Eugenio de Signoribus

Par | 11 janvier 2016|Catégories : Blog|

Euge­nio De Sig­noribus est né dans les March­es en 1947.

Oeu­vre :
Case per­dute (1976–1985), post­face de Gio­van­ni Giu­di­ci, Ascoli Piceno, Mar­ka, 1986
Altre edu­cazioni (1980–1989), Milan, Cro­cetti, 1991
Ist­mi e chiuse (1989–1995), Venise, Mar­silio, 1996
Prin­ci­pio del giorno (1990–1999), Milan, Garzan­ti, 2000
    tra­duc­tion française de Thier­ry Gilly­bœuf, Au com­mence­ment du jour, pré­face de Mar­tin Rueff, Édi­tions de la Nerthe, 2011
Memo­ria del chiu­so mon­do, Mac­er­a­ta, Quodli­bet, 2002
Ron­da dei con­ver­si (1999–2004), Milan, Garzan­ti, 2005
    tra­duc­tion française de Mar­tin Rueff, Ronde des con­vers, pré­face d’Yves Bon­nefoy, Lagrasse, Verdier, 2007
Poe­sie (1976 — 2007), Milan, Garzan­ti, 2008
Nes­sun luo­go è ele­mentare, Édi­tions Alber­to Tal­lone, 2010
Trinità del­l’e­so­do (2005–2010), Milan, Garzan­ti, 2011
 

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Eugenio De Signoribus

Par | 3 septembre 2013|Catégories : Blog|

O Toi, habi­tant du vil­lage mon­di­al, je m’adresse à toi à la romaine, par le tu citoyen, toi dont les épaules sup­por­t­ent la charge de l’im­puis­sance, de l’à quoi bon et du renon­ce­ment délavé à la tein­ture des fêtes mon­di­ales, des ren­dez-vous spec­tac­u­laires et du com­merce diver­tis­sant. Tes épaules sont les épaules du monde. Tes yeux sat­urés par l’hyp­nose des évène­ments sanglants sur lesquels tu ne peux rien, tes yeux sont les yeux de la terre. Ton cœur trans­génique est le cœur des peu­ples de l’après-monde. Celui des tran­shu­mains. Mais ta langue, citoyen, ta langue, que peut-elle ? Ta langue a‑t-elle encore la force de chanter d’autres chants que ceux du désas­tre low-cost ?

Un grand poète est là. Sa langue est haute. Sa vision claire. Il se nomme Euge­nio De Sig­noribus. Il est ital­ien. L’I­tal­ie des March­es. Invitée dans un col­loque uni­ver­si­taire con­sacré à la poésie française, j’ai con­ver­sé avec l’un des émi­nents pro­fesseurs dont la com­mu­ni­ca­tion m’avait vive­ment par­lée. A l’évo­ca­tion du chef d’œu­vre de Sig­noribus pub­lié en France, Ronde des con­vers, j’ai lu l’in­ter­ro­ga­tion sur le vis­age de mon inter­locu­teur. Il ne con­nais­sait pas. La poésie ? Une matière d’é­tude uni­ver­si­taire. Mais pas un act­if du vivant. Réclu­sion fatale au soin de l’être, au soin de l’homme. Con­tra­dic­tion ter­ri­ble con­sis­tant à, lit­térale­ment, don­ner des leçons à par­tir des œuvres du passé, et éviter le présent cap­i­tal, l’in­térêt pour ce qui se joue ici, main­tenant, pour l’e­spèce humaine.

Cette con­di­tion dans laque­lle on tient le poème en France est l’é­tat en réal­ité dans lequel on tient la langue, le pro­pre de notre pos­si­ble le plus man­i­feste, le plus sub­til aus­si, le plus frag­ile sans doute, le plus com­plexe, le plus digne d’attention.

Euge­nio De Sig­noribus est vivant. Il est là, près de nous, dans les March­es. Héri­ti­er des plus grands. De Celan. D’Hölder­lin. De Dante trans­posé à la con­di­tion his­torique de la langue qui est la notre aujourd’hui.

