1

Sans adresse l’automne, Jean-Albert Guénégan

                 

Jean-Albert Guénégan  sur la trace des disparus

 

    Sous le titre un peu énigmatique Sans adresse, l’automne, Jean-Albert Guénégan publie un nouveau recueil  sous forme de  triptyque. Tableau 1 :  hommage à la mère et au père disparus. Tableau 2 :  panthéon personnel des poètes bretons. Tableau 3 : regard sur le « mal-être » à travers le portrait de Sans domicile fixe.

        La disparition tragique de sa mère a été pour le poète morlaisien une forme de déclic pour son entrée dans l’écriture. « C’est comme si, en quittant cette terre, elle m’avait laissé un stylo et une feuille blanche », confiait-il à « Ouest-France » au moment de la sortie de son livre. C’est donc avec beaucoup d’émotion qu’il évoque ici, à nouveau, la figure maternelle. « Mère/tout prend du retard/mais pas ton amour (…) Mère/à ton chevet/je hurle de tous mes os ».

     Du père « couronné de bonté », le fils s’approche aussi. « Nous sommes seuls et/j’ai à te parler ». Moments d’abandon, de confidence. « Du bonheur tu as déchanté/plus que tu ne l’as prié ».

          Charles Le Quintrec aurait aimé ces textes écrits, en quelque sorte,  dans la lignée de l’injonction biblique (« Tu honoreras ton père et ta mère »). Le grand poète breton, disparu en 2008, fait d’ailleurs partie du panthéon de Guénégan. Il trouve donc logiquement toute sa place dans le 2e volet du triptyque. Les deux hommes se connaissaient et l’auteur publie ici l’hommage qu’il rédigea à l’occasion des obsèques du poète. « Ciel gris dehors, ciel noir dans mon sang ».

     Dans ce livre de Morlaisien, il y a aussi forcément l’hommage appuyé à Tristan Corbière enterré au cimetière Saint-Martin de la ville (Jean-Albert Guénégan n’a-t-il pas présidé le comité Tristan Corbière du 150e anniversaire de la naissance du poète ?). « A la fois dans la vie et à côté, elle n’était pour toi qu’un échantillon », dit-il en s’adressant à l’auteur des Amours jaunes. « Je t’écris de ta ville dont tu n’as rien dit ».

     Chaque fois, Guénégan associe ainsi un auteur à son lieu de sépulture. C’est auprès d’une tombe qu’il forge ses hommages: à Landivisiau (Xavier Grall), à Plouaret (Anjela Duval), à Tréboul (Georges Perros), à Rostrenen (Armand Robin)… Dix-neuf épitaphes pour dix-neuf poètes bretons, placées sous le signe de la confidence admirative et de la complicité. Ainsi à propos de Guillevic : « Sur la pointe de ton art/tu marches et tu sautilles/les mille et une nuit de tes vers/m’entretiennent tôt le matin/au premier chant du cœur ».

     La dernière partie de ce livre (sous le titre « Debout l’homme »), consacrée aux exclus, peut paraître décalée. A moins qu’elle ne rejoigne, d’une certaine manière, les propres intonations du « paria » Tristan Corbière. « Quand je suis couché : ma patrie/c’est la couche seule et meurtrie ».