Lucie Grall, C’est toi qui mènes la danse

Par |2025-05-06T08:05:56+02:00 6 mai 2025|Catégories : Critiques, Lucie Grall|

Elle est une mère « brisée » comme le sont toutes les mères qui per­dent un enfant. Lucie Grall racon­te dans un livre émou­vant la dis­pari­tion de son fils aîné, décédé à l’âge de 25 ans. Poèmes de l’absence et de la douleur d’une « âme navrée » et au « cœur déchiré ».

Il s’appelait Tan­guy et mor­dait la vie à pleines dents. Rebelle, « anar », il voulait con­naître le monde sous toutes ses cou­tures. « Ton appétit de vivre toutes les fraternités/dans l’ivresse des fêtes et des joies de l’été ». Voilà un  jeune homme qui était « par­ti chercher la promesse de la vie (…) vers « les rimes du soleil et de l’olivier ». Mais la camarde rôde. C’en est très vite fini pour ce « guer­ri­er forcené ». S’engagent alors trois années de com­bat con­tre la maladie.

Pour par­ler de la perte, Lucie Grall rameute les sou­venirs. D’abord celui de l’enfant que fut Tan­guy (« tes petits pieds chauds de bébé sur ma peau »). Car c’est bien cet enfant-là qui s’en va et qui fait d’elle cette maman en détresse ten­tant de bar­rer la route à l’inéluctable. « Mon grand, mon tout petit/ne t’en va pas/a­grippe-toi aux grelots de ma voix ». Mais le fils s’en va. A l’hôpital, à son chevet, la mère compte « ces heures per­dues dans les couloirs glacés ».

 Très peu d’années après, elle affronte avec ses mots l’heure fatidique du départ. Et même cette stu­peur muette au sein de la cham­bre mor­tu­aire. « Pas un cri, pas un sanglot/pas même un chuchotement/dans le silence nu et glacé ». Des obsèques, elle dit qu’il fut « une jour si lourd de douleur/tissé au point de croix/à l’écheveau des peines ».

La mort de Tan­guy frappe de stu­peur les amis, la par­en­tèle. Quand au père, Youn, il masque son cha­grin dans le labeur/ « Remuer la terre/semer pailler moissonner/il a tant à faire/pour ten­ter de tarir cette douleur ».

  

Lucie Grall, C’est toi qui mènes la danse, La Part Com­mune, 65 pages, 13,90 euros.

Ecrivant ce livre, Lucie Grall retrou­ve par­fois les accents des poèmes de son père Xavier. Car bon sang ne saurait men­tir. On trou­ve ain­si dans ses textes fiévreux cette forme d’exaltation qui exprime la présence éter­nelle d’un dis­paru. « Tu vis au bord de mes rêves » (…) « Ta voix con­sole et mur­mure » (…) « Mais d’où vient-elle cette voix ? ». Lucie Grall  for­mule au pas­sage  le vœu que son fils ait retrou­vé son grand père. « Je veux croire que vous êtes aujourd’hui l’un près de l’autre. Le cœur à l’unisson, le cœur en paix ».

Dans l’instant, il y a aus­si ces signes mys­térieux d’un con­tact avec l’au-delà. Ain­si cette com­plic­ité éton­nante avec le chant d’un oiseau, « soli­taire passereau/à gorge coquelicot/qui rav­ig­ote et con­sole ». Comme si le fils inter­pel­lait sa mère par un chant.

Présentation de l’auteur

Lucie Grall

Lucie Grall est auteure et poète.

© Crédits pho­tos KÉVIN GUYOT, OUEST-FRANCE

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Pierre Tanguy

Pierre Tan­guy est orig­i­naire de Lesn­even dans le Nord-Fin­istère. Ecrivain et jour­nal­iste, il partage sa vie entre Quim­per et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire. Ses recueils ont, pour la plu­part, été pub­liés aux édi­tions ren­nais­es La Part com­mune. Citons notam­ment “Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure” (2002, réédi­tion 2008), “Let­tre à une moni­ale” (2005), “Que la terre te soit légère” (2008), “Fou de Marie” (2009). Dernière paru­tion : “Les heures lentes” (2012), Silence hôpi­tal, Edi­tions La Part com­mune (2017). Ter­res natales (La Part Com­mune, 2022) Voir la fiche d’auteur

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