Michel VOLKOVITCH, Poètes grecs du 21e siècle

Par |2019-11-21T12:05:42+01:00 6 novembre 2019|Catégories : Michel Volkovitch|

Dix poètes et de larges extraits de leur œuvre, de belles notices bio­bib­li­ographiques, un souf­fle, de moder­nité et de beauté : voilà l’ouvrage remar­quable pour faire con­naître la poésie hel­lène des dernières années.

Les textes par­lent d’eux-mêmes, et la chronolo­gie sim­ple­ment facilite pour le lecteur béo­tien que je suis la décou­verte pas à pas d’un sous-con­ti­nent européen en ter­mes de cul­ture et d’origines.

Kiki DIMOULA, doyenne du groupe, née en 1931 (chèvre, selon l’astrologie chi­noise), est une poète que la col­lec­tion Poésie /Gallimard a déjà pub­liée (« Le peu du monde »).

Mesures dra­coni­ennes

J’ai trois mères

l’une vit dans la vérité la plus noire

l’autre dans la pho­to en noir et blanc

et la troisième face à moi réfléchit

enfer­mée dans l’œil

glacial de mon miroir…

 

Michel VOLKOVITCH, Poètes grecs du 21e siè­cle, antholo­gie, Le miel des anges, vol­ume 5, 2017. Textes choi­sis, traduits et présen­tés par l’auteur, 192p., 12€.

Màx­i­mos OSYROS,  né en 1943 (autre chèvre), auteur de « La route de la soie », poèmes de l’ascèse, en quête de « lueurs » :

 

Chan­son

Sec­oue le pollen de ton revers. Écoute la coquille de Diodote et le vin blanc. Baisse-toi vers le cuiv­re de la dorade. Tout ce que nous oublions nous tue.

 

Yor­gos HOULIARAS, né en 1951, poète des mythes, avec la « ten­dresse pour les rêves »

 

Ulysse à la maison

Avec ma ruse con­nue de tous

j’ai lais­sé mon ombre sur les mers

et suis ren­tré tout de suite à Ithaque.

 

Pan­delis BOUKALAS, né en 1957, traite de mort et d’amour, auteur de « Phrases » :

 

Prométhée

Jamais je n’ai beau­coup parlé

mais j’ai appris en temps voulu la langue du feu

quelle autre est plus directe

et brille en brûlant chaque chaîne

Je ne sup­porte pas tout ce vide en eux

Fab­ri­quer des bon­shommes ou plutôt des pantins

qui leur ser­vent de jouets

foudroy­er con­sumer submerger…

 

Thanas­sis HATZOPOULOS, né en 1961, analyse la Grèce « brûlante de l’actualité » :

 

Maisons de réfugiés I

Murs creusés par des balles

Trous non digérés par le temps

 

Crépis imprégnés de pluie

Temps qui n’ont pas vu le jour…

-

Trot­toir

Ça empeste la pisse

Et l’angoisse du ciel parvient jusqu’ici

Réfrac­tée dans les rues tortueuses

De toponymes…

 

 Yeo­ryia TRIANDAFYLLIDOU, née en 1968, écrit entre douleur, humour et hom­mage à l’altérité. Elle a pub­lié « Prêts à fonds per­dus » (2016).

 

Ville amoureuse

III

Je veux unir ma des­tinée à celle d’un con­duc­teur de bus. Non parce qu’il est devenu courant de tomber amoureux des maçons, des fac­teurs, des fer­railleurs, des marins, des vendeurs de bil­lets de loterie, comme si l’amour s’était sou­venu d’eux alors qu’avant ce qui évo­quait l’amour c’était tout cela : la brique rouge, la salive sur l’enveloppe, le fer pointu, le bateau, le hasard…

 

Yor­gos LILLIS, né en 1974, traite de soli­tude, d’homme comme « île », en frag­ments comme d’humbles appels :

 

Micro­cosme

Les arbres s’arrêtent pile au précipice.

Ils ren­fer­ment l’endurance et la force

tels des phares naturels, ici, dans ce paysage aride…

-

Arle­quin

Les étoiles peu­vent tomber

sans que les pleure aucun cortège

un moineau peut mourir et les feuilles mortes

not­er sur leurs pages vertes son absence…

 

Yor­gos  ALISANOGLOU, né en 1975, atten­tif à « l’immense rumeur du monde », signe « Aire de jeux » (2015) :

 

Guerre / Pest à Buda

Cette guerre a eu lieu

au bord d’une carte

 

les com­man­de­ments 

sans cesse plus confus

sans cesse plus menteurs

 

les embus­cades en foule de la nuit

guet­taient ta chute…

 

Haris PSARRAS, né en 1982, mêle mythes antiques et famil­iar­ité mod­erne, écrit « La gloire de l’insouciance » :

 

Nuit blanche

La neige a obstrué les routes cette nuit.

Elle a ses pro­pres lois, la vie.

Nous les  trou­vons par­fois cruelles

Et par moments justes et sages.

 

Elèni TZATZIMAKI, née en 1986, va d’elle au monde, en un ques­tion­nement cen­sé éclair­er la vie, auteur de « à qui appar­tient une his­toire ? » (2015) :

 

A qui appar­tient une histoire ?

J’ai con­tin­ué de frot­ter le sol plein de tach­es de pas.

Des pas dans la mai­son partout

De divers pas­sants, vivants ou non…

 

De très belles décou­vertes, convenons-en.

 

Présentation de l’auteur

Michel Volkovitch

Michel Volkovitch est né en 1947. Pro­fesseur d’anglais en lycée, il a traduit une quar­an­taine d’au­teurs  grecs con­tem­po­rains, 190 poètes, des chants et des chan­sons rebèti­ka, des pièces de théâtre. Il enseigne la tra­duc­tion à Paris et Brux­elles. Ses tra­duc­tions ont reçu sept dif­férents prix en France et en Grèce. Il a fondé en 2013  le Miel des anges, mai­son d’édi­tion qui a pour objec­tif de faire con­naître les poètes, les nou­vel­listes et les dra­maturges grecs.

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Philippe Leuckx

Né à Havay en 1955. Etudes de let­tres romanes.
Mem­bre de l’As­so­ci­a­tion des Ecrivains belges.
Cri­tique dans plusieurs revues et blogs (Jour­nal des poètes, Fran­coph­o­nie vivante, Bleu d’en­cre, poez­ibao, Les Belles Phras­es, revue Tex­ture…)

Prix Emma-Mar­tin 2011.

Auteur d’une trentaine de livres et pla­que­ttes de poésie : Une ombreuse soli­tude, Comme une épaule d’om­bres, Le fraudeur de poèmes, Le fleuve et le cha­grin, Touché cœur, Une espèce de tour­ment ?, Rome rumeurs nomades, Selon le fleuve et la lumière, Un pié­ton à Barcelone, Rome à la place de ton nom, D’enfances…

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