Ronde des con­vers est un livre rare. Com­posée de 7 par­ties, entre 1999 et 2004, c’est à dire au moment du pas­sage au troisième mil­lé­naire, dans ce creuset du bas­cule­ment sym­bol­ique de l’ère humaine après Jésus-Christ, cette ronde “offre les images et les paroles des con­vers” comme le dit Mar­tin Rueff, tra­duc­teur et auteur d’une post­face de l’ou­vrage, avant d’a­jouter “ce à quoi le con­vers est appelé à se con­ver­tir c’est à la pureté de la vie nue, à l’ex­po­si­tion même de sa nudité. La “ronde” désigne l’ensem­ble des humains pris dans leur voy­age. (…) La ronde offre alors l’im­age de la com­mu­nauté décen­trée, vouée aux ter­res “déman­telées” ; elle indique, sans toni­tru­ance, une poli­tique à venir : un lien choisi, délibéré, mains ten­dues et mains jointes”.

Les con­vers, ce sont les hommes, les femmes, les enfants de ce temps, nous autres errants, provenants, dans un monde ayant tant décen­tré l’hu­main de sa mesure à regard d’homme. Notre ronde pour­rait être celle tournée vers le vis­age de la langue nue, c’est à la dire de la con­science ontologique sans illu­sion insane, sans renon­ce­ment à la con­fronta­tion avec la vio­lence con­tre les peu­ples, avec la détresse. La ronde est ce mou­ve­ment vers le nu de la langue après les désas­tres suc­ces­sifs qui décousent l’in­térieur de l’hu­man­ité. Le nu de la langue, c’est à dire l’essence de la con­science con­tin­u­ant son voy­age à tra­vers la grande aven­ture de l’homme.

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EUGENIO DE SIGNORIBUS

Par | 1 septembre 2013|Catégories : Blog|

“Week-end” est une sec­tion du recueil “Case per­dute” (“Maisons per­dues”) qui paraitra prochaine­ment, en 2014, aux édi­tions de la Feu­graie, avec la tra­duc­tion d’An­dré Ughet­to. Deux autres sec­tions du même recueil ont été pub­liées par la revue “Fario” en 2011.

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EUGENIO DE SIGNORIBUS

Par | 25 août 2013|Catégories : Blog|

 

Cher Euge­nio De Sig­noribus, cet entre­tien est un hon­neur pour Recours au Poème tant nous vous savons davan­tage enclin à laiss­er par­ler vos livres plutôt que vous-même.Votre parole appa­rait en France en 2007, avec la tra­duc­tion par Mar­tin Rueff de votre livre Ronde des con­vers, paru aux édi­tions Verdier. 
A quoi la Ronde des con­vers est-elle une invi­ta­tion à se convertir ?

La Ronde des con­vers ne veut pas être une invi­ta­tion à se con­ver­tir au sens religieux du terme. Elle est plutôt la néces­saire annonce d’une con­ver­sion intérieure, tout humaine. Les con­vers sont ceux qui « con­ver­tis­sent », à l’intérieur d’eux-mêmes, le « non » de notre époque médiocre en un « oui » à l’espérance : on peut, on doit encore témoign­er soit de la trahi­son de la civil­i­sa­tion, soit de la spi­rale du bien, où qu’on la trouve.

 

 

Dans la pré­face de ce livre, Yves Bon­nefoy dit percevoir des échanges entre votre poésie et celle de Dante. Pour­riez-vous éclairez ces échanges ?

Ce que j’entends par livre de poésie, c’est un par­cours cohérent depuis une sit­u­a­tion de départ (psy­chologique, émo­tion­nelle, intel­lectuelle) jusqu’à un point d’arrivée – qui est une sit­u­a­tion pro­vi­soire au delà de laque­lle je ne peux avancer…. Donc un par­cours dans la recherche de vérité, qui s’enfonce dans son pro­pre mal comme dans celui  col­lec­tif, qui tâche de le tra­vers­er, qui cherche à remon­ter… Pour ren­dre compte de ce pas­sage, la langue poé­tique doit recourir à toutes les pos­si­bil­ités : au niveau du lex­ique ancien et cul­tivé, au par­ler pop­u­laire et domes­tique, au « vul­gaire » con­tem­po­rain jusque dans ses néol­o­gismes (lorsque la langue tra­di­tion­nelle ne paraît pas capa­ble d’exprimer le perçu  de manière adéquate). Dans cette « con­struc­tion » du livre, on peut voir, sur son fond orig­i­naire, la leçon dantesque. 

 

 

Le poète d’au­jour­d’hui doit-il aus­si être un témoin des “lais­sés-pour-compte” et de la dilata­tion de la misère ?

