1

Les revues, du papier à la toile

Les revues culturelles sont innombrables, et forment une ensemble aux contenus éditoriaux variés, qui diversifient les approches sur la discipline concernée. Elles sont un extraordinaire lieu d’information, d’expériences, de confrontations, d’échanges et de réflexion pour ceux qui s’intéressent notamment à la littérature, à son actualité, à sa dimension critique. Leur fréquentation a considérablement changé avec l'apparition des supports numériques, qui démocratise leur accès et offre aux revues uniquement diffusées en version papier une visibilité accrue et un moyen de diffusion démultipliés.

Ces lieux de croisement et d’élaboration d’une pensée polysémique sur les éléments culturels contemporains de leur époque ne datent pas d’hier puisque les premières revues littéraires françaises apparaissent au XVIIe siècle avec la création du Journal des savants, en 1665, et en 1672, avec l’apparition du Mercure Galant, créé par Donneau de Visé et Thomas Corneille qui prend le nom de Mercure de France en 1714.

La fin du XIXe siècle et le début du XXe apparaît comme une période particulièrement intéressante. Les conditions favorables de la presse permettent un foisonnement de petites revues éphémères dans les années 1880, qui deviennent progressivement un lieu de création littéraire, mais aussi un lieu d'échanges culturels internationaux.

Les revues dédiées spécifiquement à la poésie ne sont pas en reste car elles suivent cette évolution.  Déjà préside une volonté de diffuser les idées et les opinions, de faire connaître des poètes… Pour notre époque (incluant le siècle dernier) Ernt’revue dénombre 380 revues de poésie contemporaines dont 41 revues uniquement numériques, d’autres utilisant les deux vecteurs, papier et site internet pour assurer la promotion et la diffusion de leurs publications, de facto accessibles au plus grand nombre dans un périmètre géographique très étendu. 

Couverture du Mercure galant du 1er janvier 1714, Gallica 

Qu'elles soient diffusées sur papier ou bien en version numérique, les sommaires proposent généralement des similitudes. A côté des poètes, qui proposent souvent des inédits, on y retrouve des rubriques qui en général sont constituées de critiques, d’actualités, de réflexions autour de thématiques ou d’auteurs spécifiques. Ces revues sont également le lieu d’un syncrétisme artistique, et nombre d’entre elles dédiées à la poésie publient des plasticiens, et lorsqu’elles sont numériques permettent de visionner des vidéos ou d’écouter de la musique.

Les revues représentent donc le lieu d’un croisement de voix, d’approches, de disciplines et d’opinions. C’est cette collectivité qui en fait la spécificité.

Avec l’avènement de l’internet nous avons assisté à la naissance des revues numériques. Bien que les sommaires n’échappent pas aux passages obligés adoptés par leurs consœurs publiées sur un support papier, les possibilités offertes par le vecteur informatique multiplient les potentialités éditoriales. On peut y écouter les poètes, entendre leur voix, approfondir nos connaissances à propos d’un auteur, ou d’un plasticien, et intégrer de manière effective de la musique ou des vidéos, pour voir des adaptations, lectures, performances, en lien avec les pages consultées. Ces liens hypertextuels permettent un enrichissement du contenu et en modifient même la nature, puisqu'il se voit sémantiquement augmenté par ces apports potentiels.  

Les zones géographiques du lectorat de Recours au poème pour la semaine du 29 avril au 5 mai, donnée recueillies grâce à Google analytics.

Ces revues numériques ont aussi la particularité de changer la nature du lectorat, car elles sont accessibles en temps réel à n’importe quel endroit de la planète. Recours au poème est lu à l'internationale, ainsi que le montre les données recueillies sur Google analytics, outil qui permet d'affiner l'analyse des fréquentations. Cette accessibilité immédiate et internationale motive et transforme leurs contenus, et façonne l’approche des rédacteurs de ces publications numériques. En effet, le croisement entre deux cultures constitue une thématique bien souvent abordée, parce que de facto l'accès à cette poésie à échelle planétaire motive des échanges fructueux entre des univers poétiques n’appartenant pas à un même pays, continent, et offrent  l’opportunité en amont de penser des sommaires qui mettent en avant ces croisements et ces échanges, montrant ainsi l’universalité de la poésie, ainsi que sa puissance lorsqu’il s’agit de créer des ponts et des partages entre des cultures différentes.

Elles facilitent également une diversification des catégories d'âge du public. Accessibles en ligne, elles sont bien souvent consultées par des personnes de classe d’âge différente de celle du lectorat des revues papier, même si ces dernières grâce à une promotion en ligne ont trouvé à travers cette vitrine un moyen de connaissance et d’abonnement facilités. Les revues numériques constituent donc une tout autre manière de diffuser de la poésie, de la rendre accessible et lisible, et de toucher un public plus large et diversifié.

Classe d'âge des lecteurs de Recours au poème, données concernant la semaine du 29 avril au 5 mai, Google analytics.

Nombre de lecteurs ayant consulté les pages de Recours au poème, données concernant la semaine du 29 avril au 5 mai, Google analytics.

Force est de constater que les revues de poésie numériques sont aujourd'hui le lieu de l’élaboration d’une autre manière de lire de la poésie, et de la diffuser. Ces progrès techniques ont en effet contribué à changer la nature du lectorat de ces dernières. Leur accès est facilité, disponible sur différents supports, et ce quel que soit l'endroit de la planète où le lecteur se trouve. Ils ont également modifié la nature des contenus. Enrichis grâce à des moyens technologiques variés, les textes poétiques ou critiques sont soumis à de possibles enrichissements sémantiques grâce aux potentialités  hypertextuelles. Lieu de passage, plus que jamais les revues quel que soit leur vecteur de publication sont des lieux de croisement entre diverses voix poétiques, mais pas seulement, elles supportent l’énonciation de réflexions théoriques et la découverte de poètes, qu’il est désormais permis d’écouter, tout comme il est possible d’approfondir les connaissances sur tel ou tel auteur, plasticien, musicien, ou bien sur un point critique ou théorique.

Pour prolonger cette réflexion, et rejoindre ou retrouver Ent'revues, que nous remercions pour ces propos : https://www.entrevues.org/surlesrevues/rever-hors-le-bruit-du-meme/