les îles, grottes,
les pièces et alcôves
en toi, les chambres

pour trac­er les artères,
pour join­dre les valves,
les bou­tons, les clous,

pour ouvrir les fenêtres,
pour ris­quer des sorties,
tomber dans des trappes,

pour retourn­er les tiroirs,
cla­quer les portes, briser
le verre en toi,

mais éveil­lée, endormie,
appren­dre à te dire
çà suffit.

 

Elise a fait ses études uni­ver­si­taires à Har­vard puis à Oxford, a obtenu un doc­tor­at en lit­téra­ture anglaise et améri­caine en tra­vail­lant sur la poésie de William But­ler Yeats. A Oxford elle par­ticipe et co-dirige la revue Oxford Poet­ry. Ses influ­ences lit­téraires vien­nent de Yeats mais aus­si de la poète améri­caine Elis­a­beth Bish­op. Elle avoue qu’elle a eu besoin de recourir au monde de l’imagination afin de pou­voir évoluer et grandir en tant qu’enfant, baignée dans un univers de mythes et de légen­des dans lesquelles sa mère, pour des raisons pro­fes­sion­nelles, était plongée. Elise racon­te dans un entre­tien accordé à un mag­a­zine Améri­cain, que dès l’âge de sept ans, elle était capa­ble de con­ver­tir le fruit de son imag­i­na­tion en des réc­its, poèmes et pièces de théâtre. Plus que capa­ble, elle avait besoin de ce recours. Aujourd’hui elle vit à Chica­go et enseigne l’écriture à l’école des beaux-arts de Chica­go (School of the Art Insti­tute of Chicago).

Dans un entre­tien accordé au jour­nal étu­di­ant The Har­vard Crim­son Elise Paschen explique que ses rêves sont sou­vent des départs pour de futurs poèmes. Elle les note au réveil. Ou bien des poèmes entiers lui sont offerts pen­dant qu’elle rêve. Ain­si, une semaine avant le décès de sa mère, Elise a fait un rêve très mar­quant qui lui a per­mis de repren­dre une pièce de prose jamais achevée, écrite longtemps aupar­a­vant, qui relatait l’époque où les par­ents de l’auteure se séparaient et que Maria Tallchief par­tait au Dane­mark avec Rudolf Noureev. Maria devait danser un spec­ta­cle avec le danseur Danois Erik Bruhn qu’elle présen­ta à Noureev. Les deux hommes tombèrent amoureux et ain­si se for­ma un tri­an­gle amoureux.

Voici le poème pub­lié dans The Nightlife  (la vie noc­turne), édité par Ren Hen Press en 2017.

The Week Before She Died

I dream us young, again,
moth­er and daugh­ter back
on 69th Street inside
our old brownstone—across
from the church, patch of lawn—

a house neglect­ed, wrecked,
as if the family
had been forced at gunpoint
to move away. In corners
dirt stacked like miniscule

anthills ; along the edges
of room—crumpled clothes, bodiless ;
lit­tered across the floor
dry-clean­ing bags, vestiges
of what they once protected.

A Turk­ish scarf, embroidered
with sequins, glit­ter, beads,
tan­ta­lizes. My mother
holds it close, says, “You should
wear it.” The door­bell rings.

At the top of the stairs
he waits for us to answer.
My mother’s bal­let partner,
Russ­ian, stows some­thing covert
behind his almond eyes. With three

regal strides he commands
our gaze, pro­nounces the red
bro­cade robe his, lofts high
the scarf, the sash he flung
in Giselle, cir­cling the empty

liv­ing room. With mis­chief he bows
low before my moth­er. Her love
for him, a moun­tain. The doorbell
chimes. A blond, blue-eyed dancer,
in epaulets arrives.

She straight­ens shoul­ders, turns,
walks away. Rudy asks
Erik, “ Did you ever tell her
about us ?” No response. The secrets
men keep, my moth­er knows.

La semaine avant sa mort

Je nous rêve jeunes à nouveau
mère et fille de retour sur la 69ième rue
à l’intérieur
de notre vieux grès brun — en face
du car­ré de pelouse de l’église —

une mai­son nég­ligée, démolie,
comme si la famille avait été obligée
de s’en aller
men­acée par la pointe d’un fusil. Dans les coins
la pous­sière était empilée comme de minuscules

four­mil­ières ; le long des plinthes
des habits chif­fon­nés, sans corps dedans ;
jon­chant le sol
des sacs de net­toy­age à sec, vestiges
de ce qu’ils avaient un jour protégé.

