Cécile A.Holdban, Toutes ces choses qui font craquer la nuit

Par |2023-09-22T18:37:37+02:00 22 septembre 2023|Catégories : Cécile A. Holdban, Critiques|

  L’art du bref. Cécile A.Holdban nous le démon­tre à nou­veau en pub­liant pas moins de 208 haîkus et ter­cets qu’elle accom­pa­gne de ses pro­pres pein­tures. L’artiste et poète fait état, dans ce nou­veau livre, du fruit de ses travaux lors d’une rési­dence lit­téraire et artis­tique en Ardèche.

Cécile A.Holdban a plusieurs cordes à son arc. Poète, pein­tre, tra­duc­trice (hon­grois, anglais…), elle « écripeint », comme elle le dit elle-même, dans des livres ou des revues. A pro­pos d’un de ses pre­miers recueils (Un nid dans les ronces, La Part Com­mune), on avait noté « la ten­dresse vig­i­lante qu’elle por­tait aux paysages et à ceux qu’elle porte en elle ».

 Nous voici, à nou­veau, de plain-pied dans cette approche sen­sorielle du monde. Cécile A.Holdban empoigne le réel avec à la fois l’exigence et la sim­plic­ité qui sied aux poètes authen­tiques. Ce réel, c’est d’abord une nature dans laque­lle elle plonge sans retenue. Fidèle en cela aux principes fon­da­teurs du haïku, elle touche du doigt le monde qui vit autour d’elle en jetant son dévolu sur tout ce qui bouge au bord du chemin, sou­vent le plus insignifi­ant. « Une joie discrète/savoir nommer/les herbes du sen­tier », écrit-elle. « Jour après jour/je vois s’arrondir/la pomme reinette ».

Atten­tive à ces instants de déam­bu­la­tion vécus dans la cam­pagne ardé­choise, elle peut aus­si écrire : « Depuis le vieux pont/jusqu’à la chèvrerie/la piste des crottes ». Car Cécile A.Holdban n’écrit pas de n’importe où. Son texte porte la mar­que du ter­roir qui l’accueille. Voici, sous sa plume, les châ­taig­niers, les cèpes et les girolles, le chêne-vert ou la mar­jo­laine. « Aube violette/trois prunes blettes/sur le chemin ». Et que dire de tous ces oiseaux qui lui tien­nent com­pag­nie, qu’elle nomme ou qu’elle peint avec gour­man­dise. Pic-épe­iche, Rouge-queue, sit­telle, geai, buse : ils tra­versent ses pages d’un coup d’aile et ses haïkus en gar­dent la trace. « Le toc-toc du pivert/m’offre les portes/d’un pays d’arbres »

Cécile A.Holdban, Toutes ces choses qui font cra­quer la nuit, Exopotamie Edi­tions, 105 pages, 17 euros.

Du haïku on peut même gliss­er en douceur vers la pen­sée ou l’aphorisme. « Pren­dre ce qui vient/laisser le reste au vent/vivre comme un arbre ». Et sans doute penchée sur ces ruis­seaux qui irriguent les collines ardé­chois­es, elle écrit : « Les sou­venirs ricochent/plus longue­ment que les galets », tan­dis qu’à la fin d’une journée qu’on imag­ine riche en cueil­lettes de toutes sortes, elle écrit ces mots à haute valeur émo­tion­nelle : « Dans un bouquet/l’enfance de ma mère/et celle de mes enfants ».  De bout en bout, on sent l’artiste-peintre qu’elle est s’efforcer de  rester fidèle à ce que ses yeux ont vu. « Chercher longtemps/la nuance exacte/de l’ombre d’un pétale ». Ce  souci de la justesse et de l’exactitude qui la caractérise.

Présentation de l’auteur

Cécile A. Holdban

Elle est pein­tre et écrivain, lau­réate du prix Yvan Goll (2017) et du prix Cal­liope du Céna­cle Européen (2017), est égale­ment tra­duc­trice et coéditrice de la Revue Ce qui reste, une revue en ligne de lit­téra­ture et d’art con­tem­po­rains. Elle ani­me une chronique lit­téraire sur Ali­gre FM radio.

Elle pra­tique pein­ture et écri­t­ure en les faisant dia­loguer : les liens et trans­mis­sions entre les dif­férentes formes d’arts sont au cœur de son tra­vail. Son univers de créa­tion se fonde sur ces rap­ports synesthésiques. Il s’enrichit de l’observation et de l’imaginaire de la nature, entre paysage vis­i­ble et invis­i­ble, d’une écoute et d’une atten­tion au vivant, aux con­tes et mythes.

