Marc Dugardin, Personne dis-tu

Par |2025-06-29T08:29:52+02:00 29 juin 2025|Catégories : Critiques, Marc Dugardin|

Le poète Dugardin n’est pas de ceux qui exposent leur vie pour en tir­er des poèmes auto­bi­ographiques. Il s’ex­prime dans le retrait et le “je” qui s’y lit n’est pas per­son­nel jusqu’à faire oubli­er la portée uni­verselle de ses textes, déchi­rants, qui rameu­tent blessures et enfances.

Chaque poème, répar­ti en plusieurs tranch­es (mono­stich­es, dis­tiques, ter­cets, qua­trains), n’est jamais un bloc de sens comme si la flu­id­ité, le chant se révélait par march­es, pans. Si bien que le lecteur prend fait et cause de cet halète­ment pro­fond qui coule sous ses yeux.

Le “je” sem­ble rap­pel­er à lui des images de femmes : la mère, l’amoureuse. Ce fut sou­vent blessure avec celle qui don­na le jour au nar­ra­teur qui se sou­vient. L’échange ne fut pas facile si même il fut.

C’est comme l’é­cho d’une “pierre dans un puits”.

Et qui saisit-on? Per­son­ne, selon le titre. Ou sinon un cer­tain savoir, ignoré de soi, de loin cousu, “beauté déchi­rante” ou “urgence de mon cri”.

Qui par­le sous ces mots, dans des vers en devenir, au rythme sou­verain (3/3/2/2/2 — 1/1/2/2/3/1), dans la coulée du recueil, sans majus­cule ni point, comme d’une seule venue — la vie et son rythme?

Les mots du poète ne con­tre­dis­ent jamais la douceur ou l’in­dul­gence, et il y a quelque espoir — au fond, en dépit de tout — comme “une lente migration/sous tes paupières” ou “en fil­igrane de ton absence/ la preuve que tu existes”.

J’aime dans cette poésie la justesse posée pas à pas, sans cer­ti­tude encom­brante, ni leçon, ni vin­dicte. Seule­ment, l’a­juste­ment d’une âme à ce qu’elle tente de com­pren­dre, du monde, des autres, de soi.

Marc Dugardin, Per­son­ne dis-tu, Rougerie, 2025, 64 p., 12 euros. Pré­face d’Anouk Delcourt.

Présentation de l’auteur

Marc Dugardin

Marc Dugardin est né à Water­­mael-Boit­s­­fort le 27 novem­bre 1946. Habite actuelle­ment à Namur. A tra­vail­lé comme édu­ca­teur spé­cial­isé puis dans l’Enseignement de Pro­mo­tion Sociale. Mem­bre du comité de rédac­tion du Jour­nal des Poètes. Lau­réat de la Bourse Spes de poésie en 2005. A pub­lié, unique­ment en poésie, une dizaine de titres depuis 1982. Une poésie nour­rie par l’écoute de la musique, un chem­ine­ment d’homme entre désar­roi et émer­veille­ment, une soli­tude qui entre en réso­nance avec le chœur des vivants.

Marc Dugardin

 

Bib­li­ogra­phie

  • Con­nivences, Flé­malle, Vérités, 1982
  • Itinéraires de la patience, Brux­elles, Le Cormi­er, 1984
  • Ricer­care, Flé­malle, L’Arbre à paroles, 1984
  • Poème des matins exigeants, Mortemart, Rougerie, 1986
  • Une par­en­thèse pour le vent, Mortemart, Rougerie, 1989
  • Un pas pour l’éphémère, un pas pour l’éternel, Mortemart, Rougerie, 1993
  • La peur la pléni­tude, Amay, L’Arbre à paroles, 1994
  • L’écoute infin­i­ment, Mortemart, Rougerie, 1999
  • Adieux, en col­lab­o­ra­tion avec Lucien Noullez, Brux­elles, Edi­tions de l’Ours, 2000
  • Soli­tude du chœur, Mortemart, Rougerie, 2002
  • Hov­e­nieren in ver­getel­heid / Jar­diner dans l’oubli, Leu­ven, Edi­tions P, 2002
  • Stances, Amay, L’Arbre à paroles (col­lec­tion Tex­tim­age – avec deux gravures de Jean Ver­ly), 2004
  • Frag­ments du jour, Mortemart, Rougerie, 2004
  • Een­zame samen­zang en andere gedicht­en / Soli­tude du chœur et autres poèmes, Leu­ven, Edi­tions P, 2005
  • Soupi­rail d’enfance, Mortemart, Rougerie, 2007
  • A la escucha, Mex­i­co, Edi­tions Fos­foro, 2009
  • Voyageurs que nous sommes  (avec des pho­togra­phies de Muriel Claude), Brux­elles, La Ravine, 2009
  • Dans l’oreille pro­fonde, Châte­lin­eau, le Tail­lis Pré, 2010
  • Over en weer/ De part et d’autre  (en col­lab­o­ra­tion avec Mar­leen De Crée, gravures de Goedele Peeters), Leu­ven, Edi­tions P, 2011
  • D’écluse en écorce (en col­lab­o­ra­tion avec Alexan­dre Valas­sidis), Paris, L’herbe qui trem­ble, 2011
  • In memo­ri­am, tirage lim­ité à 20 exem­plaires avec des col­lages de Max Partezana, édi­tions Cen­trifuges, 2011
  • Quelqu’un a déjà creusé le puits, Mortemart, Rougerie, 2012

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Philippe Leuckx

Né à Havay en 1955. Etudes de let­tres romanes.
Mem­bre de l’As­so­ci­a­tion des Ecrivains belges.
Cri­tique dans plusieurs revues et blogs (Jour­nal des poètes, Fran­coph­o­nie vivante, Bleu d’en­cre, poez­ibao, Les Belles Phras­es, revue Tex­ture…)

Prix Emma-Mar­tin 2011.

Auteur d’une trentaine de livres et pla­que­ttes de poésie : Une ombreuse soli­tude, Comme une épaule d’om­bres, Le fraudeur de poèmes, Le fleuve et le cha­grin, Touché cœur, Une espèce de tour­ment ?, Rome rumeurs nomades, Selon le fleuve et la lumière, Un pié­ton à Barcelone, Rome à la place de ton nom, D’enfances…

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