Un châle turc, brodé
de pail­lettes, de bril­lant, de perles
intrigue. Ma mère le tient
ser­ré et dit :  « tu devrais
le porter ». La son­nette d’entrée retentit.

En haut de l’escalier il attend
que nous répondions.
Le danseur parte­naire de ma mère,
un russe, dis­simule quelque chose
der­rière ses yeux en amande. En trois

enjam­bées royales il capte
notre regard, déclare que l’étole rouge
de bro­cart est sienne, lance haut
le châle, l’écharpe qu’il jetait dans
Gisèle, faisant le tour

du salon vide. Espiè­gle il s’incline
bien bas devant ma mère. Son amour
pour lui, une mon­tagne. La sonnette
car­il­lonne. Un danseur blond aux yeux bleus,
avec des épaulettes, arrive.

Elle redresse les épaules, se retourne,
s’éloigne. Rudy demande
à Erik : « lui as-tu déjà dit à propos
de nous ? ». Pas de réponse. Les secrets que
les hommes gar­dent, ma mère les connaît.

 

Dans son recueil Bes­tiary, (Bes­ti­aire, édité lui aus­si chez Red Hen Press en 2009), Elise Paschen nous pro­pose un monde ani­mal réel ou imag­i­naire en nous mon­trant com­bi­en mince est la lim­ite, s’il y en a une, entre l’humain et l’animal. Les poèmes nous emmè­nent de la vie quo­ti­di­enne et domes­tique aux mon­des mythologiques, par exem­ple celui des sirènes. Les poèmes nous font pass­er d’une réal­ité con­crète faite d’engagements et de respon­s­abil­ités famil­iales à la réal­ité du « rêve » ou encore de l’au-delà, par le biais de méta­mor­phoses. L’auteure, tout en util­isant les divers­es formes et modes de ver­si­fi­ca­tion à l’occidentale, puise aus­si dans son héritage Osage, pour faire appa­raître les lueurs du mag­ique au sein du quo­ti­di­en de nos vie. Et ces lueurs mag­iques sem­blent per­me­t­tre, bien que la vie soit rude, par­fois cru­elle et injuste, de garder une forme d’optimisme et de regard posi­tif sur le cours des choses. Elise pro­pose une façon « résiliente » de pos­er son regard, comme un début de guéri­son après les trau­ma­tismes accu­mulés siè­cle après siècle.

The Flycatcher’s Fall

Near the stones mark­ing the Sweat Lodge,
a new­born fly­catch­er has tumbled
from the nest. “Care­ful : don’t touch it,”
I warn my inquis­i­tive daughter.
“The moth­er might reject her young.”

Perch­ing the fly­catch­er on bark,
my hus­band climbs a lad­der, slips
the fledg­ing in a crowd­ed nest.
He teeters, “Not much room up here,”
as beaks open, expect­ing worms.

Pre­gant again, I’m crav­ing something
salty. Our six-month fetus raps
my rib, demand­ing food. “The baby
wants her mom­my,” tugs our daughter
on my sleeve, look­ing up the tree.

How will this fly­catch­er sustain
her brood ? Will the fall­en one starve ?
We hear a whis­tled whit in air
while wing-flut­ter over­head darkens
the sun. All the small birds respond.

La chute du gobe-mouche

Près des pier­res qui délim­i­tent la hutte à sudation,
un gobe-mouche nou­veau-né est dégringolé
du nid. « Atten­tion : ne le touche pas, »
j’avertis ma fille curieuse.
« La mère pour­rait rejeter son petit. »

Ayant per­ché le gobe-mouche sur l’écorce,
mon mari grimpe à l’échelle, glisse
l’oisillon dans un nid surpeuplé.
Il chan­celle, « pas trop de place là-haut, »
pen­dant ce temps les becs s’ouvrent dans l’espoir de vers.

De nou­veau enceinte, j’ai furieuse­ment envie de quelque chose
de salé. Notre fœtus de six mois me boxe
les côtes, il exige de la nour­ri­t­ure. « Le bébé
veut sa maman », dit notre fille en me tirant
par la manche, elle regarde en haut de l’arbre.