Le poète est le témoin de sa pro­pre con­science. Il ne peut inven­ter ce qu’il n’a ou ne sent pas, puisque sa parole serait fausse, privée de fia­bil­ité. Et la con­science est sans le savoir comme un papi­er absorbant. Ce qu’elle a enreg­istré revient en sur­face plus tard, par­fois longtemps après: rien n’assure que cela devi­enne poésie, ou quelque chose de sem­blable. Plus sou­vent il arrive que la tache demeure sem­blable à une blessure impos­si­ble à cicatriser.

 

 

Il y a, dans votre poésie, une dimen­sion poli­tique. La France, aujour­d’hui, a relégué à des­sein le poème au rang d’une orne­men­ta­tion désuète. Comme pour mieux cacher, incon­sciem­ment, la puis­sance con­ju­gale qui la lie à la vie. Vous n’a­ban­don­nez aucune ligne de force du poème. Quelle espérance, ou quel “salut” semez-vous en lui ?

Une dimen­sion poli­tique existe. Non pas telle­ment au sens éty­mologique d’appartenance à une polis et à l’idée qui la con­stitue qu’à celui d’une pul­sion éthique que ma citoyen­neté dirige vers le genre humain (dont la vision com­posée est une utopie). Je vis dans une petite local­ité fer­mée, avec un ressen­tir illim­ité… Dans ma fréquente soli­tude, je par­ticipe, j’absorbe, j’intériorise. Les fig­ures poé­tiques qui cer­taines fois en découlent, se voudraient sans lat­i­tudes, uni­verselles. Cepen­dant, issues d’événements locaux, je cherche à tra­vailler les émo­tions et les images afin de les ren­dre exem­plaires, plus résis­tantes, dans le temps présent et hors de lui. A ces textes je con­fie ma cri­tique poé­tique-poli­tique de toute déshumanisation.

 

 

Vous dites, dans le poème qui clôt “Dans le pas­sage du mil­lé­naire” : “c’est pour la fig­u­ra­tion d’une idée que je veux être, pour tous les instants qui précè­dent, et qui pour­raient être tournés vers le bien”. Le temps présent peine à dis­tinguer le bien d’avec le mal : qu’en­ten­dez-vous par “tournés vers le bien” ?

Oui, je veux être pour la fig­u­ra­tion d’une idée, c’est- à ‑dire de l’utopie ci-dessus indiquée. L’utopie est lit­térale­ment le lieu qui n’est pas mais, en même temps, le lieu que l’on peut « voir » par la force de la vision, ou, plus mod­este­ment, par celle d’une pré-vision. Beau­coup, trop, se sont résignés à con­stater les actes et à les analyser (même les plus dra­ma­tiques) une fois sur­venus. (Et l’histoire n’enseigne rien). Les prévoir peut au moins réduire le poten­tiel de l’erreur, l’apocalypse qui dépend des mains de l’homme.  L’instant d’avant peut nous sauver… Je con­sid­ère, par exem­ple, ces deux macro-thèmes : où nous con­duira l’obscure ter­ri­ble inas­sou­viss­able finance con­cen­tra­tionnaire ? En face de cer­taines castes transna­tionales et de «par­adis ter­restres » relat­ifs for­ti­fiés comme des  bunkers invis­i­bles, que fer­ont, dans quelques années, dix mil­liards d’êtres « vivants » sur une planète dénaturée et mod­i­fiée ?… Se tourn­er vers le bien pos­si­ble est peut-être encore pos­si­ble : si ce ne saurait être le bon­heur pour tous, on doit au moins prévoir, pour le désamorcer, le crois­sant mal­heur de la plu­part, en par­tant des plus hum­bles et des moins con­scients (ani­maux compris).

 

 

LES PROVENANTS

 

des nœuds les plus encordés
depuis les nich­es des corps
les con­vers arrivent dans la cour

naturels ils vont tous à leur place
de sorte que, à les voir toutes occupées,
se forme un cer­cle de têtes introverties

à l’in­térieur il fait signe et prononce,
un fil sub­til en noue l’existence
de con­science et de vaste pitié…

alen­tour on croirait, vif, un torrent…
mais l’air est net et vide,
hors du cer­cle le néant visible

 

 

Pour­riez-vous nous par­ler de ce poème, fon­da­men­tal pour notre temps, et que nous voyons comme un amer silen­cieux aiman­tant à lui les présences recueil­lies vers un chemin d’avenir ?

