Une prose poétique, une ou deux phrases tout au plus, qui s’égrainent telles des perles reliées par le fil de soie qu’est ce recueil. Quelque chose comme un cri, alors quelles sont les thématiques abordées par Jacques Ancet ?
Pas de titres aux textes, rien que des dates , apposées en toutes petites lettres en italiques en bas de pages, justifiées à droites…Tout de suite vient l’identification au journal, un journal poétique, et à ce qui est inhérent au genre : l’évocation d’éléments personnels, voire anecdotiques, la trame d’une existence qui se laisserait poursuivre, au déroulé de ces dates.

Jacques Ancet, Quelque chose comme un cri, dessins de Danielle Desnoues, in extenso, po&psy, Toulouse, 2017, 20 €.
Pas de titres de chapitres non plus, ils sont numérotés de I à III. Cette partition est rythmée par les dessins de Danielle Desnoues, qui explore l’espace et tente d’en restituer la profondeur, grâce à des lignes horizontales transposées sur des fonds plus ou moins rugueux, qui s’étagent sur l’image en noir et blanc, au gré d’un fond qui propose des nuances allant et venant au rythme de ces deux polarités chromatiques. Pas de numéros de pages, et des calques transparents qui annoncent le changement de chapitre et se superposent aux esquisses de la plasticienne.
Nous voyons donc que les textes du poète sont portés par un écrin qui déjà fait sens à travers cette recherche d’une transcription des potentialités de lecture d’un espace signifiant. Qu’en est-il alors des propos de Jacques Ancet ? Vers où nous mènent-ils ?
A cet égard les épigraphes de chapitres destinées à accompagner ces mises en oeuvres formelles laisse présager du contenu de l’ensemble :
(….)plus un esprit se limite,
plus il touche par ailleurs à l’infini.
Stéphan Sweig
Ne pas peindre ce qu’on voit puisqu’on ne voit rien,
Mais peindre ce qu’on ne voit pas
Claude Monet
Le poète est un dormeur
Marina Tsvétaïeva
La teneur sémantique de ces citations se double du poids des signatures de leurs auteurs, d’autant plus prégnante qu’aucun titre d’œuvre ne les suit : Stephen Sweig., l’auteur du Joueur D’échecs, évoque bien sûr la guerre la solitude et la séquestration, Le trait d’union n’en est que plus puissemment tracé entre ce que le lecteur peut penser trouver dans les pages du recueil et l’univers carcéral et inhumain du Joueur d’échec, la guerre et ses atrocités…Puis Monet, dont les propos bien entendu s’appliquent à toute poésie, et enfin Marina Tsvétaïeva, sublime poète russe qui se suicide pour avoir subi la terreur stalinienne, après avoir produit une oeuvre d’une puissance inextinguible.
L’auteur aborde sans jamais se dévoiler des thématiques qui répondent au symbolisme amené par ces auteurs convoqués en exergue. Il offre à ces questionnements l’occasion de trouver des tentatives de réponses, effleurées dans le mouvement suivi d’une conscience qui ne trouve la paix nulle part. Tantôt « tu », tantôt « il », la mise à distance de l’énonciateur soutient des poèmes dont la prose est constituée d’une phrase courte et bien souvent simple, d’une syntaxe tout à fait usuelle. Le lexique emloyé n’offre pas plus de complexité, faisant appel à des mots usuels et courants. Mais alors, où et comment se produit ce miracle, la poésie de Jacques Ancet ? Certainement dans ce va et vient entre le dire et son impossibilité, entre les tentatives d’exister et cette ambiguïté qu’est le renoncement à croire en toute réalité, dans cette souffrance effleurée par une prose dont la teneur poétique dit ce qui ne s’énonce pas.
La mort, la maladie et la solitude, thématiques qui sont bien souvent l’objet du discours qu’il soit narrratif ou poétique,, ne rebutent pas le poète qui, au contraire, parvient à en transfigurer le point focal. Il n’en parle qu’en n’en parlant pas, les évoque sans les nommer…Somme toute, voici l’essence de toute poésie, sa gageure aussi…
Le trou dans le visage. Ou la bouche. Ou le cri. Ce cri qui en sort-le sang, la nuit-on ne sait pas.
7 juin 2012
L’homme enfermé dans sa cage. Et dehors, le tigre qui va et vient, qui le contemple.
12 oaüt 2012
On meurt comme on peut, disat-elle. Lais sait-on ce qu’on peut ? Le ciel était bien bas. On touchait la peur.
30 juillet 2014
Et puis, dans une pudeur magistrale, splendide, l’amour :
Tu dors paisible dans le soir qui vient. J’attends la nuit. Ton souffle fait le silence.
1èr février 2014
Une phrase me cherche. Si elle me trouve comment savoir. Dans ma bouche des mots mêlés. Un seul me trouve sans me chercher ?
3 février 2014
Puis la poésie devient aussi souvent l’objet de son propre discours.
Je l’entends venir, elle me rattrape. J’y suis. Je suis la phrase.
11 mars 2014
Tu regardes et tu ne peux plus parler. Le trop plein d’images étouffe la voix. Parler c’est s’aveugler.
17 septembre 2013
Jacques Ancet nous offre Quelque chose comme un cri. Laissons-le conclure, pour le remercier de cette imminence d’une immanence tentée d’aboutir à chaque ligne de son recueil.
J’écris pour être bien, dit-il encore, mais ça fait mal. Chaque mot m’emporte et je ne suis rien. Chaque mot me tue.
9 février 2013.

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