Com­ment cette gobe-mouche subviendra-t-elle
aux besoins de sa cou­vée ? Est-ce que le petit tombé mour­ra de faim ?
Nous enten­dons un pépiement dans l’air
alors que le bat­te­ment d’ailes au-dessus de nous obscurcit
le soleil, tous les petits répondent.

 

Tou­jours dans le recueil Bes­ti­aire, voici le poème inti­t­ulé Wi’-gi‑e, ce qui sig­ni­fie prière en langue Osage. Mol­lie Buck­hart, la voix du poème, racon­te. Elle est la sœur de Anna Kyle Brown qui fut la pre­mière vic­time de ce qui fut appelé « le règne de la ter­reur » sur la réserve Osage en Okla­homa. Des gise­ments de pét­role avaient été décou­verts sur la réserve, là où des ter­res semées de rochers arides avaient sem­blées bien « suff­isantes » pour y par­quer des Indi­ens.  Pour accéder au gise­ment, les chercheurs devaient louer les ter­res aux Osages et leur revers­er des roy­al­ties. Chaque per­son­ne inscrite sur le rouleau de la tribu com­mença à recevoir un pécule trimestriel et, au fil du temps, alors que l’on extrayait de plus en plus de pét­role, les div­i­den­des se comp­tèrent par mil­lions de dol­lars. De ce fait les Osages qu’on renom­merait les « mil­liar­daires rouges », fai­saient des envieux par­mi les blancs qui con­voitaient leur for­tune. Les faits du poème remon­tent aux années 1920. Des hommes blancs (sous la houlette de William Hale) cher­chant à s’approprier cette richesse, con­spirèrent avec des médecins locaux, des mem­bres des forces de l’ordre, des médecins légistes et des jour­nal­istes afin de tuer 24 mem­bres de la nation Osage et de déguis­er ces meurtres en acci­dents. Ceci pour s’emparer de leurs biens. Mais la vague de ter­reur ne s’arrêta pas là, ce fut une hécatombe : défen­es­tra­tions, empoi­son­nements, morts par balles, ensanglan­tèrent la réserve, des crimes pour lesquels les enquêtes furent bâclées, et les coupables jamais inquiétés.

Wi’-gi‑e

Anna Kyle Brown. Osage.
1896–1921. Fair­fax, Oklahoma.

Because she died where the ravine falls into water.

Because they dragged her down to the creek.

In death, she wore her blue broad­cloth skirt.

Though frost blan­ket­ed the grass she cooled her feet in the spring.

Because after the thaw, the hunters dis­cov­ered her body.

Because she lived with­out our mother.

Because she had inher­it­ed head rights for oil beneath the land.

She was car­ry­ing his offspring.

The sher­iff dis­guised her death as whiskey poisoning.

Because when he carved her body up, he saw the bul­let hole in her skull.

Because when she was mur­dered, the leg clutch­ers bloomed.

But then froze under the weight of frost.

Dur­ing Xtha-cka Zhi-ga Tze-the, the Killer of the Flow­ers Moon.

I will wade across the riv­er of the black­fish, the otter, the beaver.

I will climb the bank where the wil­low nev­er dies.

 

Wi’-gi‑e

 Anna Kyle Brown. Osage.
1896–1921. Fair­fax, Oklahoma.

Parce qu’elle est morte où le ravin tombe dans l’eau.

Parce qu’ils l’ont traînée dans le ruisseau.

Morte, elle por­tait sa jupe bleue de drap fin.

Bien que l’herbe fût cou­verte de gel elle rafraichis­sait ses pieds dans la source.

Parce que j’ai retourné la bûche du pied.

Ses chaus­sons flot­taient en aval vers le barrage.

Parce qu’après le dégel, les chas­seurs décou­vrirent son corps.

Parce qu’elle vivait sans notre mère.

Parce qu’elle avait hérité des béné­fices du pét­role sous le sol.

Elle por­tait sa progéniture.

Le shérif déguisa sa mort en un empoi­son­nement au whisky.

Parce que, lorsqu’elle fut assas­s­inée, les jar­retelles s’épanouirent.

Mais ensuite gelèrent sous le poids du givre.

Pen­dant Xtha-cka Zhi-ga Tze-the, la Lune* du Tueur de Fleurs.