« Les provenants » sont des fig­ures tou­jours présentes, de toutes les épo­ques. Ce sont les pèlerins, ce sont les réfugiés, ceux qui vont et ceux qui fuient ; et ils se ren­con­trent aus­si avec les séden­taires, les « blo­qués », c’est-à-dire ceux qui bougent en eux-mêmes, en même temps pèlerins et réfugiés. Les provenants sont ceux qui ont con­nu la douleur et le décourage­ment, mais ont con­servé de la pitié, non pour eux-mêmes mais pour l’humanité sans armes.  Ce sont les justes, tel « le nou­v­el Abel » (dans la poésie homonyme de Ronde des con­vers) ou le « vécu-vivant » (de Trinité de l’exode, livre qui a suivi la Ronde) : ils tra­versent sans cesse l’histoire, en quête d’indices de renaissance.

 

 

Quelle impor­tance revêt la notion de péni­tence pour le poète, puisque vous employez ce mot issu de notre tra­di­tion chré­ti­enne, mais aus­si pour les lecteurs qui vous lisent ?

La péni­tence est la con­séquence de la faute, ou du sens de la faute. J’en suis, comme d’autres imprégné. Je con­state les carences de mon action. Je suis impuis­sant face aux prob­lé­ma­tiques de notre temps et à leur dégénéres­cence. Certes, je ne suis pas le seul : mais au moins puis-je répon­dre de moi. J’aug­mente mon atten­tion, mon écoute, de façon  spas­mod­ique. Je vais au-delà de mes forces. Je me décourage et tombe. Le moine, à l’écart du monde, prie, avec foi et con­fi­ance. Le poète, dans le monde, peut écrire sa poésie. S’il ne réus­sit pas, il entre dans la con­di­tion du péni­tent: un lourd silence habité par une souf­france vaste, sans nom et sans mot.

 

 

AVANT L’ALPHABET

 

avant l’al­pha­bet
je décou­vris la let­tre entière…
la secrète, le mystère
du mes­sage amoureux,
le corps inconnu
de la parole écrite

pour le temps sans défense
j’as­siégeai la forteresse
de la page, le là
le châs­sis suspendu

avant la vérité
je recon­nus la lettre

puis elle se fit alphabet
et l’al­pha­bet temps

 

 

Votre poésie est riche de mots char­ri­ant des racines se liant dans une terre insoupçon­née. Cet enchevêtrement con­duit-il à l’origine ?

Cette poésie fait référence à l’o­rig­ine de ma décou­verte du mot: le lire, pou­voir en com­pren­dre le sens, avant même de con­naître les élé­ments alphabé­tiques qui le com­po­saient. Cela naquit du désir irré­sistible de savoir ce que s’écrivirent mes par­ents, à par­tir de leurs fiançailles, dans les péri­odes de guerre et d’éloigne­ment. Par ce “siège” obstiné j’ai appris, avec la souf­france aveu­gle des enfants, le lex­ique essen­tiel du lan­gage amoureux… Plus tard seule­ment, en allant à l’é­cole, je recom­mençai mon appren­tis­sage par l’alphabet, je con­nus la dic­tature du cal­en­dri­er et la men­ace des faits… Mais le dévoile­ment du corps des mots a été la plus grande décou­verte de ma vie.

 

 

Des lignes de force se mari­ent dans votre poésie : la dimen­sion poli­tique, religieuse et bien sur la dimen­sion poé­tique par laque­lle le poète agit sur le monde. Mais, Euge­nio De Sig­noribus, le poète agit-il sur le monde ? 

Mal­gré tous ses efforts, le poète n’agit pas sur le monde. Moins que jamais sur le monde actuel. Il n’a de voix que pour de petites com­mu­nautés. La poésie germe de façon souter­raine et peut faire que nous nous décou­vri­ons frater­nels. Elle peut étay­er sa langue pro­pre, peut aider à la sauver. Peut consoler.

 

Traduit de l’i­tal­ien en français par André Ughetto

 

Entre­tien en italien

 

Caro Euge­nio De Sig­noribus, i vostri poe­mi ven­gono tradot­ti in Fran­cia nel 2007, tradot­ti de Mar­tin Rueff del vostro libro Ronde des Con­vers, nelle edi­zioni Verdier. Ques­ta inter­viste è un onore per Recours au Poème, anco­ra di più sapen­do quan­to lei sia più incline a par­lare attra­ver­so i suoi lib­ri piut­tosto che vocal­mente. In quan­to la Ronde des Con­vers è un invi­to alla conversione?

