La pro­fondeur poé­tique de Jean-François Mathé ne relève pas de l’en­racin­e­ment. Sa plongée dans le lan­gage tient de la con­tem­pla­tion du ciel, des nuages ;  de l’é­coute du silence et de ses présences qui, comme les mots, peu­vent ouvrir les per­spec­tives de la beauté, et révéler les pou­voirs séman­tiques du monde pour peu qu’on sache être sen­si­ble à leur com­pag­nie invis­i­ble. Voir dans la con­tem­pla­tion du ciel une per­fec­tion per­ma­nente, et per­ma­nente dans sa mou­vance infinie, c’est inscrire une poé­tique dans l’ab­sence de lim­ite, tant au niveau du sen­si­ble que de l’in­tel­li­gence. La poésie, nous mur­mure Jean-François Mathé, a ce pou­voir. Un pou­voir d’ar­chi­tec­ture et d’a­gran­disse­ment de la beauté con­fiée à l’homme.

Les poèmes de Jean-François Mathé relèvent de la pro­fondeur en ceci qu’avec une pré­ci­sion acérée, voire coupante, il creuse le réel par les out­ils  du cœur, certes, mais aus­si avec la con­vic­tion de devoir capter, puis fix­er l’éphémère et la pré­car­ité, dans ses dons de bon­heur inter­mit­tents, et de souf­frances et déceptions.

Lorsqu’on l’in­ter­roge sur sa poésie, il dit : “Pen­dant la plus grande par­tie de ma vie de poète, je suis resté fidèle à l’interrogation de mes han­tis­es favorites : le pas­sage du temps avec ce qu’il apporte et emporte, la fragilité de la con­di­tion humaine, les forces et les faib­less­es du corps, les ombres et les clartés de la mémoire, la révéla­tion dans l’apparemment rien du quelque chose ou du quelqu’un qui s’y cache…”.

Poète des pro­fondeurs parce qu’il appro­fon­dit le monde sur le ver­sant de son rythme pre­mier : le rythme du cœur, sa langue, au gré d’une œuvre presqu’ex­clu­sive­ment pub­liée chez Rougerie : J’ai demain pour mémoire ; L’InhabitantInstants dévastés ; Ou bien c’est une absence ; Mais encore ; Nav­i­ga­tion plus dif­fi­cile ; Con­trac­tions sup­plé­men­taires du cœur ; Corde raide fil de l’eau ; Saisons sur­gies ; Sous des dehors ; Pas­sages sous silence ; Le temps par moments ; Le ciel pas­sant ; Agran­disse­ment des détails ; Chemin qui me suit précédé de Poèmes choi­sis 1987–2007, est con­cise, ses images inspirées, et ses vers offrent dans leur traîne l’in­spi­ra­tion généreuse de tout grand poète, celle marchant vers la sérénité. En ces temps de détresse, Jean-François Mathé est l’un de nos plus pré­cieux poètes.

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Gwen Garnier-Duguy

Gwen Gar­nier-Duguy pub­lie ses pre­miers poèmes en 1995 dans la revue issue du sur­réal­isme, Supérieur Incon­nu, à laque­lle il col­la­bore jusqu’en 2005.
En 2003, il par­ticipe au col­loque con­sacré au poète Patrice de La Tour du Pin au col­lège de France, y par­lant de la poé­tique de l’ab­sence au cœur de La Quête de Joie.
Fasciné par la pein­ture de Rober­to Mangú, il signe un roman sur son œuvre, “Nox”, aux édi­tions le Grand Souffle.
2011 : “Danse sur le ter­ri­toire, amorce de la parole”, édi­tions de l’At­lan­tique, pré­face de Michel Host, prix Goncourt 1986.
2014 : “Le Corps du Monde”, édi­tions Cor­levour, pré­facé par Pas­cal Boulanger.
2015 : “La nuit phoenix”, Recours au Poème édi­teurs, post­face de Jean Maison.
2018 : ” Alphabé­tique d’au­jour­d’hui” édi­tions L’Ate­lier du Grand Tétras, dans la Col­lec­tion Glyphes, avec une cou­ver­ture de Rober­to Mangù (64 pages, 12 euros).
En mai 2012, il fonde avec Matthieu Bau­mi­er le mag­a­zine en ligne Recours au poème, exclu­sive­ment con­sacré à la poésie.
Il signe la pré­face à La Pierre Amour de Xavier Bor­des, édi­tions Gal­li­mard, col­lec­tion Poésie/Gallimard, 2015.