Tra­duc­tion Mar­i­lyne Bertoncini

 

Quand les morts appa­rais­sent dans les rêves

 

1 -

Elle lève la main.
Plus de marchandage !
Assez de récriminations !

Elle me laisse la toucher
sur un ourlet ou un poignet.

Elle a toute la majesté de la mort
et la réti­cence des rêves.

 

2 – 

On est en  août dans cette ville,
chaque fois que je marche dans ces rues tranquilles.

Un petit hôtel où vous pour­riez passer
une nuit avec une amante, con­naître le bonheur,
promet­tre le mariage, vous quereller, vous séparer.

Une mai­son vide où vous pour­riez vous  ligaturer
et vous piquer avec une aigu­ille de blanche.

Une ruelle où dormir tard
et vous réveiller avec le cerveau qui bat
comme des cloches, absur­de­ment désacordées.

Et chaque porte fermée,
avec un pan­neau de car­ton : FERMÉ.

 

3 -

Soir per­ma­nent dans ce parc ceint de murs.

Elle est là qui attend
avec les expli­ca­tions toute prêtes :
Pourquoi D per­met-il S?

Raul à 16h, des lignes sur le miroir,
l’hal­lu­ci­na­tion inflex­i­ble, suicide?

Mais comme elle me donne les réponses
elles se fondent en une seule voyelle.

Main­tenant elle des­sine un diagramme
avec son ombrelle dans la boue
et tout est illustré :
com­ment rompre le contrat,
la recette de sauce pour le canard,
pourquoi met­tre un pen­ny fleur-de-coin
dans un vase de tulipes coupées.

 

Je regarde atten­tive­ment mais vois
juste une four­mi effrayée, et une spore de moisissure.

Et main­tenant elle se retourne.

 

3 -

L’adage dit  : toutes les choses
sont vides de sub­stance, même la substance.
Même les rêves, même le vide.

Mais vous pou­vez tou­jours vous dresser
dans le châs­sis de la haute fenêtre lais­sant la brise
vous touch­er et emplir votre esprit
de l’odeur forte du savon de marseille
et du pain cuit à l’aube.

 

*

 

When The Dead Appear In Dreams

 

1
-

She holds up her hand.
No more bargaining!
Enough recriminations!

She lets me touch her
on a hem or a cuff.

She has all the majesty of death
and the ret­i­cence of dreams.

 

2
-

It’s August in that city, 
every time I walk those qui­et streets.

A lit­tle hotel where you might spend
a night with a lover, know happiness,
promise mar­riage, quar­rel, part.

A vacant house where you might tie off
and shoot up with a milky needle.

An alley in which to sleep late
and wake with a throb­bing mind
to church bells, strange­ly off-key.

And every door locked, 
with a card­board sign: LOCKED.

 

3
-

Always evening in that walled park.

She’s there waiting 
with the expla­na­tions prepared:
Why does G per­mit E?

Raul at 4AM, lines on a mir­ror, t
he adamant hal­lu­ci­na­tion, suicide?

But as she gives me the answers
they merge in a sin­gle vowel.

Now she’s draw­ing a diagram
with her umbrel­la in the dirt
illus­trat­ing everything: 
how the con­tract breaks down,
the recipe for duck sauce,
why to put a fresh-mint­ed penny
in a vase with cut tulips.

I look close­ly but see 
only a scared ant, a mold spore.

And now she turns.

 

3
-

The teach­ing says: all things
are emp­ty of self, even the self.
Even dreams, even emptiness.

But you can still stand 
in the high win­dow and let the breeze
touch you and fill your mind 
with the tang of laun­dry soap 
and bread baked at daybreak.

 

*

 

 

 

 

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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.