Cécile A. Holdban, Premières à éclairer la nuit

Par |2024-02-07T15:23:09+01:00 6 février 2024|Catégories : Cécile A. Holdban, Critiques|

Faire par­ler quinze femmes poètes du XXe siè­cle dans des let­tres (imag­i­naires) adressées à des êtres chers : un pro­jet orig­i­nal et surtout ambitieux que l’autrice, poète et pein­tre, Cécile A. Hold­ban a réal­isé dans un livre qui nous fait tra­vers­er les plus grands drames du siè­cle passé.

« Elles furent les témoins des grands drames qui sont les mar­queurs du XXe siè­cle », souligne d’emblée Cécile A. Holdan. Le nazisme pour les Alle­man­des Nel­ly Sachs et Gertrud Kol­mar. Le stal­in­isme pour la Russe Anna Akhma­to­va. L’Apartheid pour la Sud-Africaine Ingrid Jonker. Le fon­da­men­tal­isme islamisme (tou­jours d’actualité) pour l’Iranienne For­ough Far­roghzad … « Ce qui leur est com­mun » , ajoute Cécile A. Hold­ban, « c’est le besoin de tran­scen­der la vie par les mots, de ne pas accepter l’insupportable, de braver les habi­tudes, de porter le poids du destin.»

Mais pourquoi cet intérêt de l’autrice de ce livre pour ces femmes au des­tin sou­vent trag­ique (près de la moitié d’entre elles se sui­cideront) ? C’est « parce que ces poét­esses ont été tra­ver­sées par cet his­toire dont j’ai hérité une part de mes grands-par­ents, que leur œuvre résonne en moi », explique Cécile A. Hold­ban (évo­quant notam­ment une grand-mère mater­nelle née dans l’Autriche-Hongrie du siè­cle dernier). 

Cécile A. Hold­ban, Pre­mières à éclair­er la nuit, Arléa, 240 pages, 21 euros.

Pour autant, en choi­sis­sant ces femmes écrivains, il ne s’agissait pas, pour elle, de faire un livre à con­no­ta­tion fémin­iste. « Ce serait réduc­teur de par­ler d’une poésie fémi­nine », con­vient-elle, même si le titre du livre, Pre­mières à éclair­er la nuit, entend bien soulign­er le rôle émi­nent joué par les femmes en ces péri­odes troublées.

Il ne s’agit pas non plus, ici, d’une biogra­phie de ces femmes poètes, mais de réc­its de 8 à 10 pages, où « cha­cune de ces voix s’adresse, à la pre­mière per­son­ne du sin­guli­er, à un être cher ». L’Autrichienne Inge­borg Bach­man s’adresse à Paul Celan, l’Américaine Sylvia Plath à son mari le poète anglais Ted Hugh­es, Nel­ly Sachs à Sel­ma Lägerlof, la Russe Mari­na Tsve­taie­va à sa sœur cadette, la Fin­landaise Edith Söder­gran égale­ment à sa sœur…

L’originalité du texte de Cécile A. Hold­ban est d’avoir incor­poré dans son réc­it des pas­sages en italique qui sont extraits des poèmes, jour­naux ou cor­re­spon­dances de ces quinze femmes. Ain­si quand l’Allemande Gertrud Kol­mar s’adresse à sa sœur Hilde Wen­zel, on peut lire : « Les per­sé­cu­tions dont nous étions vic­times sem­blaient ne pas devoir con­naître de fin (…) Je me dis­ais : je vais mourir comme meurent la plu­part, le râteau passera au tra­vers de cette vie et met­tra mon nom en copeaux dans la glèbe ». Quand l’Italienne Anto­nia Pozzi évoque son amour de la mon­tagne à son ami Tul­lio Gadenz, poète et alpin­iste, on peut lire : « Je me suis tou­jours représen­té le par­adis de Dante comme un refuge de mon­tagne. Ici il est impos­si­ble de mourir. J’y ai con­nu les pre­miers émois de ma chair, dans une com­mu­nion presque éro­tique avec la nature ». Et Cécile A. Hold­ban ajoute, en italique, ces mots recueil­lis dans l’œuvre de Pozzi. « Aujourd’hui, je me cam­bre nue dans la pureté du bain blanc, et je me cam­br­erai nue demain sur un lit, si quelqu’un me prend »

Tout est l’avenant dans ce livre en faisant cohab­iter habile­ment des let­tres imag­i­naires (mais fondées sur l’histoire) avec des textes authen­tiques de ces femmes poètes. Cécile A. Hold­ban nous révèle, par le fait même, sa pro­fonde con­nais­sance de la lit­téra­ture fémi­nine du XXe siè­cle. Elle éclaire pour nous le chemin qui a con­duit ces femmes à l’écriture de poèmes pour point­er du doigt des drames abso­lus, mais aus­si pour témoign­er de leur amour et de la beauté du monde.