Je tra­verserai la riv­ière du tau­tog, de la loutre, du castor.

Je grimperai le talus où le peu­pli­er ne meurt jamais.

*Les Indi­ens d’Amérique découpaient l’année en lunes et non en mois, leur don­naient le nom d’un fait mar­quant arrivé pen­dant cette péri­ode de 28 jours. (N.d.T.)

 

 

Birth Day, d’Elise Paschen, Poet­ry Every Day Project.

Pour ter­min­er cette présen­ta­tion, voici un poème pub­lié lors du con­fine­ment pen­dant ce qu’on a nom­mé la crise du covid19, (pub­lié sur le site Poem of the Day). Elise joint ce com­men­taire : pen­dant cette péri­ode de dis­tan­ci­a­tion sociale et de con­fine­ment chez soi, j’apprécie chaque ren­con­tre avec le monde naturel. Je suis ravie de pou­voir me sou­venir du moment où j’ai écrit ce poème, l’hiver dernier. Nous ren­dions vis­ite à ma tante, qui a plus de 90 ans, dans le sud (Okla­homa), et nous avons ran­don­né dans les marécages. Ce poème par­le de l’interdépendance dans la nature. Il s’agit de la façon dont nous nous con­nec­tons entre nous.

Aer­i­al, Wild Pine

A flare of russet,

green fronds, surprise
of flush against
the bare grey cypress
in win­ter woods.

Car­di­nal wild pine,
quill-leaf airplant
or dog-drink-water.
Spikes of bright bloom—
exot­ic plumage.

How they contour
against the trunk.
I miss that closeness
against my skin,
milky expression.

Before they latched,
their grief revealed
in such a flash.
Seek­ers of light,
poised acrobats.

Over the wetlands
a snail kite skims
tall­grass, then swoops
to scoop the apple
snail
 in curved bill.

The prove­nance
of names, of raptor
and prey, the beak,
like a trapdoor,
unhing­ing flesh.

The way two beings
cre­ate a space
for one another—
the bud to branch,
tongue against nipple.

« Pin sauvage », aérien

Une érup­tion de reinettes,
ron­des vertes, surprise
du rouge contre
le cyprès nu et gris
dans les bois en hiver.

Pin sauvage cardinal,
plante aéri­enne feuille-plume
ou chien-boire-eau.*
Pointes de fleurs lumineuses —
un plumage exotique.

La manière
dont elles con­tour­nent le tronc.
Con­tre la peau
cette prox­im­ité me manque,
expres­sion lactée.

Avant qu’elles ne se verrouillent,
leur cha­grin révélé
par cet éclat.
Chercheuses de lumière,
acro­bates en position.

Au-dessus des marécages
un milan rase
les herbes hautes, puis en piqué
ramasse l’escargot
jaune
 dans son bec courbe .

La prove­nance
des noms, du rapace
et de la proie, le bec
comme une trappe,
chair déséquilibrée.

La manière dont deux êtres
créent un espace
l’un pour l’autre —
bour­geon con­tre branche,
langue con­tre mamelon.

 

* les mots en Italiques sont les noms com­muns améri­cains don­nés au « pin sauvage », sci­en­tifique­ment con­nu sous l’appellation Tilland­sia fas­ci­c­u­la­ta, il n’est pas un conifère mais appar­tient à la famille des Broméli­acées (comme l’ananas), il est orig­i­naire d’Amérique cen­trale et des Antilles. Ses brac­tées sont rouges et ses fleurs vio­lettes. (N.d.T.)

La manière dont deux cul­tures, deux civil­i­sa­tions créent un espace l’une pour l’autre, voilà qui aurait été intéres­sant de faire évoluer au cours des siè­cles… Les tour­mentes de l’histoire Européenne et sa course aux richess­es, d’où son expan­sion colo­niale, font que la nation Osage est cer­taine­ment celle qui aura eu les con­tacts et les échanges avec les trappeurs français et les autorités français­es les plus ser­rés, aux Etats Unis s’entend. D’ailleurs, en 1725, une délé­ga­tion Osage fut con­duite à Ver­sailles. Quand la Louisiane fut ven­due aux Etats Unis, c’est Jean-Pierre Chouteau, com­merçant français de four­rures qui fut nom­mé « Indi­an Agent » pour les Osages, c’est-à-dire dans un rôle de référent, d’administrateur, mais aus­si de con­trôle bien évidem­ment ! Hélas l’espace de dom­i­na­tion créé, les poli­tiques géno­cidaires menées, n’ont pas per­mis la pos­si­bil­ité d’un échange égal­i­taire respectueux des nations Indi­ennes : inen­vis­age­able à l’époque. Cette his­toire des rap­ports entre la France et la nation Osage est anec­do­tique au regard de la poésie con­tem­po­raine telle que pra­tiquée par Elise Paschen, néan­moins il m’apparaissait intéres­sant de le men­tion­ner, de plus Elise par­le et lit le français m’a‑t-elle confié.

