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Clin d’Yeu de Guénane

     Guénane aime les îles. Car on n’habite pas impunément, face à la mer, dans le pays de Lorient. Guénane a donc écrit sur Groix et Hoëdic, mais aussi sur Sein ou Molène et  sur bien d’autres lieux. Au total, une douzaine de « recueils insulaires », dont le petit dernier (car il s’agit souvent de minces livrets publiés aux édition La Porte) est consacré à l’île d’Yeu.  L’auteure sort, pour l’occasion,  du « pré carré » breton mais ne quitte pas son univers familier. Ainsi écrit-elle, parlant de l’île d’Yeu, d’une « île sur le front armoricain des tempêtes ».

      A propos de L’idée d’île que Guénane avait publié en 2003, le journaliste Yves Loisel avait écrit à propos de la poétesse lorientaise : « En quelques vers, elle lance une réflexion, une image, un cri ou tout simplement un clin d’œil ». Clin d’œil ? Nous y sommes avec ce Clin d’Yeu, titre de son dernier recueil.

        Les amoureux de l’île vendéenne y retrouveront, certes, des lieux familiers. Mais - on se doute bien – là est pas l’essentiel. Si Guénane aborde une île, c’est toujours pour en creuser le mystère et, d’une certaine manière, pour tenter de résoudre une énigme. Mais, comme elle le dit si bien, « l’île manie la langue de pierre ». Comme d’autres la langue de bois ou la langue de buis. Même « ces sables ont un grain/de mystère ». Et que dire, alors, de ces monuments mégalithiques et de ces empilements mystérieux de sols sur le rivage ?

         Face à l’énigme, Guénane questionne. « Faut-il tout aimer d’une île ? », « Faut-il déchiffrer le silence ? Parcourant l’île en octobre, quand celle-ci retrouve sa « virginité » après le passage des touristes « mille-pattes », elle distille aussi au passage quelques leçons de sagesse (« Rester soi-même est une dure mission ») et s’emploie à inventorier « les charmes secrets » d’un lieu. Entre ajoncs, « prunelliers en liesse », chênes verts et tamaris, elle multiplie les clins d’œil. Notamment à l’histoire. Ici, c’est l’évocation de l’exil du vieux maréchal (« un vieillard entre en cellule »), là celle de « Jeanne la belle » quand Guénane s’approche du Vieux-Château où « les siècles bruissent dans le ruines ».

    Pendant ce temps, « l’océan vocifère/les goëlands acquiescent ». Et, comme le dit Guénane : « Une île aussi se lasse ».