Ronde des con­vers non vuole essere un invi­to alla con­ver­sione in sen­so reli­gioso. Piut­tosto è l’annuncio nec­es­sario di una con­ver­sione inte­ri­ore, tut­ta umana. I con­ver­si sono quel­li che “con­vertono”, den­tro se stes­si, il “no” del mediocre tem­po in atto in un “sì” alla sper­an­za: si può, si deve, anco­ra tes­ti­mo­ni­are sia il tradi­men­to del­la civiltà, sia ogni spi­raglio di bene.

 

 

Nel­la pre­fazione del libro, Yves Bon­nefoy dice di risen­tire degli scam­bi tra la vos­tra poe­sia e quel­la di Dante. Potreste, cortese­mente, illu­mi­nar­ci su questi scambi?

Inten­do il libro di poe­sia come un per­cor­so coer­ente da uno sta­to di parten­za (psi­co­logi­co, emo­ti­vo, di pen­siero) a uno di arri­vo: cioè a uno sta­to sem­pre provvi­so­rio ma oltre il quale non so pro­cedere… Un per­cor­so dunque di ricer­ca di ver­ità, che affon­da nel pro­prio male e in quel­lo col­let­ti­vo, cer­ca di attra­ver­sar­lo, cer­ca di risalire… Per dare con­to di questo pas­sag­gio, la lin­gua poet­i­ca deve cer­care di far ricor­so a tutte le pos­si­bil­ità: dal lessi­co anti­co e colto, alla par­la­ta popo­lare e domes­ti­ca, al “vol­gare” con­tem­po­ra­neo fino ai neol­o­gis­mi (quan­do la lin­gua tradizionale non appare in gra­do di esprimere adeguata­mente la percezione). In ques­ta “costruzione” del libro, si può vedere, sul­lo sfon­do orig­i­nario, la lezione dantesca.

 

Il poeta di oggi deve essere il tes­ti­mone del­la mis­e­ria di ques­ta epoca e dare voce ai poveri ?

Il poeta è il tes­ti­mone del­la pro­pria coscien­za. Non può inven­tar­si ciò che non ha o non sente, per­ché la sua paro­la sarebbe fal­sa e inaf­fid­abile. E la coscien­za è come una car­ta assor­bente, incon­sapev­ole. Quel­lo che ha “reg­is­tra­to” tor­na a gal­la in momen­ti suc­ces­sivi, a volte molto dis­tan­ti: né è det­to che diven­ti poe­sia, o qual­cosa che le assomigli. Più spes­so accade che la mac­chia resti come una feri­ta, non rimarginabile.

 

 

Esiste, nel­la vos­tra poe­sia, una dimen­sione polit­i­ca. La Fran­cia di oggi ha rel­e­ga­to la pro­pos­ta del­la poe­sia a ran­go di orna­men­to, questo per nascon­dere incon­sci­a­mente la poten­za coni­u­gale che la unisce alla vita. Lei non las­cia nes­suna ligna di forza del poe­ma. Quale espe­rien­za, o quale salvez­za da al poema ?

Una dimen­sione polit­i­ca esiste. Non tan­to nel sen­so eti­mo­logi­co di apparte­nen­za a una polis e all’idea che la dis­eg­na, quan­to nel­la pul­sione eti­ca che la mia cit­tad­i­nan­za è il genere umano (e la sua visione com­pos­i­ti­va è un’utopia). Vivo in un pic­co­lo pos­to chiu­so con un sen­tire scon­fi­na­to… Nel­la fre­quente soli­tu­dine, parte­cipo, assor­bo, inte­ri­or­iz­zo. Le fig­ure poe­matiche che, a volte, ne derivano, vor­reb­bero essere sen­za lat­i­tu­di­ni, uni­ver­sali. Pur pren­den­do spun­to da avven­i­men­ti locali, cer­co di rielab­o­rare le emozioni e le immag­i­ni per ren­der­le esem­plari, più resisten­ti, nel tem­po cor­rente e fuori di esso. A questi testi affi­do la mia crit­i­ca poet­i­co-polit­i­ca di ogni disumanizzazione.

 

 

Lei dice, nel­la poe­sia che chi­ude “Dans le Pas­sage du Mil­lé­naire”, “c’est pour la fig­u­ra­tion d’une idée que je veux être, pour tous les instants qui précè­dent, et qui pour­raient être tournés vers le bien”. Oggi abbi­amo grande dif­fi­coltà a dis­tinguere il bene e il male : cosa intende per “ver­so il bene”?