 

Qu’il me soit per­mis d’exprimer grat­i­tude et remer­ciements sincères à Tobi Harp­er, Deputy Direc­tor chez Ren Hen Press qui a per­mis la repro­duc­tion des poèmes tirés de Bes­tiary et de The Nightlife, remer­ciements et recon­nais­sance envers Elise Paschen pour son éclairage, sa gen­til­lesse et la con­fi­ance accordée en m’envoyant quelques-uns de ses nou­veaux poèmes.

Présentation de l’auteur

Elise Paschen

Poète et éditrice Elise Paschen est née et a gran­di à Chica­go. Elle a obtenu une licence à l’u­ni­ver­sité de Har­vard, où elle a reçu la médaille Lloyd McKim Gar­ri­son et le prix de poésie Joan Grey Unter­mey­er. Elle a ensuite obtenu un doc­tor­at en lit­téra­ture bri­tan­nique et améri­caine du XXe siè­cle à l’u­ni­ver­sité d’Ox­ford, avec une thèse sur les man­u­scrits du poète William But­ler Yeats. Pen­dant son séjour à Oxford, elle a égale­ment co-dirigé l’Ox­ford Poetry.

Influ­encée par les travaux de Yeats et d’Eliz­a­beth Bish­op, les poèmes d’Elise  Paschen se situent sou­vent à l’in­ter­sec­tion du mythique et du quo­ti­di­en. En tant que fille de la pre­mière bal­ler­ine Osage, Maria Tallchief, Elise Paschen a tra­vail­lé sur le sujet  de la “romance famil­iale”. Dans une inter­view accordée à la Revue de poésie de Val­paraiso, elle a déclaré : “C’est un mythe que j’es­saie de com­pren­dre et de son­der. Enfant unique, j’ai sou­vent trou­vé refuge dans le monde de l’imag­i­na­tion… Après avoir appris à écrire, à l’âge de sept ans, j’ai pu con­ver­tir cette imag­i­na­tion en pièces de théâtre, his­toires et poèmes”.

Elise Paschen, mem­bre de la nation Osage, a pub­lié plusieurs recueils de poèmes, dont The Nightlife (2017), Bes­tiary (2009), Infi­deli­ties (1996). Elle a été lau­réate du prix de poésie Nicholas Roerich, et Hous­es : Coasts (1985). Elle est l’éditrice de The Elo­quent Poem (2019), Poet­ry Speaks Who I Am (2010) et Poet­ry Speaks to Chil­dren (2005), et la co-éditrice de Poet­ry Speaks Expand­ed (2007), Poet­ry Speaks (2001), Poet­ry in Motion from Coast to Coast (2002) et Poet­ry in Motion (1996). Son pro­pre tra­vail a été inclus dans de nom­breuses antholo­gies, dont The Best Amer­i­can Poet­ry 2018, Native Voic­es : Indige­nous Amer­i­can Poet­ry, Craft and Con­ver­sa­tions, The Poet­ry Anthol­o­gy : 1912–2002, et A For­mal Feel­ing Comes : Poems in Form by Con­tem­po­rary Women.

Elise Paschen a été direc­trice exéc­u­tive de la Poet­ry Soci­ety of Amer­i­ca. Elle a cofondé le pro­gramme Poet­ry in Motion, qui affiche des poèmes dans les métros et les bus. Elle vit avec sa famille à Chica­go où elle enseigne dans le cadre du pro­gramme d’écri­t­ure du MFA à la School of the Art Insti­tute of Chicago.