Elle col­la­bore par ses pein­tures,  poèmes, tra­duc­tions et arti­cles à de nom­breuses revues, antholo­gies et ouvrages col­lec­tifs var­iés. Elle aime aus­si s’associer à d’autres créa­teurs ou écrivains dans des pub­li­ca­tions, revues et livres d’artistes. Elle a fait l’objet de deux expo­si­tions per­son­nelles en France et par­ticipe régulière­ment à des expo­si­tions col­lec­tives et des fes­ti­vals, et ani­me régulière­ment des mas­ter­class­es et ate­liers de créa­tion, d’écriture et expres­sion plastique.

Cécile A. Holdban

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Derniers ouvrages publiés 

Pre­mières à éclair­er la nuit, réc­it, Arléa, jan­vi­er 2024

Toutes ces choses qui font cra­quer la nuit, textes et pein­tures, Exopotamie, 2023

Osse­lets, dessins et poèmes, Le Cad­ran Ligné, Saint- Clé­ment, 2023

Kaléi­do­scope, 173 poètes con­tem­po­rains mis en image pen­dant le con­fine­ment, l’Atelier des Noy­ers, Dijon, 2023

Jacques Bibonne, une vie en pein­ture (col­lec­tif, texte de con­tri­bu­tion au cat­a­logue ) édi­tions Le temps qu’il fait, Bor­deaux,  2023

Pier­res et berceaux, dessin et poèmes, Poten­tille, Nev­ers, 2021.

Touch­er terre, Arfuyen, Paris, 2018

Silence, pho­togra­phies d’Anne Lise Broy­er, poème de Cécile A. Hold­ban, Sous les glycines, Paris, 2016.

Poèmes d’après suivi de La route de sel, Arfuyen, Paris, 2016.

Quelques tra­duc­tions :

John Keats, La poésie de la terre ne meurt jamais, édi­tion traduite et annotée par Cécile A. Hold­ban et Thier­ry Gilly­boeuf, Poé­sis, 2021

Howard Mc Cord, Poèmes Chamaniques, édi­tion établie, traduite et annotée par Cécile A. Hold­ban et Thier­ry Gilly­boeuf, La Part Com­mune, 2021

Vir­ginia Woolf, Le Par­adis est une lec­ture con­tin­ue, tra­duc­tion et présen­ta­tion de Cécile A. Hold­ban, La Part Com­mune, Rennes, 2019.

Vir­ginia Woolf, Ain­si par­lait – Thus Spoke, dits et maximes de vie choi­sis, traduits de l’anglais et présen­tés par Cécile A. Hold­ban, édi­tion bilingue, Arfuyen, Paris, 2019.

Sán­dor Weöres, Filles, nuages et papil­lons (Lányok, lep­kék, fel­legek), poèmes choi­sis et traduits du hon­grois par Cécile A. Hold­ban, Érès Po&Psy, Toulouse, 2019.

Dezső Kosz­tolányi, Venise, tra­duc­tion du hon­grois et pré­face de Cécile A. Hold­ban, Cam­bourakis, Paris, 2017.

Atti­la József, Le Men­di­ant de la beauté, Le Temps des Ceris­es, Paris, 2014, poèmes traduits du hon­grois par Fran­cis Combes, Cécile A. Hold­ban et Georges Kassai.

DÉCOUVRIR

Site de la Revue Ce qui reste – Jour­nal quo­ti­di­en de son tra­vail de pein­tre sur Insta­gram

Mail : mcguichard@outlook.com

Autres lec­tures

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Pierre Tanguy

Pierre Tan­guy est orig­i­naire de Lesn­even dans le Nord-Fin­istère. Ecrivain et jour­nal­iste, il partage sa vie entre Quim­per et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire. Ses recueils ont, pour la plu­part, été pub­liés aux édi­tions ren­nais­es La Part com­mune. Citons notam­ment “Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure” (2002, réédi­tion 2008), “Let­tre à une moni­ale” (2005), “Que la terre te soit légère” (2008), “Fou de Marie” (2009). Dernière paru­tion : “Les heures lentes” (2012), Silence hôpi­tal, Edi­tions La Part com­mune (2017). Ter­res natales (La Part Com­mune, 2022) Voir la fiche d’auteur
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