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Daniel Kay, Vies silencieuses

Les « vies silencieuses »du breton Daniel Kay sont celles que donnent à voir les plus grandes œuvres picturales. Vies silencieuses des hommes, des bêtes, des plantes, des fleurs… tous visités par le pinceau du peintre. Le poète, lui, se met à leur écoute. Il redonne vie à tout un univers et nous propose sa propre mise en musique. Un exercice d’interprétation qui ne manque pas de sel et d’originalité. Suivons le guide…

 

Daniel Kay, Vies silencieuses, Gallimard, 127 pages, 14,50 euros.

Faire parler les peintures. Le cinéma en a fait l’expérience. Peter Greenaway nous a livré en 2008 sa version de La ronde de nuit de Rembrandt. En 2014, c’est Lech Majewski qui avait mis en scène Le portement de croix de Bruegel (tableau de 1564) en réalisant le film Le moulin et la croix.

Les écrivains ou poètes ne sont pas en reste. On pense notamment au beau recueil Archives de neige de la Finistérienne Anne-José Lemonnier (Rougerie, 2007), inspiré par les tableaux de l’Ecole de Pont-Aven ou les dessins de Jean Moulin exposés au musée des beaux-arts de Quimper.

Daniel Kay, lui, va plutôt chercher sa propre inspiration du côté de la Renaissance italienne et de l’art baroque. Apparaissent dans son recueil les villes emblématiques de Florence, Venise, Assise, Sienne, les œuvres du Quattrocento mais aussi celles de l’école hollandaise. Voilà, en tout cas, un livre surprenant sur la création artistique et sur la capacité d’une œuvre picturale à féconder l’imagination. Mieux: l’imaginaire, le fantastique, le surnaturel.

 Car il s’agit bien, ici, d’une réinterprétation très personnelle des plus grands tableaux de maîtres. Le faisant, Daniel Kay aiguise notre regard. Mais, finalement, n’est-ce pas là le rôle du poète : nous révéler ce que nos yeux ne voient pas ou traquer le merveilleux derrière le visible. Ainsi, sur ce tableau, « Le crépuscule n’est qu’une chemise rouge/qui flotte sur les cyprès/et brûle les leucocytes ». Ailleurs, voici « les angelots bouffis qui tombent comme des corps stellaires dans les champs d’oliviers ». Plus loin, ce sont les anges, « ces messagers célestes semblables à de grands papillons bariolés qui butinent, parmi les fleurs des champs, le suc d’une nouvelle aurore ».

Daniel Kay ouvre aussi la porte de l’atelier du peintre. En Italie, il voit « dans la cuve d’indigo/le bleu du ciel et la robe de la Vierge ».Près de chez lui, dans l’atelier de Jean-Luc Bourel, dont il contemple les toiles, il s’interroge : « Comment l’espace donne-t-il du temps à ce regard/qui s’épuise dans le bleu ? »

Ah ! Le bleu. Il éclaire et parcourt le livre. Il l’inaugure même dans ce premier chapitre intitulé « Le bleu à l’âme » mais le poète sait mettre en garde contre « les fausses promesses du bleu »et même sa « perfidie ».Il nous dit aussi que « les Grecs ne possédaient pas de mots pour le bleu ». Et que n’aurait-il pu dire sur les Bretons pour qui le bleu et le vert se confondent dans le mot « glaz ».

Le poète nous ouvre vraiment, dans ce livre, de nouvelles perspectives sur la peinture. Il la dépoussière, lui fait endosser (quand il s’agit d’œuvres anciennes) les costumes d’une certaine modernité en faisant entrer dans ses poèmes des mots d’aujourd’hui. Ou encore des mots du langage trivial. Voici sa Madeleine de Georges de la Tour qui « s’applique à remonter sur ses cuisses/la double soie duveteuse des jarretelles/tendue comme une corde autour du cou ».Voici les Sadducéens qui ont « éraflé/les portes des bagnoles ».Voici « le dos cabossé des anges ».

Les statues, aussi, ont leur mot à dire. Silencieuses pas définition, elles « susurrent une langue étrangère/un curieux idiome/que seuls peuvent comprendre/les enfants et les muets ».  Et sans doute, aussi, le poète quand il se met à leur écoute.

 

Présentation de l’auteur

Daniel Kay

Daniel Kay est un poète français né à Morlaix en 1959. 

Après des études secondaires à Morlaix, Daniel Kay est  agrégé de lettres modernes, discipline qu'il enseigne.

Il a publié des poèmes dans des revues et publie plusieurs recueils. Il écrit également sur la peinture et peint lui-même.

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