 

Poet and edi­tor Elise Paschen was born and raised in Chica­go. She earned a BA at Har­vard Uni­ver­si­ty, where she won the Lloyd McKim Gar­ri­son Medal and the Joan Grey Unter­mey­er Poet­ry Prize, and went on to earn a PhD in 20th-cen­­tu­ry British and Amer­i­can Lit­er­a­ture at Oxford Uni­ver­si­ty, with a dis­ser­ta­tion on the man­u­scripts of poet William But­ler Yeats. Dur­ing her time at Oxford she also co-edit­ed Oxford Poet­ry.

Influ­enced by the work of both Yeats and Eliz­a­beth Bish­op, Paschen’s poems often engage the inter­sec­tion of the myth­ic and the domes­tic. As the daugh­ter of Osage pri­ma bal­le­ri­na Maria Tallchief, Paschen has dis­cussed the impor­tance of “fam­i­ly romance” to her ori­gins as a writer. In an inter­view with the Val­paraiso Poet­ry Review, she not­ed, “It is a myth I attempt to fath­om and under­stand. As an only child, I often dis­cov­ered refuge in the world of the imag­i­na­tion … After I learned how to write—literally when I was sev­en years old—I was able to con­vert those imag­in­ings into my attempts at plays, sto­ries, and poems.”

Paschen, an enrolled mem­ber of the Osage Nation, has pub­lished sev­er­al col­lec­tions of poet­ry, includ­ing The Nightlife (2017), Bes­tiary (2009), Infi­deli­ties (1996), win­ner of the Nicholas Roerich Poet­ry Prize, and Hous­es: Coasts (1985). She is the edi­tor of The Elo­quent Poem (2019), Poet­ry Speaks Who I Am (2010) and Poet­ry Speaks to Chil­dren (2005), and the co-edi­­tor of Poet­ry Speaks Expand­ed (2007), Poet­ry Speaks (2001), Poet­ry in Motion from Coast to Coast (2002) and Poet­ry in Motion (1996). Her own work has been includ­ed in numer­ous antholo­gies includ­ing The Best Amer­i­can Poet­ry 2018, Native Voic­es: Indige­nous Amer­i­can Poet­ry, Craft and Con­ver­sa­tionsThe Poet­ry Anthol­o­gy: 1912–2002, and A For­mal Feel­ing Comes: Poems in Form by Con­tem­po­rary Women.
 
Paschen has served as the Exec­u­tive Direc­tor of the Poet­ry Soci­ety of Amer­i­ca. She co-found­ed the Poet­ry in Motion pro­gram, which posts poems in sub­ways and bus­es. She has been the Frances Allen Fel­low of the New­ber­ry Library and has received the Rupert Cos­to Chair in Amer­i­can Indi­an Affairs Medal.
 
Paschen lives with her fam­i­ly in Chica­go where she teach­es in the MFA Writ­ing Pro­gram at the School of the Art Insti­tute of Chicago.

Source : https://www.poetryfoundation.org/poets/elise-paschen

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Regard sur la poésie Native American : Elise Paschen

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Béatrice Machet

Vit entre le sud de la France et les Etats Unis. Auteure de dix recueils de poésie en français et deux en Anglais, tra­duc­trice des auteurs Indi­ens d’Amérique du nord. Per­forme, donne des réc­i­tals poé­tiques en col­lab­o­ra­tion avec des danseurs, com­pos­i­teurs et musi­ciens. Pub­liée entre autres chez l’Amourier (Muer), VOIX (DER de DRE), pour les ouvrages bilingues ASM Press (For Uni­ty, 2015) Pour les tra­duc­tions : L’Attente(cartographie Chero­kee), ASM Press (Trick­ster Clan, antholo­gie, 24 poètes Indi­ens)… Elle est mem­bre du col­lec­tif de poètes sonores et per­for­mat­ifs Ecrits — Stu­dio. Par ailleurs elle réalise et ani­me chaque deux­ième mer­cre­di du mois à par­tir de 19h une émis­sion de 55 min­utes con­sacrée à la poésie con­tem­po­raine sur les ondes de radio Ago­ra à Grasse. En 2019, elle pub­lie Tirage(s) de Tête(s) aux édi­tions Les lieux dits, Plough­ing a Self of One’s Own, paru en 2021 aux édi­tions Danc­ing Girl Press, (Chica­go), et TOURNER, petit pré­cis de rota­tion paru chez Tar­mac en octo­bre 2022. 
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