Présentation de l’auteur

Cécile A. Holdban

Elle est pein­tre et écrivain, lau­réate du prix Yvan Goll (2017) et du prix Cal­liope du Céna­cle Européen (2017), est égale­ment tra­duc­trice et coéditrice de la Revue Ce qui reste, une revue en ligne de lit­téra­ture et d’art con­tem­po­rains. Elle ani­me une chronique lit­téraire sur Ali­gre FM radio.

Elle pra­tique pein­ture et écri­t­ure en les faisant dia­loguer : les liens et trans­mis­sions entre les dif­férentes formes d’arts sont au cœur de son tra­vail. Son univers de créa­tion se fonde sur ces rap­ports synesthésiques. Il s’enrichit de l’observation et de l’imaginaire de la nature, entre paysage vis­i­ble et invis­i­ble, d’une écoute et d’une atten­tion au vivant, aux con­tes et mythes.

Elle col­la­bore par ses pein­tures,  poèmes, tra­duc­tions et arti­cles à de nom­breuses revues, antholo­gies et ouvrages col­lec­tifs var­iés. Elle aime aus­si s’associer à d’autres créa­teurs ou écrivains dans des pub­li­ca­tions, revues et livres d’artistes. Elle a fait l’objet de deux expo­si­tions per­son­nelles en France et par­ticipe régulière­ment à des expo­si­tions col­lec­tives et des fes­ti­vals, et ani­me régulière­ment des mas­ter­class­es et ate­liers de créa­tion, d’écriture et expres­sion plastique.

Cécile A. Holdban

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Derniers ouvrages publiés 

Pre­mières à éclair­er la nuit, réc­it, Arléa, jan­vi­er 2024

Toutes ces choses qui font cra­quer la nuit, textes et pein­tures, Exopotamie, 2023

Osse­lets, dessins et poèmes, Le Cad­ran Ligné, Saint- Clé­ment, 2023

Kaléi­do­scope, 173 poètes con­tem­po­rains mis en image pen­dant le con­fine­ment, l’Atelier des Noy­ers, Dijon, 2023

Jacques Bibonne, une vie en pein­ture (col­lec­tif, texte de con­tri­bu­tion au cat­a­logue ) édi­tions Le temps qu’il fait, Bor­deaux,  2023

Pier­res et berceaux, dessin et poèmes, Poten­tille, Nev­ers, 2021.

Touch­er terre, Arfuyen, Paris, 2018

Silence, pho­togra­phies d’Anne Lise Broy­er, poème de Cécile A. Hold­ban, Sous les glycines, Paris, 2016.

Poèmes d’après suivi de La route de sel, Arfuyen, Paris, 2016.

Quelques tra­duc­tions :

John Keats, La poésie de la terre ne meurt jamais, édi­tion traduite et annotée par Cécile A. Hold­ban et Thier­ry Gilly­boeuf, Poé­sis, 2021

Howard Mc Cord, Poèmes Chamaniques, édi­tion établie, traduite et annotée par Cécile A. Hold­ban et Thier­ry Gilly­boeuf, La Part Com­mune, 2021

Vir­ginia Woolf, Le Par­adis est une lec­ture con­tin­ue, tra­duc­tion et présen­ta­tion de Cécile A. Hold­ban, La Part Com­mune, Rennes, 2019.

Vir­ginia Woolf, Ain­si par­lait – Thus Spoke, dits et maximes de vie choi­sis, traduits de l’anglais et présen­tés par Cécile A. Hold­ban, édi­tion bilingue, Arfuyen, Paris, 2019.

Sán­dor Weöres, Filles, nuages et papil­lons (Lányok, lep­kék, fel­legek), poèmes choi­sis et traduits du hon­grois par Cécile A. Hold­ban, Érès Po&Psy, Toulouse, 2019.

Dezső Kosz­tolányi, Venise, tra­duc­tion du hon­grois et pré­face de Cécile A. Hold­ban, Cam­bourakis, Paris, 2017.

Atti­la József, Le Men­di­ant de la beauté, Le Temps des Ceris­es, Paris, 2014, poèmes traduits du hon­grois par Fran­cis Combes, Cécile A. Hold­ban et Georges Kassai.

DÉCOUVRIR

Site de la Revue Ce qui reste – Jour­nal quo­ti­di­en de son tra­vail de pein­tre sur Insta­gram

Mail : mcguichard@outlook.com

Autres lec­tures

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Pierre Tanguy

Pierre Tan­guy est orig­i­naire de Lesn­even dans le Nord-Fin­istère. Ecrivain et jour­nal­iste, il partage sa vie entre Quim­per et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire. Ses recueils ont, pour la plu­part, été pub­liés aux édi­tions ren­nais­es La Part com­mune. Citons notam­ment “Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure” (2002, réédi­tion 2008), “Let­tre à une moni­ale” (2005), “Que la terre te soit légère” (2008), “Fou de Marie” (2009). Dernière paru­tion : “Les heures lentes” (2012), Silence hôpi­tal, Edi­tions La Part com­mune (2017). Ter­res natales (La Part Com­mune, 2022) Voir la fiche d’auteur

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