Sì, voglio essere per la fig­u­razione di un’idea, cioè dell’utopia sopra accen­na­ta. L’utopia è let­teral­mente il luo­go che non c’è ma è, allo stes­so tem­po, il luo­go che si può “vedere” con la forza del­la visione, o con lo sfor­zo di una visione, o, più mod­esta­mente, di una pre-visione. Molti, trop­pi, si sono rasseg­nati a con­statare gli atti e ad anal­iz­zarli (anche i più dram­mati­ci) una vol­ta avvenu­ti. (E la sto­ria non inseg­na nul­la). Preved­er­li può almeno diminuire la poten­za dell’errore, l’apocalisse che è nelle mani dell’uomo. L’attimo pri­ma può sal­var­ci… Riguar­do, per esem­pio, a due macro-temi: dove ci con­dur­rà l’oscura ter­ri­bile inar­resta­bile finan­za con­cen­trazionar­ia? A fronte di alcune caste transnazion­ali e a rel­a­tivi “par­a­disi ter­restri” for­ti­fi­cati come bunker invis­i­bili, che faran­no, tra alcu­ni anni, i dieci mil­iar­di di esseri “viven­ti” su un piane­ta snat­u­ra­to e mod­i­fi­ca­to?… Vol­gere ver­so il bene pos­si­bile è forse anco­ra pos­si­bile: se non può essere la felic­ità di tut­ti, si deve almeno provvedere, a depoten­ziare la cres­cente infe­lic­ità dei molti, a par­tire dai più umili e incon­sapevoli (ani­mali compresi).

 

 

I PROVENIENTI

 

dai più incor­dati nodi
dalle nic­chie dei corpi
nel cor­tile giun­gono i conversi

tut­ti van­no nat­u­rali ai posti
cosὶ che tut­ti a ved­er­li abitati
for­mano un cer­chio di capi introversi

den­tro di sé indizia e pronuncia,
un filo sot­tile l’e­sisten­za ne lega
di coscien­za e vas­ta pità…

sem­bra nei pres­si vivo un torrente…
l’aria invece è niti­da e vuota,
fuori dal cer­chio il vis­i­bile nulla

 

 

Potrebe parl­ci di ques­ta poe­sia, fon­da­men­tale per il nos­tro tem­po, e che noi vedi­amo come un amaro silen­zioso che atti­ra ver­so di lui le pre­sen­ze rac­colte ver­so un camino futuro?

“I prove­ni­en­ti” sono fig­ure sem­pre pre­sen­ti, in tut­ti gli evi. Sono i pel­le­gri­ni, sono i profughi, col­oro che van­no e col­oro che fug­gono: e si incon­tra­no anche con gli stanziali, i bloc­cati, cioè quel­li che si muovono den­tro se stes­si, pel­le­gri­ni e profughi allo stes­so tem­po. I prove­ni­en­ti sono quel­li che han­no conosci­u­to il dolore e lo scon­for­to ma han­no con­ser­va­to la pietà, non per se stes­si ma per l’umanità inerme. Sono i giusti, come “il nuo­vo Abele” (esem­pla­to nell’omonima poe­sia in Ron­da dei con­ver­si) o “il vis­su­to-vivente” (in Trinità dell’esodo, libro suc­ces­si­vo alla Ron­da), che attra­ver­sano inces­san­te­mente la sto­ria alla ricer­ca di indizi di rinascita.

 

 

Quale impor­tan­za ha la nozione di pen­iten­za per il poeta, dato che lei uti­liz­za ques­ta paro­la prove­niente dal­la tradizione cristiana

La pen­iten­za è la con­seguen­za del­la col­pa, o del sen­so di col­pa. Come altri, ne sono intriso. La mia azione è car­ente. Sono impo­tente di fronte alle prob­lem­atiche dei tem­pi e alle loro degen­er­azioni. Non sono cer­to il solo: ma io pos­so rispon­dere soltan­to di me. Aumen­to spas­modica­mente la mia atten­zione, il mio ascolto. Vado oltre le mie forze. Mi scon­for­to e cado… Il mona­co, fuori dal mon­do, pre­ga, affi­da e con­fi­da. Il poeta, nel mon­do, può scri­vere la sua poe­sia. Se non riesce, entra nel­la con­dizione del pen­i­tente: un grave silen­zio abi­ta­to da un vas­to dolore, sen­za nome, sen­za parola.

 

 

 

PRIMA DELL’ALFABETO

 

pri­ma dell’alfabeto
sco­prii l’in­tera lettera
la seg­re­ta, il mistero
del mes­sag­gio amoroso,
l’in­conosci­u­to corpo
del­la scrit­ta parola

per il tem­po indifeso
asse­di­ai la fortezza
del­la pag­i­na, il là,
il telaio sospeso…

pri­ma del­la verità
riconob­bi la lettera

poi diven­tò alfabeto
e l’al­fa­beto tempo

 


La vos­tra poe­sia è ric­ca di parole con radi­ci si ritrovano nel­la ter­ra inat­te­sa. Questi incon­tri, questo tes­su­to con­duce all’origine?

In ques­ta poe­sia si accen­na all’origine del­la mia scop­er­ta del­la paro­la: leg­ger­la, poterne com­pren­derne il sen­so, pri­ma anco­ra di conoscere gli ele­men­ti alfa­beti­ci che la com­ponevano… Nacque dall’irrefrenabile deside­rio di sapere cosa si scrivessero i miei gen­i­tori, da sposi promes­si, in tem­pi di guer­ra e di lon­tanan­za. Da quel tes­tar­do “asse­dio” appre­si, con la cieca sof­feren­za dei bam­bi­ni, il lessi­co essen­ziale del lin­guag­gio amoroso… Solo più tar­di, andan­do a scuo­la, ricom­in­ci­ai dall’alfabeto, conob­bi la dit­tatu­ra del cal­en­dario e la minac­cia dei fat­ti… Ma lo sve­la­men­to del cor­po del­la paro­la è sta­ta la più grande scop­er­ta del­la mia vita.

 

 

Delle ligne di forza si unis­cono nei vostri poe­mi : la dimen­sione polit­i­ca, reli­giosa e cer­ta­mente la dimen­sione poet­i­ca attra­ver­so la quale il poeta agisce sul mon­do. Ma, Euge­nio, il poeta agisce sul mondo?

Mal­gra­do tut­ti gli sforzi, il poeta non agisce sul mon­do. Meno che mai sull’attuale. Ha voce solo per pic­cole comu­nità. La poe­sia ger­mi­na in modo sot­ter­ra­neo e può far­ci sco­prire fraterni.

Può pun­tel­lare la pro­pria lin­gua, può aiutare a sal­var­la. Può consolare.

 

Tra­duc­tion des ques­tions du français vers l’i­tal­ien, Sil­vio Martini

 
 
Pro­pos recueil­lis par Gwen Garnier-Duguy
Recours au Poème remer­cie Sil­vio Mar­ti­ni, Jean Mai­son et André Ughet­to pour la pos­si­bil­ité de cet entretien.
 
 
 
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Gwen Garnier-Duguy

Gwen Gar­nier-Duguy pub­lie ses pre­miers poèmes en 1995 dans la revue issue du sur­réal­isme, Supérieur Incon­nu, à laque­lle il col­la­bore jusqu’en 2005.
En 2003, il par­ticipe au col­loque con­sacré au poète Patrice de La Tour du Pin au col­lège de France, y par­lant de la poé­tique de l’ab­sence au cœur de La Quête de Joie.
Fasciné par la pein­ture de Rober­to Mangú, il signe un roman sur son œuvre, “Nox”, aux édi­tions le Grand Souffle.
2011 : “Danse sur le ter­ri­toire, amorce de la parole”, édi­tions de l’At­lan­tique, pré­face de Michel Host, prix Goncourt 1986.
2014 : “Le Corps du Monde”, édi­tions Cor­levour, pré­facé par Pas­cal Boulanger.
2015 : “La nuit phoenix”, Recours au Poème édi­teurs, post­face de Jean Maison.
2018 : ” Alphabé­tique d’au­jour­d’hui” édi­tions L’Ate­lier du Grand Tétras, dans la Col­lec­tion Glyphes, avec une cou­ver­ture de Rober­to Mangù (64 pages, 12 euros).
En mai 2012, il fonde avec Matthieu Bau­mi­er le mag­a­zine en ligne Recours au poème, exclu­sive­ment con­sacré à la poésie.
Il signe la pré­face à La Pierre Amour de Xavier Bor­des, édi­tions Gal­li­mard, col­lec­tion Poésie/Gallimard, 2015.

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